Gratuité des transports publics : un nouveau petit pas à Genève

 

A la Ville d'agir

En mars 2021, il y a donc trois ans, le MCG (voui... le MCG...) déposait au Conseil municipal de Genève une motion demandant à la Municipalité d'octroyer la gratuité des transports publics aux résidents de moins de 25 ans. Un mois plus tard, la motion était renvoyée en commission, où elle a mis huit mois a être traitée, pour être finalement refusée par les représentants de tous les partis (sauf le MCG). Une bêtise (pour rester polis) qui s'explique par le fait que la commission qui a examiné cette motion était la commission des Finances, dont il convient de ne jamais attendre quoi que ce soit. Ensuite, il aura fallu plus de trois ans pour que le Conseil municipal se prononce sur la motion... qui a finalement été acceptée par la majorité de gauche, les mêmes partis qui l'avaient refusée en commission l'acceptant en plénière. Entre-temps, ce que la motion demandait a été accordé... par le Grand Conseil, contre l'opposition du PLR et de l'UDC (dont, pas plus que de la commission municipale des Finances, il ne faut rien attendre) : la gratuité des TPG pour les moins de 25 ans et même la semi gratuité pour les retraités et les invalides. Et donc, il a fallu adapter la motion à cette nouvelle donne : c'est ce que le PS a fait en déposant et en faisant accepter un amendement par lequel la référence obsolète à la gratuité pour les moins de 25 ans fait place à une demande de l'élargir aux catégories de la population n'en disposant pas, ou pas complètement (comme les plus de 65 ans). Et donc, au final, le Conseil municipal se prononce en faveur de la gratuité la plus élargie possible.

S'accorder à soi-même un droit que l'on refuse aux autres, comment cela s'appelle-t-il déjà, en bon français ? Ah oui : un privilège.

La norme fédérale impose que les usagers des transports publics doivent payer une part "appropriée" de leur coût, mais laisse aux législateurs cantonaux une large marge d'appréciation -c'est cette marge que le Grand Conseil genevois a utilisée pour instaurer la gratuité des TPG pour les moins de 25 ans, et une réduction de moitié de leur tarif aux rentiers  AVS et AI. Et c'est cette marge que le Conseil municipal de la Ville demande au Conseil administratif d'utiliser à son tour. Outre la motion MCG adoptée lundi, après avoir été amendée par le PS, une motion socialiste est encore à l'étude en commission (des Finances, hélas), demandant que la gratuité de l'usage des TPG soit instaurée, d'une manière ou d'une autre, sur l'ensemble du territoire de la Ville (et de toute autre commune disposée à la rejoindre). On ne serait cependant toujours pas dans une gratuité totale sur tout le territoire cantonal...

La gratuité des transports publics est d'abord un projet d'ordre social : libérer les usagers les moins argentés des transports publics de la charge du paiement du transport ou de celle de la punition de ne pas l'avoir payé. Elle est aussi un projet d'ordre financier et administratif : économiser la charge de toute l’instrumentation de la perception du prix du transport par les usagers, de tout le personnel de contrôle de ce prix, de toutes les procédures de recouvrement de ce prix quand il n'a pas été payé, enfin de punition de son non-paiement. Enfin, la gratuité des transports publics est aussi un projet environnemental. Plus de 40 % des émissions de carbone émises en Suisse sont dues au transport (trafic aérien non compris) et 78 % des ménages du pays possèdent au moins une voiture (ce qui fait tout de même plus d'un ménage sur cinq qui n'en possède pas), thermique ou électrique, contribuant ainsi par son usage aux nuisances pour le climat, l'environnement, la santé des humains et celle des animaux -et accessoirement à l’engorgement des voies de circulation et des espaces publics. Un report massif du mode de transport automobile privé vers les transports collectifs motorisés et  individuels non motorisés s'impose donc. La question de la gratuité, totale ou partielle, des transports publics se pose dans ce cadre : est-elle un instrument efficace de ce report -et pas d'un report de la mobilité non motorisée (cycliste, piétonne) vers une mobilité certes collective mais tout de même motorisée ? Et si la gratuité a l'effet qu'on recherche, comment la financer ? En Suisse, environ un tiers du coût des transports publics est assuré par la billetterie et la gratuité implique forcément la recherche d'une autre source de financement, qui ne peut être que sa prise en charge par les collectivités publiques (communes, cantons, Confédération), et donc l'impôt. Qui sert déjà non seulement à financer la gratuité déjà accordée à quelques uns (élus, hauts fonctionnaires...) mais aussi la répression de la resquille. Parce que les contrôleurs, ils faut bien les payer. Comme il faut bien payer le personnel de l'Office des poursuites et celui de l'Office de la détention si les prunes distribuées aux resquilleurs restent impayées. Et comme le canton, la Ville, les TPG (et d'autres) encore paient les abonnements (et donc assurent la gratuité des TPG) à des centaines, peut-être des milliers de personnes (Conseillères et conseillers municipaux, députées et députés, magistrats cantonaux et communaux etc...). Donc certaines ont le pouvoir de décider ou non d'accorder à d'autres la gratuité dont ils bénéficient eux-mêmes.

S'accorder à soi-même un droit que l'on refuse aux autres, comment cela s'appelle-t-il déjà, en bon français ? Ah oui : un privilège.

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