Une initiative pour la gratuité des crèches et du parascolaire
Les crèches comme l'école
L'Union Populaire lance à Genève deux initiatives
pour inscrire dans la constitution cantonale la gratuité de
l'éducation préscolaire et l'accueil scolaire continu. La
revendication de la gratuité avait déjà fait l'objet d'une
initiative populaire en 2023, et l'initiative avait abouti, mais
avait été invalidée car contraire à la Constitution, qui prévoit
une participation financière des parents à l'accueil
préscolaire. Pour instaurer la gratuité de cet accueil, il faut
donc lever l'obstacle constitutionnel -c'est le but de
l'initiative de l'UP. Et au coeur de cette initiative, il y a
cette position de principe, défendue également par la
Conseillère administrative socialiste Christina Kitsos :
l'accueil préscolaire doit être gratuit comme l'est l'école. Et
pour qu'il soit gratuit, il doit être totalement financé par le
canton et les communes, ce qui, pour l'accueil préscolaire,
coûterait dans les 450 millions de francs (plus 120 millions
pour le parascolaire) -un coût qui pourrait être couvert par
une contribution des entreprises passant progressivement de 0,07
% actuellement à 0,5 %. Toutefois, l'initiative ne le propose
pas, puisqu'elle ne fait que poser le principe de la gratuité
et que c'est une fois ce principe posé que les modalités de sa
concrétisation pourront être proposées. Ce principe, celui de
l'égalité de l'accès à ce qui précède l'école comme à l'école
elle-même, sera posé dans la constitution si les 5538 signatures
nécessaires sont récoltées d'ici le 11 juin. Dès qu'on disposera
des feuilles de signatures, on vous les enverra ou on vous dira
où les obtenir.
Ce qu'on met dans la Constitution ne vaut que par ce qu'on en fait
Pourquoi instaurer à Genève la gratuité de
l'accueil préscolaire ? Parce que c'est une mesure sociale
indispensable à la concrétisation d'un droit proclamé
rhétoriquement par la constitution, mais qui ne peut être
garanti qu'à la même condition que celle du droit à
l'instruction : la gratuité des crèches est le pendant logique
de la gratuité de l'école. Elle assure à toutes les familles, y
compris à celles qui n'ont pas les moyens de le payer, un accès
de tous leurs enfants à l'accueil parascolaire. Ce faisant, elle
assure l'égalité des enfants entre eux avant leur scolarisation.
Elle facilite ensuite cette scolarisation et réduit le nombre
d'élèves en difficultés. Enfin, elle favorise très concrètement
la (lente) progression vers l'égalité entre femmes et hommes : les femmes assument toujours la majeure
partie du travail de prise en charge et de soins domestiques,
ce qui contraint leurs possibilités d'emploi, à moins de
bénéficier d'un accueil de leur enfant en crèche. La garantie
de trouver une place de crèche pour leurs enfants est donc un
élément essentiel de l'avancée vers plus d'égalité.
Il manque au moins 4000 places de crèche dans le canton de Genève, qui dispose de quatre places pour dix enfants (et un taux de 33,6 % de places d'accueil collectif subventionnées dans des structures qui ne font pas que du gardiennage), et même en Ville, pourtant exemplaire de volontarisme dans la création de places supplémentaires, il en manque encore 1500 (pour un taux d'accueil est de 42,7 %). En 2023, 5000 enfants ont été accueillis chaque semaine dans les crèches municipales, publiques ou subventionnées, de la Ville de Genève. En outre, 7400 enfants ont fréquenté chaque jour les restaurants scolaires, et plus de 4000 familles ont bénéficié de l'allocation de rentrée scolaire versée par la commune. Et la Ville de Genève, comme celle de Lancy, a engagé un processus de municipalisation par étapes des structures d'accueil et d'éducation préscolaires et de revalorisation des conditions de travail et de rémunération d'un personnel à plus de 90 % féminin.
C'est un très ancien engagement politique de la
gauche que ponctue l'initiative pour la gratuité des crèches
lancée par l'Union Populaire. Ce processus a notamment permis
d'inscrire dans la Constitution le droit de chaque enfant à une
place en crèche -mais sans lier ce droit à une obligation pour
les collectivités publiques de l'assurer concrètement (alors
qu'une initiative de la gauche le prévoyait, contrairement au
contre-projet lancé par la droite et finalement adopté contre
l'initiative). Or un prédicat constitutionnel ne se traduit dans
la réalité que s'il s'impose aux collectivités publiques -c'est
d'ailleurs le sens de la municipalisation du secteur engagée à
Genève et Lancy. Et c'est aussi le sens de la gratuité de
l'accueil préscolaire proposée par l'initiative lancée cette
semaine -et le sens aussi d'une autre initiative, municipale
celle-là, lancée par la gauche à Thônex pour la création de 150
places de crèche.
On peut mettre tout ce qu'on veut dans la
Constitution. Mais ce qu'on y met ne vaut que par ce qu'on en
fait.
Commentaires
Enregistrer un commentaire