Vider les caisses pour remplir les urnes

La commission fiscale du Grand Conseil a approuvé, contre les seules voix socialistes, un projet de loi baissant l'impôt sur le revenu (surtout pour les hauts revenus) et instaurant un " bouclier fiscal " pour les grosses fortunes. S'il est accepté par les citoyennes et yens (et on ne doute pas qu'il le sera, puisque ceux qui en bénéficieront usent pleinement de leur droit de vote, alors que ceux qui auront à le payer ne votent pas), le projet de la droite et des Verts fera perdre aux caisses publiques plus de 320 millions de francs en 2010, près de 390 millions en 2001, plus de 410 millions en 2010 : c'est de plus d'un milliard en trois ans que la droite s'apprête à priver le canton. Et il faudra bien que ce milliard de pertes fiscales soit compensé. Comment le compensera-t-on ? En réduisant les prestations, et de préférence celles indispensables aux plus démunis. Sinon, comment payer la construction de nouvelles prisons, un pont sur la rade et la survie du stade de la Praille ?

Vaseux communiquants
Suppression du rabais d'impôt au profit d'une diminution de la progressivité du taux d'imposition; augmentation des déductions fiscales pour enfant et pour frais de santé, splitting familial (ce sont les susucres pour les " classes moyennes "), mais surtout " bouclier fiscal ", c'est-à-dire plafonnement de l'impôt sur le revenu (à 60 % du revenu imposable) pour les contribuables détenant une fortune imposable de plus de 60 millions de francs : sur les 400 millions de perte fiscale annuelle moyenne, plus du tiers sont un cadeau aux plus riches. Quant aux " classes moyennes " à qui on fait miroiter les effets des mesures proposées, elles perdront plus en prestations que ce qu'elles économiseront en impôt. Elles s'en apercevront plus tard -trop tard pour s^y opposer : l'appât fiscal aura joué son rôle, elles auront fait " le bon choix " au moment du vote. Priver les collectivités publiques de 400 millions de ressources chaque année : un exercice parfaitement absurde en période de crise, d'autant que les mêmes forces politiques qui s'y livrent ne voient aucun inconvénient à ce que ces mêmes collectivités publiques puisent dans leurs caisses pour redresser les banques privées mises au bord de la faillite par leurs lumineux gestionnaires. Mais si absurde qu'il soit économiquement et socialement, l'exercice est parfaitement compréhensible en période électorale. Vider les caisses publiques pour remplir les urnes : la droite genevoise ne modernise pas la fiscalité, mais le principe des vases communicants. Et c'est sans risque politique : une fois les urnes remplies et les caisses vidées, on pourra toujours en revenir à l'exorcisme de la dette et du déficit pour amuser la galerie.

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