Dans quatre mois, les élections municipales genevoises

Vive la Commune, quoi, merde, enfin...

Dans quatre mois se tiendront à Genève les élections municipales -celles des Conseils municipaux et des Conseils administratifs. On aura largement d'ici là l'occasion de vous en narrer les péripéties et de vous en rappeler les enjeux. Pour l'heure, on se contentera de vous en rappeler le cadre, et en particulier celui des Villes. Et de vous réaffirmer un objectif : l'émancipation des communes. Et là encore, en particulier des villes. Car les villes genevoises, dont toutes les autres que celle de Genève, deuxième ville de Suisse, sont au moins égales, voire supérieures, en taille démographique à Delémont, Martigny ou Bellinzone, sont des nains politiques, avec un petit quart des compétences de leurs voisines vaudoises. Elles ne peuvent sans l'autorisation du canton placer un "gendarme couché" sur une rue cantonale pour y ralentir le trafic; elles ne délivrent pas d'autorisations de construire, seulement des préavis sur lesquels le Conseil d'Etat peut s'asseoir. En revanche, elles doivent assurer l'infrastructure (les canalisations, l'électricité, les routes), payer les écoles primaires (mais c'est le canton qui décide d'ouvrir ou de fermer des classes), et avec la Ville de Genève assumer l'essentiel de la politique culturelle genevoise. Et leur gestion financière est sous la dépendance du canton : elles n'ont même pas accès au registre fiscal, c'est-à-dire à la taxation de leurs contribuables, et à leur identité... Et quand on attribue généralement cette faiblesse de l'autonomie et de la capacité de décision municipales à Genève à un héritage du "régime français" de 1798 à 1814, on se trompe : non seulement c'est le "régime français"qui a créé les communes genevoises (il n'y en avait pas avant), mais c'est le "régime genevois" qui les a, délibérément, maintenues dans un état de sujétion à l'égard du canton (la droite restauratrice, arrivée au pouvoir en 1815 dans les fourgons de la Sainte-Alliance, ayant même supprimé la commune de Genève, qu'il aura fallu une insurrection pour rétablir et une révolution pour confirmer)...

« Passer du gouvernement des hommes à l’administration des choses »

La Commune est le seul espace politique commun à tous les Etats démocratiques. Elle préexiste aux Etats, elle a formé, partout où la démocratie est née de la société elle-même, le niveau de base des institutions démocratiques –et même là où les communes ont été souvent créées à l’initiative du pouvoir central, elles l’ont été comme des contre-pouvoirs aux seigneuries féodales -à Genève, elle a été rétablie comme un contre-pouvoir au canton qui l'avait abolie. En Europe, le niveau communal est de tous les niveaux institutionnels celui qui possède initialement les compétences les plus larges et les mieux garanties. Et il est encore, en Suisse, lorsqu'il est celui de villes, le niveau institutionnel qui a le mieux garanti la permanence de services publics. C’est, par cette définition de la commune selon les services qu’elle rend, dire en quoi nous importe la défense de son autonomie, de sa capacité d’action et de sa primauté sur tout autre espace politique.

Nous ne sommes donc  pas « municipalistes » par fétichisme historique, par nostalgie de Franchises perdues ou par chauvinisme local et nous ne défendons pas l’autonomie communale par amour idéologique de l’autonomie communale pour elle-même (quoique le premier programme socialiste élaboré à Genève en fit un principe politique -mais ce programme inspiré voire partiellement rédigé par Bakounine, datant de 1869, on pardonnera à celles et ceux qui l’ont oublié. Nous défendons la Commune d'abord pour cette raison évidente que la conquête de compétences et de pouvoirs par l’ensemble des communes est une condition de l’émancipation de la Ville -de la ville politique et de la vie réelle, qui la déborde largement. Cette émancipation est une condition de la rénovation de la démocratie, de son élargissement, de son enrichissement et du renforcement de la capacité de la collectivité publique à présenter une alternative à la mercantilisation galopante de tous les rapports sociaux. Or par définition, la commune est la négation du repli sur soi, et les moyens dont elle dispose doivent contribuer à faire de la solidarité autre chose qu’une référence métaphysique -ou, pire, un espace marchand.

A la question : qu’attend-t-on de la Commune ? nous répondons que nous en attendons la concrétisation des principes mêmes de la démocratie, que nous en attendons ce qu’elle seule peut offrir sans appareil de contrainte et que les vieux socialistes résumaient en une formule : « passer du gouvernement des hommes à l’administration des choses ». Par définition,La commune est le service public, parce qu’elle n’est rien d’autre –sauf à se nier en tant que commune.

Encore faut-il que la commune s'assume pour ce qu'elle est -pas seulement l"échelon de base de la démocratie" : ce lieu commun des
discours de cantine. Parce qu'elle n'est pas un échelon, mais une fondation, et surtout qu'elle est
le service public en actes : n’étant pas fauteuse de lois, sa seule réalité politique est celle de la mise à disposition de services, de la concrétisation de droits fondamentaux, de la matérialisation des discours politiques.

Et c'est précisément à cela que doivent servir les majorités politiques que nous voulons maintenir ou conquérir dans les délibératifs et les exécutifs des communes de ce canton qui les méprise, les instrumentalise, les parasite et les rackette.




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