Présidentielle américaine : Bonne nuit...
On ira se coucher dans quelques heures sans encore savoir qui de Donald Trump ou de Kamala Harris présidera les USA les quatre prochaines années (à quatre heures du matin, Trump est en tête). On ne s'endormira pas plus difficilement pour autant : cette incertitude nous tiendra lieu de berceuse. On ne sait d'ailleurs même pas si elle sera levée quand nous nous lèverons nous-mêmes. Peu importe : de toute façon, nous n'avons aucune prise sur le choix des électrices et des électeurs américains, qui eux-mêmes n'élisent même pas leur président ou leur présidente, et qui, comme nous, attendront de savoir comment se seront prononcés les quelques milliers d’électeurs trumpistes et d'électrices kamaliennes qui dans quelques dizaines de trous perdus feront, peut-être, le résultat national. Ce qu'on sait, en revanche, c'est que les Démocrates ont besoin d'au moins 3 % d'avance nationale sur les Républicains pour avoir une chance de gagner cette élection, sans quoi, même majoritaires, ils la perdront du fait de la répartition des "grands électeurs" entre les Etats : c'est ainsi qu'Al Gore et Hillary Clinton ont été battus, alors qu'ils avaient devancé leurs adversaires (Bush et Clinton)...
Le programme de Trump, c'est Trump lui-même. Son seul objectif, c'est le pouvoir
Le retrait de Biden et la candidature de Kamala Harris avaient déstabilisé la stratégie électorale des Républicains (si on peut encore les dénommer ainsi, quand ils ne sont plus que trumpistes...) toute entière focalisée sur l'état de santé et l'âge de leur adversaire, et se retrouvant avec une candidate démocrate en pleine forme de près de 20 ans plus jeune que Trump (qui se retrouve être le candidat à la présidence des USA le plus âgé de toute leur histoire), et qui semble avoir réussi à mobiliser un électorat jeune qui échappait à Biden et échappe à Trump, malgré son choix de J.D. Vance comme candidat à la vice-présidence -un candidat qui ne permet cependant pas à Trump d'élargir sa base politique, puisqu'il tient le même discours que lui, même s'il a presque quarante ans de moins...
Dans les derniers jours de la campagne, les deux
candidats à la présidence étasunienne ont multiplié les apparitions, et fait monter sur
scène quelques uns des soutiens de célébrités diverses et
variées qu'ils avaient réussi à récolter : Bruce Springsteen et
Spike Lee contre Hulk Hogan et Jon Voight. Est-ce que cela fait
bouger les lignes du front électoral ? A la marge, peut être,
mais qu'Elon Musk soutienne Trump et Jeff
Koons soutienne Kamala Harris
fait sans doute plus les titres de quelques journaux que les
bulletins
de vote, contrairement à l'inflation, qui devrait, selon la
plupart des analystes, peser en faveur de Trump, alors qu'elle a été
globalement maîtrisée, mais pèse encore sur les produits de première
nécessité -et donc les budgets des ménages les plus modestes.
De toute façon, Kamala Harris "ne devrait jamais devenir la première femme présidente, ce serait une insulte à notre pays", proférait Trump en septembre 2020 après la désignation de Harris comme candidate à la vice-présidence (à laquelle elle a été élue avec Biden). Le candidat trumpiste à la vice-présidence cette année, James David Vance, voyait en elle la cheffe de file des "femmes à chat malheureuses" de ne pas avoir d'enfants (Kamala ayant élevé les deux enfants de son mari). Trump, lui, affecte de l'appeler "Camarade Kamala", de la considérer comme une "communiste", la traite de "folle", d'"idiote", d'"ordure", de "clocharde", d'"handicapée mentale", prétend qu'elle est née à la Jamaïque et non en Californie (ce qui l'empêcherait d'être présidente)...
Kamala Harris, elle, se présentait en "combattante
joyeuse", et
a fait large place dans ses interventions à la défense du droit
des femmes à disposer de leurs grossesses, depuis que la Cour
Suprême des USA a, grâce à des juges nommés par Trump, aboli ce
droit en tant que droit fédéral, applicable sur tout le
territoire de l'Union -après quoi une vingtaine d'Etats
gouvernés par les Républicains ont interdit les IVG -ou en ont
tellement restreint la possibilité que cela revient au même. Et
pour Kamala, Trump est l"l'architecte" de cette régression : "Je
l'ai fait et je suis fier de l’avoir fait", dit-il à propos du
renversement de la jurisprudence fédérale grâce aux juges qu'il
a nommé. "Fier que des des femmes meurent ? Fier que des
médecins et des infirmières puissent être incarcérés pour avoir
prodigué des soins ? Fier que les jeunes femmes disposent
aujourd'hui de moins de droits que leurs mères et leurs
grands-mères ?", interroge (et répond...) Kamala, qui proclame à
chaque réunion publique : "On ne reviendra pas en arrière". Et
fait tout pour mobiliser les femmes noires en sa faveur. Les
"Noirs" représentent 14-15 % de l’électorat américain, mais, par
exemple, un tiers en Géorgie. Et après le retrait de Joe Biden,
un fort afflux de nouvelles inscriptions de femmes non
"blanches" et de jeunes sur les listes électorales a été
observé. Or selon les sondages, si Donald Trump obtiendrait une
majorité des votes des hommes, et séduit une part importante des
afro-américains (à qui Barack Obama à lancé : "vous n'aimez pas
l'idée d'avoir une femme à la présidence"), Kamala Harris
obtiendrait une plus large majorité du vote des femmes... Or les
femmes
votant plus que les hommes aux USA, si elles se sont mobilisées,
Kamala pourrait l'emporter.
Reste que l'élection présidentielle américaine se jouera quasiment à pile ou face : quand les candidats sont au coude-à-coude au plan national, ce sont presque toujours les Républicains qui gagnent le collège électoral. C'est dire si pèse lourd le soutien que lui apporte Elon Musk avec une opération de submersion de la campagne électorale à coup de millions de dollars dans les "Etats clefs" pour les faire basculer dans le camp de Trump, comme dans un trou noir.
Irresponsable, infantile, égocentrique et inculte,
Trump est persuadé qu'il sait tout sur tout. Son programme, c'est lui-même. Le programme de Trump, c'est Trump lui-même. Son seul
objectif, c'est le pouvoir. Et de pouvoir l'exercer avec le
moins de limites possible. Pas plus de limite qu'il s'en est
fixé dans sa campagne : il ne perdait rien à s'attaquer à
certaines minorités qui ne toute façon n’allaient pas voter pour
lui, il y gagnait de caresser dans le sens du poil d'autres
minorités vivant un sentiment, voire une situation, de
déclassement, de largage par l'évolution sociale. Or si les premiers à payer le prix d'un retour de Trump à
la présidence seront les Américains eux-mêmes, d'entre eux ce
seront celles et ceux de son électorat "populaire", ouvrier,
déclassé, qui payeront le prix le plus lourd.
De toute façon, si Trump
devait perdre (malgré le soutien d'Albert Rösti ?), il accusera
(il a d'ailleurs déjà commencé à
le faire) la pièce d'être fausse et le hasard d'être orienté par
un complot. Il n'a d'ailleurs guère le choix : à son âge, il
joue sa dernière carte -il sera à la Maison Blanche ou
en prison. De ces deux endroits, il y en a bien un où il sera moins
nuisible que dans l'autre. On le saura peut-être d'ici la fin de la
semaine. On pense pouvoir survivre à cet insoutenable suspense -le pire
des résultats possibles ne ferait après tout que titiller notre vieille
fibre anti-américaine.
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