Lécher des bottes pour rouvrir des marchés

Se prosternant aux pieds, augustes, mais virtuels (puisque représentés par ceux d'un sous-fifre) du colonel Kadhafi, le président de la Confédération agissant sans mandat du Conseil fédéral, dans le dos de la diplomatie suisse et à l'encontre des avis des experts consultés, a conclu un accord à la fois humiliant pour la Suisse, injurieux pour Genève, et inapplicable en droit. Tout cela pour quoi ? Pour hâter la " libération d'otages " (qui n'étaient déjà plus en fait qu'assignés à résidence, l'un à son domicile professionnel et l'autre à l'ambassade de Suisse à Tripoli) ou la réouverture d'un marché juteux qui avait été fermé aux entreprises suisses ? Les milieux d'affaire sont d'ailleurs les seuls (avec le régime libyen et ses avocats genevois, les Poncet et autres Lüscher) à se réjouir de l'obséquiosité merzienne : elle leur rapporte. Au sens le plus trivial, pour ne pas écrire le plus crapuleux, de l'expression.

Bon anniversaire, Mouammar...
La famille Kadhafi pourra fêter le 1er septembre, dans la joie et la bonne humeur, le 40ème anniversaire du coup d'Etat qui a porté Mouammar à la tête de la Libye, en renversant le vieux roi Idriss : Hans-Rudolf Merz a cédé à toutes les exigences du pouvoir libyen, au prétexte de permettre aux deux hommes d'affaire suisses retenus à Tripoli de regagner la mère-patrie… Le Conseil fédéral était d'accord que Merz exprime des " regrets " pour le sort réservé à Hannibal Kadhafi lors de son arrestation à Genève, l'an dernier -Merz a carrément présenté des " excuses ", et décrété, tout seul, comme un grand, que l'arrestation d'Hannibal était " inutile et injustifiée " et que les responsables seront punis. Les responsables de quoi ? des violences contre les domestiques d'Hannivbal ? non : des responsables de l'arrestation des auteurs de ces violences. Qu'en déduire ? Que pour le président de la Confédération Helvétique, le fils d'un potentat jouit du droit imprescriptible de bastonner ses domestiques, et qu'une police et une justice qui se mêleraient de vouloir l'en punir, à défaut d'avoir pu l'en empêcher, outrepasserait ses compétences ? Peu importe : l'équipée tripolitaine du président de la Confédération ne répond ni à ce qui s'est passé à Genève l'année dernière, ni au souci de " libérer des otages ", mais à celui de rouvrir un marché. La Libye était, avant la crise, le premier partenaire commercial de la Suisse en Afrique, avec 280 millions de francs d'exportations suisses, le pétrole libyen couvre normalement près de 30 % des besoins de la Suisse, et la Libye est un verrou de l'émigration illégale des Africains vers l'Europe (et donc vers la Suisse). De quoi expliquer, à défaut de la justifier, l'obséquiosité dont on la gratifie, et le bricolage d'un accord inapplicable en droit suisse, puisque la justice et la police sont affaires cantonales et que le président annuel de la Confédération ne dispose d'aucune compétence qui lui permettrait d'engager à la fois la République de Genève et la Confédération Suisse à respecter les conclusions d'un " tribunal arbitral " dont on a préjugé le verdict, bâclé la composition et calibré le mandat aux désirs d'une seule partie.

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