Encore 62 % des Suisses favorables au secret bancaire ?

Le travail de deuil peut enfin commencer

Selon un sondage effectué par téléphone auprès d'un échantillon, restreint, de 602 personnes en Romandie et en Alémanie, 62 % des Suisses et Suissesses refuseraient de renoncer au secret bancaire, renoncement qu'acceptent en revanche 35 % des personnes interrogées. Mais le même sondage suggère que 45 % des personnes interrogées acceptent l'échange automatique d'informations avec les autorités fiscales étrangères sur les clients étrangers des banques suisses, que 67 % acceptent de supprimer la distinction entre fraude et évasion fiscale pour les clients étrangers des banques suisses, et que 55 % l'acceptent aussi pour leurs clients suisses. Les Helvètes sont donc attachés à un secret bancaire qu'ils sont prêts à démanteler, pour peu qu'on en garde quelque trace symbolique. Depuis le temps qu'on leur présente ce secret comme un principe fondamental et qu'on leur fait croire que sans lui, on se retrouverait au stade de développement du Népal, il aurait été surprenant que leur travail de son deuil se fît en quelques mois.

R.I.P.
Sauf à se rassurer comme le fait Martine Brunschwig Graf dans « Le Courrier » du 11 février (« Le secret bancaire n'est pas mort, ne serait-ce que parce qu'il est inscrit dans la Loi fédérale sur les banques » ), on ne donne plus très cher du secret bancaire suisse, du moins sous la forme où on le connaît depuis 1934. L'OCDE, le G20, les Etats voisins de la Suisse, l'ont dépecé. Il n'ont pas eu sa peau, ils nous l'ont laissée, c'est encore décoratif, mais ça commence sérieusement à prendre la poussière. La mort programmée, à plus ou moins long terme, du secret bancaire traditionnel n'est cependant qu'une péripétie : l'évasion fiscale trouvera d'autres chemins, la fraude fiscale d'autres méthodes, le recel d'autres moyens. Comme, par exemple, le montage de trusts permettant à celui qui place des fonds de ne plus apparaître comme leur détenteur. 62 % des Suisses et des Suisses seraient « attachés au secret bancaire » ? Peut-être. Mais c'est surtout pour sauver les 20'000 places de travail du secteur bancaire et financier, qu'on leur décrit, sur un ton de plus en plus angoissé depuis deux ans, être gravement menacées par son démantèlement. Comme si notre économie locale et nationale était à ce point dépendante de l'activité de recel assumée par « nos banques » depuis 1934 (vote de la loi sur les banques, qui fait de la violation du secret bancaire un délit pénal) que toute tentative de restriction du secret bancaire devrait pour le moins être considérée comme une atteinte à la sécurité nationale. Le poids de l'activité des recéleurs, et des affaires liées à la fraude, à la soustraction et à l'évasion fiscale est donc tel que si cette activité devait être réduite ou, horrifique hypothèse, abolie, la fin des haricots, des fèves et des pois chiches surviendrait à court terme. « La fin du secret bancaire ? Un cataclysme pour Genève », a écrit le raidenchef de la « Julie ». Un cataclysme, vraiment ? Ou plutôt une convocation à redéfinir les économies régionales et nationale de ce pays sur des bases plus défendables que le recel ? Sans secret bancaire, « la place financière suisse pourrair rétrécir de moitié » craint le banquier Pictet. Eh bien soit ! qu'elle rétrecisse ! La Lega et l'UDC peuvent bien récolter des signatures au bas d'une initiative demandant l'inscription du secret bancaire dans la Constitution, si cette initiative aboutit, elle ne sera guère qu'une gesticulation impuissante. Inscrire le secret bancaire dans la Constitution? Pourquoi pas ? On y a bien inscrit Dieu. Il y a encore de la place dans ce caveau de famille.

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