L'extension des autoroutes suisses en votation le 24 novembre : Inverser la tendance

Selon un premier sondage sur les votations du 24 novembre, une majorité  (56 %) de citoyennes et de citoyens pourraient accepter le "paquet" de projets d'extensions autoroutières, mais une assez forte minorité (42 %) s'y oppose, nous laissant espérer en un renversement du vote, d'autant plus que le même sondage laisse supposer une majorité rejetante (51 %) dans les villes. Les projets sont ceux, pour 5,3 milliards de francs, d'extension de six tronçons d'autoroute, cinq en Alémanie et un seul en Romandie, sur 19 kilomètres entre le Vengeron (Genève) et Nyon (Vaud), ajouté au prix de près d'un milliard de coût supplémentaire au "paquet" (qui ne comprenait initialement que les tronçons alémaniques) pour qu'en cas de vote populaire, cas réalisé par le succès du référendum lancé par l'ATE et Actif-trafic, le plus possible de Romands et de Romandes soutiennent l'ensemble des projets puisqu'on doit voter par un seul "oui" ou "non" à  tous en même temps : le "paquet" est ficelé. Solidement. Et soutenu par tous les partis de droite, les organisations patronales et le secteur automobile. En face, les organisations environnementales, les défenseurs de la mobilité douce et la gauche veulent "mettre un frein à ce modèle de développement routier". Va falloir se mobiliser pour inverser la tendance.  Celle des sondages et, plus lourde, celle du privilège presque séculaire accordé au transport automobile sur toutes les autres formes de mobilité.

 
Des autorités hypocrites ou schizophréniques ?

"La mobilité a toujours été un sujet très clivant", observe la Conseillère nationale vaudoise (et socialiste) Brenda Tuosto, parce qu'on "touche au quotidien des gens". Et, concrètement, à leur possibilité ou non de se passer de bagnole pour se déplacer au-delà d'une certaine distance. La majorité rejetante dans les villes, signalée par le premier sondage sur la votation du 24 novembre, comme la majorité acceptante (61 %) dans les campagnes, s'explique ainsi par le développement de l'offre des transports publics dans les premières et son insuffisance dans les secondes : en matière de mobilité, l'offre créée la demande. Cela vaut pour les transports publics, cela vaut aussi pour les autoroutes : quant on les élargit, on y appelle un trafic supplémentaire, et les embouteillages reprennent -sur trois voies au lieu de deux.  Selon l'Office Fédéral des Routes, la nouvelle autoroute A1 à 6 voies Genève-Nyon passera, en dix ans, de 87'000  à 130'000 voitures  et sera à nouveau saturée. Et reportera ce trafic supplémentaire dans les agglomérations, voire les centre-villes : La Confédération prévoit 44'000 voitures supplémentaires chaque jour à l'échangeur du Vengeron, 8800 à Coppet et 7000 à Nyon! Sans doute les mêmes qui défendent aujourd'hui une voie de plus dans chaque sens sur cette autoroute en proposeront alors à nouveau une dans chaque sens. Avec comme slogan "videz le lac qu'on puisse rouler" ? 

Un seul et unique mode de se déplacer est soutenu par les projets sur lesquels on votera le 24 novembre : l'automobile privée. Ce primat, aura, comme il a toujours eu depuis les années cinquante, des effets considérables sur l'aménagement du territoire : multiplication des zones industrielles et commerciales, prolifération des rocades, des parkings, des rond-points, des contournements autoroutiers des villes, elles-même redessinées par l'automobile. Lorsqu'elle était encore le mode de déplacement d'une minorité, la voiture permettait un gain de temps et de liberté de mouvement. Mais au fur et à mesure que son usage se généralisait, les lieux de logement et de travail se distançaient les uns des autres, les temps de trajets s'allongeaient, le coût du transport renchérissait -et les embarras de circulation s'aggravaient, alors que durant la même période, dans certains pays (notamment en France) les maillage du territoire en transports publics se raréfiaient, du fait d'un choix politique délibéré de privilégier les grandes lignes à grande vitesse, de remplacer les lignes ferroviaires locales par des lignes de bus, qui finissaient par être purement et simplement supprimées, ou dans le meilleur des cas remplacées par des minibus à la demande. La philosophe Pascaline Sordet résume : l'outil automobile "a dépassé son seuil critique et se retourne contre son utilisateur". Et si jusque dans les années cinquante seuls ceux qui pouvaient se le permettre avaient une voiture, aujourd'hui, c'est pour s'en passer qu'il faut se le permettre. Et seul un développement des transports publics peut remédier à cette inégalité sociale dans le choix du mode de déplacement. Mais comment, avec quels moyens, développer les transports publics, surtout hors de centre-ville, quand la Confédération ne se contente pas de proposer aujourd'hui (en même temps qu'un lourd plan d'économies) 5,3 milliards pour élargir les autoroutes existantes, mais entend consacrer 35 milliards dans les prochaines décennies à des projets d'autoroute, nuisibles à l'environnement à la santé des populations, automobilistes compris, alors que 80 % des microplastiques relâchés dans l'environnement provienne de l'abrasion des pneus, qu'ils soient ceux de voitures thermiques ou ceux de voitures électriques), dans le même temps où la même Confédération assure vouloir atteindre la neutralité climat dans une génération, tout en gelant, voire en réduisant (quand ce n'est pas en supprimant) les subventions pour les trains de nuit et les petites lignes régionales de transports publics ?
Les projets soumis, ficelés, à notre approbation le 24 novembre, témoignent-ils de l'"hypocrisie des autorités", comme le dénoncent leurs opposants, ou de leur schizophrénie ?

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