Le service civil a trop de succès

L'armée alarmée : le tribut à la tribu trébuche

La droite s'alarme : les demandes d'admission au service civil, dont la durée est supérieure de moitié au service militaire, ont triplé ou quadruplé depuis la suppression de l'absurde « examen de conscience » lors duquel on prétendait vérifier que le candidat au service civil était réellement tenaillé par un dilemme existentiel tel qu'on ne pouvait lui refuser le droit de ne pas faire le guignol dans une école de recrue, et bisser cette guignolade dans des cours de répétition. Quelques 7000 jeunes auraient choisi le service civil plutôt que le service militaire en 2009, contre 1600 à 2000 les années précédentes. Du coup, Ueli der Soldat et ses soutiens politiques prônent un durcissement des critères d'admission au service civil, pour sauver notre glorieuse armée de l'hémorragie qui la mine. Mais à force de se plaindre de l'état de notre glorieuse armée, Ueli der Soldat commence à fatiguer les seuls seuls partis (le PDC et les radelibes) prêts à soutenir des réformes militaires dont l'UDC ne veut pas par militarisme, et le PS et les Verts ne veulent pas par antimilitarisme.



Rite de passage
Il fut un temps où pour se soustraire au service militaire on avait quatre possibilités : l'objection de conscience, l'insoumission, la désertion ou l'inaptitude. L'objection de conscience, l'insoumission ou la désertion vous conduisait en prison, sans même vous garantir de n'y pas retourner l'année suivante puisque sauf à être exclu de l'armée, on continuait d'être tenu au service militaire pour peu qu'on les ait, comme les papes, bien pendantes. Puis, après des dizaines d'années de revendications, d'initiatives, de projets de lois, tous refusés par les majorités politiques du moment, on admit la possibilité d'un service civil alternatif au service militaire, mais une fois et demi plus long. On s'attendait à ce que ceux qui étaient auparavant objecteurs de conscience revendiquent désormais de pouvoir effectuer un service civil à la place d'un service militaire, ce qui fut généralement le cas, et on maintint pendant quelques temps un « examen de conscience » sondant les motivations des candidats au service civil : un examen discriminatoire, coûteux, et absurde sachant que ceux qui n'avaient de motivation que celle de leur confort personnel allaient s'arranger pour être déclarés inaptes au service. Et puis, on supprima cet examen en reconnaissant que quelqu'un qui est d'accord d'effectuer un service civil plus long que le service militaire prouve par cet acte même qu'il n'est pas un tire-au-flanc ou un simulateur. Il se trouve qu'en effectuant un service civil, on sert à quelque chose. Il se trouve aussi que, service civil ou non, un tiers des recrues sont exemptées de service militaire pour raisons médicales et que ça arrange bien les bidons militaires, puisqu'il n'y a plus en Suisse assez de matériel et d'installations militaires pour équiper, entraîner et héberger la totalité des effectifs théoriques. Mais apparemment, les chefs, politiques et militaires, et les supporters, de ladite armée préfèrent multiplier les exemptions sous prétexte médical qu'accorder la liberté de choix entre un service à la communauté et un rite de passage folklorique. C'est qu'on y tient, dans nos tribus, à ce rite de passage. Est-ce que quelqu'un pourrait expliquer aux chefs de tribus et aux génies des alpages qu'on est, dans le calendrier vulgaire, au XXIe siècle, même en Suisse ?

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