Fiscalité genevoise : un cadeau fait à qui n'en a pas besoin
Enrichir les riches
Le 24 septembre, Genève vote sur un "allègement fiscal" que la droite présente comme profitant à l'ensemble de la population, et d'abord, évidemment, à l'inévitable "classe moyenne" à laquelle plus aucun discours politique ne peut se passer de faire référence. En réalité, cet "allègement" est un cadeau fait aux plus hauts revenus, et dont l'écrasante majorité des contribuables ne bénéficieront pas, ou presque pas -mais qu'ils risquent fort de devoir payer par une perte de prestations. Résultat : jusqu'à un revenu mensuel de 15'000 francs par mois, la baisse d'impôt se traduira en perte de prestations.
La valeur du cadeau fiscal proposé par la droite
genevoise, en pourcentage de l'impôt dû par un.e contribuable
célibataire, atteindrait 11,4 % pour un revenu imposable de
76'811 francs, ou de 153'622 francs pour un couple. Pour les
revenu supérieurs, le pourcentage baisse, jusqu'à atteindre 5,3
%, mais le volume en francs augmente : le cadeau est,
logiquement, d'autant plus gros que le revenu est haut. Et a
contrario, d'autant plus symbolique que le revenu est bas. En
d'autres termes, ce cadeau fiscal est fait aux contribuables qui
n'en ont pas besoin. Pour les autres, dans le meilleur de cas il
ne changera rien, sauf pour celles et ceux qui ont besoin des
prestations de l'Etat -du canton, des communes- pour surnager.
Parce qu'il faudra bien que la perte de ressources fiscales soit
compensée -et elle ne pourra l'être, sauf à augmenter certains
impôts pour compenser la réduction d'autres, que par une
réduction des prestations, et un manque de financement pour les
écoles, les subsides d'assurance-maladie, les hôpitaux (à qui il
manque 40 millions pour respecter la loi sur le travail), les
EMS, les transports publics, les crèches (il leur manque 3500
postes de travail), et même la police (qui a besoin de 100
postes supplémentaires).
430 millions de pertes fiscales pour un café tous
les deux jours
Baisser l'imposition directe sur le revenu et la
fortune des personnes physiques, c'est évidemment ne baisser que
l'impôt pour les contribuables qui ont un revenu suffisant pour
pouvoir payer un impôt, et qui ont une fortune. Mais c'est aussi
ne baisser que l'impôt direct -une précision qu'on ne se lassera
pas de donner, puisqu'en face, on ne se lasse pas de prétendre
(comme le reprend un titre de GHI) que
"35 % des Genevois ne paient pas d'impôt et 1 % paie 67 %"...
Or tout le monde paie un impôt, y compris les bébés en
couveuse, les subclaquants sous respirateur artificiel, les
mendiants et les sdf : cet impôt, 'est l'impôt indirect, la
TVA... Pour le reste, si 3300 contribuables s'acquittent certes
de 67 % d'un impôt, c'est de l'impôt sur la fortune. Et c'est
logique : la fortune est encore plus mal répartie que le revenu,
et la proportion de contribuables sans fortune imposable bien
plus importante que celle des contribuables sans revenu
imposable.
Vous voulez améliorer le pouvoir d'achat ?
Augmentez les salaires, renforcez les prestations sociales,
développez les gratuités (des crèches, du parascolaire, des
transports publics...), baissez les primes d'assurance-maladie
et les loyers. Bref : faites tout ce que refusent les défenseurs
de baisses d'impôt qui ne changent rien au pouvoir d'achat de la
majorité de la population -et n'améliorent que celui des plus
aisés : il faut un revenu annuel de 100'000 francs pour que les
cadeaux fiscaux soumis au vote du 24 novembre atteignent 1000
francs. Soit quatre-vingt francs par mois. Un café au bistrot
tous les deux jours, payés par 430 millions de perte pour le
canton et les communes. Dont les budgets seront (sauf pour les
parcs à bourges de la rive gauche) déficitaires dès 2026, s'ils
ne le sont pas déjà. Et qui, comme ceux du canton lui-même,
seront plus déficitaires encore que prévu : les prévisions de
rentrées fiscales pour 2025 sont en baisse, le budget cantonal
pourrait passer d'un petit boni de 4,3 millions à un déficit de
256 millions. Et les budgets des communes, surtout ceux des
villes, surtout celui de la Ville de Genève, trinqueront. Elles
rebondiront, assure la candidate PLR au Conseil administratif de
la Ville, pour qui, sans doute, un budget est une sorte de
trampoline.
Ce jeu fiscal est un jeu à somme nulle : ce que quelques uns vont gagner, beaucoup d'autres le perdront. C'est de la redistribution, certes, mais à l'envers, du bas vers le haut, des pauvres aux riches, de la "classe moyenne" à la classe aisée, des Pâquis à Vandoeuvres...
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