L'armée suisse : Démissions en chaîne, surcoûts, matériel foireux...
Débandade militariste
Certes, pour des anti militaristes primaires, secondaires et tertiaires comme nous, qui avons toujours préféré Marignan à Morgarten, une débandade des militaristes comme celle à laquelle nous assistons en ce moment en Suisse devrait avoir quelque chose de réjouissant, comme une Schadenfreude, si elle ne tenait par trop de la bouffonnerie... Mercredi dernier, quatre démissionnaires tenaient conférence de presse pour tenter de déminer le terrain du Département de la Défense après les fuites annonçant le départ de deux d'entre eux, le chef de l'armée, Thomas Süssli, et celui des Services de renseignement, Christian Dussey, encadrant à la conférence de presse la Conseillère fédérale Viola Amherd, démissionnaire elle aussi, et le porte-parole du Conseil fédéral, démissionnaire comme les trois autres. Et puis, il y a toutes les autres affaires : les coulages et peut-être même la corruption au sein de l'entreprise publique d'armement RUAG, les trous dans la caisse militaire, les 468 millions de plus que pourraient coûter les avions de combat américains F-35 choisis de préférence aux français Rafale, les drones militaires achetés à Israël, mais qui ne fonctionnent que quand il fait aussi chaud que dans le Neguev (ou à Gaza), et avant tout cela, d'autres foirades : la vente par la société Crypto d'appareils de chiffrement vérolés par la CIA et les services allemands, la vente par Ruag à une société allemande de chars Leopard déjà vendus à une autre, l'annulation de la nomination d'un Secrétaire d'Etat à la politique de sécurité... Comme disait Chirac, "les emmerdements volent en escadrille" (mieux que des F-35). Une seule explication possible à tout ce foutoir : la Conseillère fédérale centriste Viola Amherd était un agent dormant du Groupe pour une Suisse sans armée, comme ses deux prédécesseurs udécistes, Ueli Maurer et Guy Parmelin.
Vers une Suisse sans armée grâce à l'armée suisse
La Conseillère fédérale cheffe démissionnaire du
Département de la Défense, le chef démissionnaire de l'armée, le
chef démissionnaire du service de renseignement (qui avoue qu'il
lui a fallu un an et demi pour comprendre comment fonctionnait
le service dont il était le chef) le porte-parole démissionnaire
du Conseil fédéral étaient (Il ne manquait
à l'appel que le chef de l'armée de l'air et le chef de l'achat
des F-35, démissionnaires eux aussi) en
conférence de presse, mercredi, pour tenter de convaincre -et
sans doute de se convaincre eux et elle-même- que tout va bien
dans le petite monde de la défense nationale et que si jamais
quelque chose n'allait pas bien, hypothèse certes malveillante,
ce n'était en tout cas pas de leur faute, mais peut-être de celle de quelque collègue du gouvernement. Et il n'y avait
déjà plus qu'une minorité de personnes interrogées en janvier,
avant même que tout se déballe sur le Département de la Défense,
pour faire confiance au Conseil fédéral. Dont on ne sait
d'ailleurs quel.le membre fait encore confiance à quel.le
autre. L'armée vient d'obtenir 530 millions de crédits
supplémentaires, le programme d'armement 2027 ascende à 1,7
milliard (dont la moitié pour un nouveau système d'artillerie à
roue au rayon d'action de 50 km. Pour en faire quoi ? Envahir le
Liechtenstein ? Bombarder Annecy ? Les envoyer à la frontière
pour repousser les immigrants ? Un lourd
doute plane sur des choix stratégiques qu'on a d'autant plus de
peine à discerner que, de toute évidence,
ceux qui sont supposés être en charge de les faire en sont
incapables : n'envisagent-ils pas un rapprochement avec l'OTAN alors que les USA sont en train de la lâcher ?).
La gauche et le GSsA demandent un moratoire sur les dépenses militaire -ce serait la moindre des mesures à prendre, mais elle ne sera pas prise : trop d'intérêts sont en jeu, et trop de clans en dépendent. Ils demandent également la création d'une commission d'enquête parlementaire. Et c'est là qu'on ressent un gros coup de nostalgie pré-soixante-huitarde: le Département de la Défense de Viola Amherd ressemble de plus en plus au Département militaire de Paul Chaudet. Il suffit de remplacer les «Mirage» d'il y a soixante ans par les F-35 et on y est, à quelques différences près : Chaudet avait démissionné après l'éclatement du scandale des «Mirage», Amherd a annoncé sa démission avant que les scandales actuels éclatent. Mais c'est le moment choisi par Thomas Süssli (le chef démissionnaire de l'armée, donc) pour annoncer que l'armée suisse pourrait envoyer 200 soldats en Ukraine dans le cadre d'une éventuelle mission de maintien de la paix à la frontière russe. S'il y a encore une armée suisse et des soldats suisses. Ne serait-ce que pour leur faire maintenir la paix au Département de la Défense. Le président de l'Association des sociétés militaires suisses, Stefan Hollenstein, attend du nouveau chef de l'armée qu'il la rende "apte à la défense de plus rapidement possible". Apte à sa propre défense, donc. Et le Chancelier de la Confédération Viktor Rossi s'engage "de toutes (ses) forces à restaurer la confiance". La confiance entre qui et qui ? entre le gouvernement et le peuple, entre le gouvernement et l'armée ou entre les membres du gouvernement ?
L'objectif du Groupe pour une Suisse sans armée
est donc en train d'être atteint à l'insu de son plein gré,
grâce à l'armée elle-même. Sa réalisation devrait être au
programme du successeur de Viola Amherd et de ceux de Thomas Süssli et Christian Dussey.
L'éditorialiste de "24 Heures" et de son édition locale genevoise appelle à désigner des Romands pour les deux chefs (sachant que le successeur de la cheffe sera alémanique), et à donner ainsi un "signal fort"... Signal fort pour signal fort, on regrette fort que Tobia Schnebli ne soit candidat qu'au Conseil administratif de Genève, parce qu'il aurait fait un excellent candidat du GSsA à la tête de l'armée pour terminer le travail de Viola Amherd, Ueli Maurer et Guy Parmelin.
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