Gratuité partielle des transports publics genevois : première étape genevoise
Deux députés PLR, Yvan Zweifel et Adrien Genecand, ayant en travers de la gorge le vote du Grand Conseil en faveur de la gratuité des transports publics genevois pour les moins de 25 ans, et une réduction de moitié du prix de l'abonnement pour les plus de 65 ans, avaient fait recours auprès de la Chambre constitutionnelle de la Cour de Justice contre ce vote, en lui demandant d'annuler la loi et son règlement d'application, et avant cela d'accorder à ce recours un effet suspensif de leur mise en vigueur. La Justice a annoncé qu'elle rendrait sa décision avant le 1er janvier, date d'entrée en vigueur de la gratuité et de la réduction, mais a refusé d'accorder aux deux radelibes l'effet suspensif qu'ils demandaient, en estimant douteuse la recevabilité de leur recours, faute d'intérêt direct de leur part à s'opposer à la loi. C'est peu dire, en effet : les deux recourants avaient tenté d'expliquer qu'étant âgés de 37 et 44 ans, ils ne pouvaient bénéficier ni de la gratuité, ni de la réduction du prix de l'abonnement, et qu'ils étaient donc victime d'une discrimination (ils auraient voulu quoi ? un rabais sur la gratuité ? qu'on les paie pour prendre le bus de la vieille ville ?) ils avaient juste oublié de préciser que la gratuité qu'ils refusaient aux plus jeunes, eux en bénéficiaient en tant que députés, avec un abonnement gratuit offert par le canton. Et qu'en définitive, ce qu'ils refusaient, c'est que d'autre qu'eux bénéficient d'une gratuité dont eux-mêmes bénéficient déjà... comme dit Pierre Maudet dans un commentaire de la décision de la justice, "c'est une nouvelle étape gagnée dans un combat pour l'intérêt général contre des intérêts particuliers". Très particuliers, même.
Ou bien les transports publics sont un service public, ou bien il sont un service accessoire
"La gratuité, ça n'existe pas, tout a un coût". En
effet, même la quérulence. Et aussi les gratuités dont disposent
ceux qui refusent la gratuité. La question de la gratuité des
transports publics genevois aux moins de 25 ans, et la réduction
de moitié du prix des abonnements pour les plus de 65 ans, ne
sera pas tranchée dans les urnes, les opposants n'ayant pas
lancé de référendum, mais par la justice qu'ils ont saisie
(c'est moins fatigant que récolter des signatures), et qui
rendra son verdict avant le 1er janvier. Mais le 24 novembre, le
peuple genevois (du moins sa part qui a le droit de vote et s'en
sert) se prononcera tout de même, indirectement, sur les tarifs
des transports publics, en se prononçant sur leur inscription ou
non dans la loi, et donc sur la possibilité pour le peuple de
s'opposer à leur augmentation si un référendum était lancé. En
2014, c'est le peuple lui-même qui s'était accordé (il est
souverain ou il ne l'est pas...) ce droit, en acceptant une
initiative de l'Avivo. Et trois ans plus tard, il refusait une
augmentation de 20 centimes (à 3,20 francs) du prix du billet et
de 50 francs (à 550 francs) du prix de l'abonnement. La droite
n'avait jamais accepté sa défaite lors de ces deux votations et,
dès qu'elle l'a pu, a voulu sortir les tarifs de la loi, et les
a donc soustraits au référendum et au vote populaires. Sans
toutefois pouvoir y soustraire cette soustraction...
Sans doute ce débat de procédure sur l'adoption
des tarifs peut-il nous paraître, à nous, partisans et
praticiens de la gratuité, comme un peu accessoire, la gratuité
résolvant tout débat sur les tarifs, en posant clairement le
principe du financement public des transports publics. Mais nous
aurions tout de même tort de mésestimer l'importance du vote du
24 novembre : après tout, il s'agit de défendre un droit
démocratique, celui de référendum populaire, portant sur une
dépense exigée des usagers d'un mode de transport dont il est
désormais admis qu'il faut les développer, qualitativement et
quantitativement, comme l'une des alternatives au transport
automobile individuel, surtout en temps d'urgence climatique et
environnementale.
Car, finalement, de deux choses l'une : ou bien
les transports publics sont un service public, ou bien il sont
un service accessoire. S'ils sont un service public, ils doivent
être accessibles à toutes et tous (sans privilège, soit dit en
passant à quelques députés à qui la collectivité offre la
gratuité de ce service), ce que seule la gratuité peut assurer.
S'ils sont un service accessoire, on peut admettre de le faire
payer, en tout ou partie, à qui use. Sachant que d'entre ces
usagères et usagers, il en est qui, partisans de la gratuité, se
l'accordent à eux-mêmes (comme les députés précités, puisque ce
sont eux qui s'en votent la possibilité). En Suisse, ce sont 60 millions de francs de pertes de billetterie
(abonnement compris) que provoque la gratuité illégale (la
resquille, quoi). Or plus les tarifs sont
élevés, plus la resquille est tentante -alors que la gratuité des transports publics, ce serait purement
et simplement la fin de la resquille. Et donc, des millions
d'économies de coûts administratifs, judiciaires et
pénitentiaires liés à la chasse aux resquilleurs.
A défaut de gratuité totale, puisqu'on assure
qu'elle est légalement impossible, Genève a décidé d'une
gratuité spécifiques pour les jeunes et d'une réduction de tarif
pour les retraités et les invalides, les chômeurs, les pauvres.
On pourrait dès lors se contenter d'additionner ces gratuités
spécifiques pour en arriver à une gratuité dont pourrait
bénéficier la majorité de la population. Sans forcément le
vouloir, c'est bien ce chemin là que le Grand Conseil genevois a
pris, et que veut lui fermer les deux députés radelibes qui ont
fait recours contre cette surprenante audace parlementaire.
Avouez qu'il serait tout de même navrant que pour une fois on ait envie d'approuver une décision d'un parlement largement dominé par la droite, on nous prive de ce plaisir en ayant actionné la justice, après que ce même parlement, revenu à ses réflexes habituels, ait décidé de priver la population du droit de se prononcer sur les tarifs de transports publics qu'on est pas loin de la supplier d'emprunter...
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