Trop de vieux trop vieux ?

Deuxième pilier et prévisions démographiques

Il y a un an, le Conseil fédéral et la Banque Nationale trouvaient 60 milliards de francs (en gros, vingt ou trente fois le coût de la reconstruction d'Haïti après le séisme) pour sauver l'UBS du naufrage. Et presque au même moment, le même Conseil fédéral décidait, avec l'appui de la majorité parlementaire de droite, de réduire de presque 10 % les rentes du 2ème pilier, en réduisant le « taux de conversion ». On n'a pas pu lancer de référendum contre le pillage des fonds publics pour sauver une banque privée, on a pu en lancer un contre le pillage de la prévoyance professionnelle pour sauver les profits tirés de l'utilisation, pour des investissements à court terme, des masses de capitaux qu'elle mobilise. Des investissements, et parfois des spéculations, dont les heureux gestionnaires ont d'ailleurs vu leurs bonus revenir au galop après les alertes de la crise financière. Baisser les rentes pour permettre la distribution de bonus ? C'est un raccourci, certes. Mais seulement un raccourci. Parce qu'au bout du compte (qui fait les bons amis), c'est bien à cela que revient la réduction du taux de conversion. Même lorsque l'on tente de la justifier par des prévisions démographiques contestables.

Prétextes
Que le Deuxième Pilier se porterait bien si tous les assurés avaient le bon goût de calancher avant d'atteindre l'âge de la retraite ! Pour justifier une première baisse du « taux de conversion » du 2ème pilier, on avait déjà invoqué l'allongement de l'espérance de vie. Rebelote : les assureurs privés, le Conseil fédéral et les partis de droite s'appuient sur des scenarios démographiques « pessimistes » du point de vue financier, c'est-à-dire « optimistes » du point de vue de l'espérance de vie : ils évaluent (en ne tenant compte que des personnes disposant d'une prévoyance professionnelle en travaillant jusqu'à l'âge de la retraite) l'espérance de vie moyenne en 2015 à 85,37 ans pour les hommes et 88 ans pour les femmes, alors que l'Office fédéral de la statistique (qui tient compte de l'ensemble de la population) prévoit 83,7 ans pour les hommes et 86,1 ans pour les femmes. Les partisans de la baisse des rentes choisissent l'évaluation qui leur convient, fondée sur une population en meilleures santé et situation sociale que la moyenne et pouvant donc espérer vivre et toucher des rentes plus longtemps. De plus, ces projections se fondent sur une poursuite quasiment linéaire de l'allongement de l'espérance de vie constatée dans le passé. Or les démographes observent un ralentissement de cet allongement et même, dans certains cas, un recul, y compris dans des pays développés, du fait de la dégradation des conditions de vie d'une partie importante de la population, des économies budgétaires dans le domaine de la santé publique et de la généralisation de comportements à risque, notamment dans le domaine alimentaire (avec pour conséquence, entre autres, une progression de l'obésité). Le seul point sur lequel les uns et les autres tombent d'accord, c'est l'évidence que plus on vit longtemps après l'âge de la retraite, plus longtemps doivent être versées les rentes de ladite retraite. Ce qui pour la droite justifie à la fois le recul de l'âge de la retraite et la baisse des rentes, et pour la gauche un refinancement du système de retraites. Les prévisions démographiques financièrement pessimnistes des partisans de la baisse du rente nous servies depuis des décennies : en soixante-cinq ans d'existence, on a maintes fois annoncé la faillite de l'AVS. Il en est aujourd'hui de même pour le 2ème pilier, personne (ou presque) n'osant proposer clairement de « basculer » le deuxième pilier dans le premier, et la prévoyance professionnelle dans l'AVS. Qu'est-ce qu'on ne ferait pas pour éviter de se poser les bonnes questions...

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