Contribution à l'UNRWA : La Suisse neutre va choisir son camp
Le 18 mars, l'Assemblée fédérale scellera le destin de la contribution suisse à l'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens, l'UNRWA. La Commission de politique extérieure du Conseil des Etats vient de recommander la suppression de cette contribution. La suppression totale, même pas le rabotage, la réduction, la coupure. On ne sait pas si le 18 mars le cessez-le-feu actuellement en vigueur à Gaza le sera encore. Mais ce qu'on sait, c'est que pendant quinze mois, les bombes, les missiles, les drones, les canons, les chars, ont presque détruit Gaza, et y ont fait des dizaines de milliers de morts. L'UNRWA est le socle de l'aide humanitaire à Gaza et à sa population, et le socle de la prise en charge médicale et sociale de la population palestinienne des territoires occupés et de la Cisjordanie vérolée par les colonies israéliennes. Priver l'UNRWA de financement, c'est donc soutenir une politique qui est au moins celle d'une épuration ethnique, désormais explicitement soutenue par les Etats-Unis. La Suisse neutre aurait alors choisi son camp. Pas celui du droit mais celui de la force et de l'encouragement à poursuivre une campagne qui, en étant menée contre l'UNRWA, est en fait menée contre la population civile palestinienne.
La Suisse qui déciderait de supprimer une contribution à l'UNRWA n'est pas toute la Suisse : elle n'est que la Suisse officielle
"La trahison suisse est effroyable. Notre pays se rend complice de génocide par la volonté du Conseil fédéral", dénonçait Jean Ziegler, le 19 octobre, devant les milliers de manifestants ayant manifesté à Genève leur solidarité avec la Palestine et le Liban. Le Conseil fédéral, en effet, par le Ministre des Affaires étrangères Ignazio Cassis, s'attaque depuis des années à l'agence onusienne d'aide aux Palestiniens, l'UNRWA, et il était présent lors du vote de la commission du Conseil des Etats demandant la suppression du soutien suisse à l'agence. Mais il n'est pas seul à "se rendre complice" des actes du gouvernement israélien : c'est la volonté du Parlement qui est en cause dans la menace de priver l'UNRWA, du soutien financier de la Suisse. Or 40 membres de l'Assemblée fédérale le sont du groupe interparlementaire "d'amitié Suisse-Israël". Mais par "Israël", il faut ici entendre "gouvernement israélien". Quel qu'il soit, y compris le pire. C'est un membre de ce groupe, l'UDC David Züberbühler, qui a déposé la motion demandant la suppression du financement suisse de l'UNRWA, et c'est un autre membre de ce groupe, l'UDC Marcho Chiesa, dont la voix prépondérante en tant que président de la commission, a fait adopter la motion par la commission du Conseil des Etats, dont six membres la soutenaient et six autres la refusaient.
Le Commissaire général de l'UNRWA, Philippe
Lazzarini, interdit par Israël de se rendre à Gaza, a même été
interdit d'intervenir, à Genève, au club suisse de la presse,
par des menaces sur les réseaux sociaux. Et la Suisse a été le
seul pays d'Europe à avoir, comme les USA, gelé ses
contributions à l'UNRWA, sur pression d'Israël. Pendant quoi, à
Gaza, il ne se passait pas de jour sans qu'une école, un
hôpital, un abri soit détruit, et pas de semaine sans que
plusieurs employés de l'UNRWA soient tués. "Détruire l'agence
est devenu un objectif de guerre (d'Israël) au même titre que
détruire Gaza", dénonçait Philippe Lazzarini : Plus de 200
locaux de l'UNRWA ont été détruits ou endommagés depuis un peu
plus d'un an. Or avec ses 33'000 employés (enseignants,
soignants, fonctionnaires), l'UNRWA est irremplaçable, et sans
alternative, à moins de choisir, délibérément, consciemment,
d'abandonner six millions de Palestinien.ne.s (dont plus de deux
millions à Gaza) la famine (l'UNRWA fournit une aide alimentaire
à un million de Gazaouis), aux maladies, à la misère... ou à la
déportation. Mais si l'UNRWA devait disparaître (et seule une
décision de l'ONU pourrait la faire disparaître, puisque c'est
l'ONU qui lui a donné mandat) sans être remplacée (mais par qui
? le CICR s'y refuse, le HCR est déjà débordé), ce serait aux
termes des Conventions de Genève à Israël en tant que puissance
occupante de fournir aux Palestinien.ne.s les service
alimentaires, éducatifs, sanitaires et médicaux de base... Ou de
les sous-traiter. Mais à qui ? à Trump ? Israël, en tout cas, à
déjà interdit la présence de l'UNRWA dans les territoires
annexés et à Jerusalem-Est, ce qui est contraire au droit
international.
La Suisse pourrait donc rejoindre les Etats-Unis
dans l'abandon du soutien aux Palestiniens et Palestiniennes, et
donc, "objectivement", dans le soutien à l'épuration ethnique de
la Palestine. Une douzaine d'ONG, dont Amnesty International,
l'Entraide protestante (EPER) et les Voix juives pour la
démocratie et la justice (JVJP), ont lancé un appel au maintien
du financement de l'UNRWA, en rappelant que l'agence avait
assumé la plus grande partie de l'aide humanitaire à la
population gazaouie depuis le cessez-le-feu de janvier. Les
idiots utiles du gouvernement israélien au parlement suisse ont
évidemment ignoré cet appel. Comme ils ont ignoré
l'avertissement que l'Association suisse des avocat.es pour la
Palestine leur a adressé : leur vote engage leur responsabilité
morale, voire pénale, personnelle. Et comme ils feignent
d'ignorer l'annonce de Netanyahou qu'Israël était prêt à "ouvrir
les portes de l'enfer" à Gaza -comme s'il ne les avait pas déja
défoncées. Une note interne du Département fédéral des Affaires
étrangères alertait pourtant sur le risque qu'en renonçant à
soutenir l'UNRWA, la Suisse se rende complice d'une violation du
droit international
La Suisse, seul Etat en Europe à retenir encore
les fonds d'aide à l'UNRWA (et à ne pas sanctionner les colons
israéliens) et qui, le 18 mars,
déciderait de supprimer totalement sa contribution n'est pas toute la Suisse. Et moins encore, tous les
Suisses. Elle n'est que la Suisse officielle. Et si cette Suisse
officielle décidait de ne plus soutenir l'UNRWA, il nous
resterait à utiliser les majorités dont nous disposons dans les
villes et d'autres communes, et celles qu'on pourrait
constituer, pour qu'elles accordent à l'UNRWA la contribution
que la Berne fédérale aurait supprimé (ou si elles lui ont déjà
accordé une contribution, comme la Ville de Genève et celle de
Zürich, qu'elles en lui accordent une nouvelle). Le PS genevois
(dont on trouvera sur https://www.fichier-pdf.fr/2025/02/20/position-psg-israel-palestine/
la prise de position sur le
conflit-israelo-palestinien, la guerre a Gaza et l'occupation
israelienne) a d'ailleurs déposé au Grand Conseil un projet de
loi accordant une contribution exceptionnelle de cinq millions
de francs à l'UNRWA. Ce ne serait pas la contribution de la
Suisse mais celle de Genève ? cela nous sied, autant que la
contribution du Solifonds au combat du syndicat
israélo-palestinien MAAN pour l'égalité des droits de toutes les
travailleuses et tous les travailleurs d'Israël, de Palestine et
de Cisjordanie, pour la démocratie et la paix
(https://www.fr.solifonds.ch/aktion-berblick-1/2024/2/15/poursuivre-la-lutte-malgr-la-guerre-et-lautoritarisme).
Car ainsi qu'il est écrit dans le "Livre qui sait" (comme l'appelle Idir): "ne va point par le chemin des méchants, et ne brave point en la voie des mauvais" (Proverbes 4, 14, dans la traduction de Castellion)...
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