Le nouveau Pacte des autocrates

 

Trumpine et Poutrump sont dans un bateau, l'Ukraine tombe à l'eau

Trump a donc décidé de suspendre l'aide militaire américaine à l'Ukraine, le partage avec l'Ukraine des renseignements collectés par les USA sur la Russie ainsi que les opérations de cybersécurité contre la Russie. Il accuse l'Ukraine, agressée par la Russie, d'avoir agressé la Russie opère un retournement d'alliance d'une importance dont on avait pas souvenance depuis le pacte germano-soviétique de 1939, ou la rupture sino-soviétique de 1960. King Kong et Godzilla se partageant le monde ? Quant à savoir où peut nous mener le nouveau pacte des autocrates, on n'est encore sûr de rien, sauf d'une chose : si l'Europe ne s'émancipe pas vraiment des USA (et il ne lui suffira pas de se réarmer : il lui faudra aussi renoncer à le faire avec du matériel américain... ), elle pourrait payer le prix fort de sa pusillanimité par une perte complète de légitimité. 

"La Russie n'est pas parvenue à prendre Kiev, mais elle a pris Washington"

Dans les dernières années du maoïsme, les Chinois avaient produit une théorie géo-politique dite des "trois mondes", au sens de laquelle les USA et l'URSS, également impérialistes, constituaient un premier monde, les Etats européens (de l'est ou de l'ouest) et quelques autres en Amérique du nord, en Amérique latine, en Asie, en Océanie, un deuxième monde lié à l'un ou l'autre de ces impérialismes, et le reste du monde un troisième monde dont la Chine se proclamait leader et porte-parole. On y serait presque, sauf qu'il n'y a plus de troisième monde, que le deuxième peine à s'émanciper du premier et que la Chine soutient la Russie...

Une Ukrainienne citée par l'AFP résume : "la Russie n'est pas parvenue à prendre Kiev, mais elle a pris Washington". Que reste-t-il comme alliés à l'Ukraine après le coup de baïonnette que Trump lui a porté dans le dos ? Les Européens (et encore, pas tous : Poutine et Trump ont un représentant dans l'UE en la personne de Orban).  La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyden, a présenté mardi un plan de 800 milliards d'euros pour la défense de l'Europe et une aide immédiate à l'Ukraine. Et en Allemagne, le futur chancelier, Merz, annonce, en accord avec les partenaires sociaux-démocrates de sa future coalition, un renforcement massif des capacités militaires du pays, "quoi qu'il en coûte" (en Macron dans le texte), au prix politique de deux ruptures historiques avec le dogme de l'équilibre budgétaire (l'Union Européenne opérant la même rupture avec le dogme des 3 % de déficit budgétaire autorisés à ses Etats membres) et la confiance aveugle en les Etats-Unis. Il reste une rupture à opérer : celle de l'équipement des armées européennes par l'industrie militaire américaine...

Avec des Trump ou des Poutine, il n'y a pas d'autre rapport possible que des rapports de force. Ils ne connaissent rien d'autre, ne pratiquent rien d'autre, sont moins dans un fonctionnement politique que dans un fonctionnement mafieux et ne sont puissants que de la faiblesse des autres. Comme celle de Zelenski face à Trump et à Vance, après qu'ils l'aient agressé (verbalement, mais on s'est demandé s'ils ne brûlaient pas de l'envie de le faire physiquement) dans le bureau du premier : mardi, le président ukrainien, qualifié par Trump de "dictateur sans élection" et accusé d'être l'agresseur de la Russie, s'est senti obligé de témoigner de la "reconnaissance" de l'Ukraine envers les USA pour leur aide militaire (qui est surtout une aide à l'industrie militaire américaine puisqu'elle est faite de commandes à cette industrie) et d'assurer  que "nous sommes prêts à travailler sous le leadership du président Trump pour obtenir une paix durable". En échange sans doute d'une mainmise américaine sur les minerais ukrainiens. Le "leadership du président Trump"? ce doit être un euphémisme pour "soumission au mâle dominant". Mais les Trump et les Poutine ne sont forts qu'avec de beaucoup plus faibles qu'eux. Trump peut intimider Zelenski -pas Xi JinPing...

Les discours de Trump sont délirants, mais il a les moyens d'en faire une politique -sinon de faire tout ce qu'il dit, et d'assumer les conséquences de ce qu'il fait. Ainsi de sa guerre commerciale: il impose 25 % de droits de douane aux importations en provenance du Canada (sauf pour les hydrocarbures, taxés à 10 %) et du Mexique, 10 % aux importations chinoises ? Le Canada riposte avec 25 % de taxes sur certains produits américains, la Chine va taxer des produits agricoles (comme le soja ou le poulet), ce qui aura, aux Etats-Unis, des conséquences négatives sur l'emploi et le coût de la vie. Trump promettait de réduire l'inflation ? Il va l'accroître. Il promettait de renforcer la croissance ? Il va la réduire. Et il est parfaitement capable de vouloir transformer une guerre commerciale stupide en guerre tout court (si on peut dire).

Mais on est prêts : on retrouve dans nos grands magasins des rutabagas, des topinambours, des panais et de la chicorée comme ersatz de café.

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