Les pieds dans l'eau

Le WWF a donc annoncé son opposition au projet de plage publique entre le Port Noir et Baby Plage, à l'agrandissement de la « Nautique » et à la construction d'un nouveau port, le tout sur 11 hectares, projet joliment affublé du titre de « Bobby Plage » puisque porté par l'ancien Conseiller d'Etat vert Robert Cramer. En fait, le WWF n'est pas opposé à la création d'une nouvelle plage sur la rive gauche, et en zone urbaine : il est opposé à ce qu'elle soit créée en déversant des remblais (ou plutôt des déblais, notamment ceux issus des travaux du CEVA) dans le lac en détruisant un milieu aquatique. Par ailleurs, « Action patrimoine vivant » a fait aboutir une initiative demandant le classement de la rade (soit un périmètre comprenant le Jardin Botanique, les parcs des Eaux-Vives et de la Grange, Genève-Plage et le sud du domaine du Palais des Nations) au patrimoine mondial, et sa protection contre toute extension des rives, ce qui condamnerait le projet de « maxiplage » défendu par Robert Cramer.

Le lac, le Vert et le Kazakh : fable genevoise

Genève-Plage fait l'objet d'un plan de réaménagement, concocté par les services de Bob Cramer juste avant son départ du Conseil d'Etat, et accepté par le Grand Conseil le 4 décembre : une nouvelle plage de 400 mètres, un parc de trois hectares et demi, l'extension du port de la Nautique, le déplacement des activités portuaires du quai des Eaux-Vives au Port Noir, 400 places d'amarrage de plus. Mais le projet Cramer n'est d'ailleurs pas le seul à planer sur Genève-Plage et les clapotis circonvoisins : une société appartenant à un groupe kazakh, celui d'Ilyas Khrapunov, et dont le président est le fils d'un ancien maire d'Alma Ata ayant dû fuir son pays pour échapper aux accusations de corruption, présente à Genève un super-mega-projet d'aménagement (pour 150 millions) : de l'urbanisme balnéaire post-stalinien sur une surface de deux hectares et demi dans la même zone de Genève-Plage, en privatisant l'espace concerné (qui appartient au canton). Aucune demande officielle n'a été déposée pour ce projet délirant (et financièrement douteux, vu qu'on ne connaît pas l'origine des fonds mais qu'on a quelque doute sur leur légalité, même à l'aune kazakh), le Conseiller d'Etat Mark Muller se contentant, pas téméraire, de sussurrer qu'« à titre personnel », il n'y est « pas favorable ». On se demande pourquoi, vu que les rives du lac façon kazakh, ça ressemble furieusement à la Praille façon Muller première version (d'avant les négociations sur le PAV). Choix exaltant : bétonner les rives façon zazakh, remblayer le lac façon Bob ? Il n'y a déjà plus que 3 % des rives du lac qui soient encore naturelles. On peut certes poser l'accès au lac comme un droit pour la population, mais alors il faut le concrétiser, ce droit, et pas seulement en ouvrant des plages : aujourd'hui, à Genève, seul un tiers des 33 kilomètres des rives lacustres genevoises est accessible au public. Et dans ce tiers, on compte déjà 29 plages. En 2001, feue l'Alliance de Gauche avait bien tenté de faire passer une loi concrétisant la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, qui stipule qu'il faut « tenir libres les bords des lacs et des cours d'eau et faciliter au public l'accès aux rives et le passage de long de celles-ci », mais le projet de l'AdG n'a été soutenu que par les socialiste, les Verts ayant rejoint la droite pour le repousser, au nom de la protection de l'environnement. De l'environnement privé des propriétaires de villas les pieds dans l'eau.

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