Rituels de la fin de l'automne : Feuilles mortes et budgets
C'est la fin de l'automne. La saison des feuilles mortes, des premières marmites de l'Escalade dans les supermarchés, des catalogues de jouets (mais plus -minute de nostalgie- ceux des Jouets Weber, qui se sont vendus aux Allemands)... et des débats parlementaires fédéraux, cantonaux, municipaux, sur les budgets publics. A Genève, et sans doute ailleurs aussi, c'est le grand moment de gloire des commissions des Finances et de leurs commissaires, persuadés qu'ils sont de faire les budgets, de déterminer les ressources de la collectivité publique et leur affectation -alors que quel que soit le budget proposé il pourra être amendé, et quel que soit le budget voté il pourra (comme peut l'être, là où il existe, le "frein à l'endettement") être contourné pendant toute l'année suivante par des votes de crédits extraordinaire. Et puis surtout, il y a ceci, qu'un budget n'est jamais basé que sur une hypothèse de recettes d'où on tire une autorisation de dépenses. Or les prévisions de recettes sont (comme on vient de le voir à Genève) incertaines et les autorisations de dépenses ne sont ni des obligations de dépenser, ni même des limites à la dépense. Autant dire que la fin de l'automne étant la saison des feuilles mortes, il est logique qu'elle soit aussi celle des budgets.
Le temps d'après l'adoption du budget est plus fécond que le temps d'avant
En Ville de Genève, la commission
des Finances a approuvé le projet de budget du Conseil
administratif, révisé après l'annonce par le canton d'une
baisse des ressources fiscales qui fait à la fois passer le
budget cantonal d'un boni à un déficit,et accroît le déficit
du budget municipal. Pour ne rien arranger, les budgets
cantonaux et municipaux doivent intégrer une autre baisse de
leurs recettes : celle qu'entraînerait l'adoption des cadeaux
fiscaux soumis au vote populaire dans dix jours. Les communes
qui seraient touchées par cette baisse, et qui abritent 70 %
de la population cantonale, auraient alors à choisir entre
réduire leurs prestations à la population, accroître leur
déficit budgétaire... ou (comme le leur suggère le député PLR Alexandre de
Senarclens, par ailleurs grand défenseur de la baisse de
l'impôt cantonal...) augmenter leurs propres impôts pour compenser des
cadeaux fiscaux cantonaux qui vont leur coûter 108 millions,
dont la moitié en Ville et 33 millions pour des communes
populaires et suburbaines (2,5 millions à Onex, 3.6 millions à
Plan-les-Ouates, par exemple). 108 millions de pertes fiscales
pour les communes, ce n'est pas qu'un chiffre. 108 millions,
c'est entre 2700 et 3400 places de crèche.
Le Conseil administratif de la
Ville, refusant à la fois de réduire les prestations
municipales à la population et d'augmenter l'impôt municipal,
a donc présenté un projet de budget déficitaire de 73
millions, dix millions de plus que le précédent projet de
budget, celui d'avant les dernières prévisions cantonales. Le
budget proposé désormais par la Commission des Finances (mais
que le Conseil administratif d'abord, puis le Conseil
municipal, en séance plénière le 7 décembre, peut encore
amender à condition de ne pas aggraver le déficit) contient la
création de 108 postes de travail, dont une cinquantaine sont
liés à la municipalisation des crèches. Il contient aussi
trois amendements présentés à la commission, dont un vise,
pour 120'000 francs, à permettre aux familles de la Ville dont
les enfants bénéficiaient d'un accueil préscolaire gratuit de
continuer à en bénéficier, malgré la décision de l'Association
des Communes Genevoises de les en priver en supprimant cette
gratuité (contre l'avis des Villes de Genève et d'Onex).
La majorité de gauche de la commission des Finances proposera donc au Conseil municipal à majorité de gauche un projet de budget contre lequel la droite coalisée (PLR, UDC, MCG, Centre) a voté. En Ville de Genève au moins (on se gardera bien de toute prédiction quant au budget cantonal), et sans doute dans les autres communes, on sortira donc du processus budgétaire avec un budget. Pas enthousiasmant, pas déprimant non plus. Médiocre, mais d'une médiocrité imposée par le carcan cantonal.
On aura un budget parce qu'on a une majorité pour en avoir un. Et qu'ensuite, on aura un an pour corriger ce qui mérite de l'être.
Il faut laisser du temps au temps
d'après l'adoption du budget : il est plus fécond que le temps
d'avant.
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