Révision de l'Assurance-invalidité : Au boulot, les invalides !

Le Conseil fédéral a transmis au parlement une proposition de révision de l'assurance-maladie visant à remettre au travail, en six ans (2012-1018), 16'000 bénéficiaires d'une rente (soit l'équivalent de 12'500 rentes pleines, ou 5 % de l'ensemble des rentières et rentiers AI) pour invalidité. Cette révision, la sixième, succèderait à deux autres ayant fait baisser de moitié, entre 2003 et 2009, le nombre de nouvelles rentes accordées chaque année, et de plus de 10'000 le nombre total de rentiers AI entre 2006 et 2009. Y'a-t-il moins d'invalides pour autant ? Non, mais il y a moins de bénéficiaires de rentes invalidité. Et pour nos bons gouvernants, c'est ce qui importe. Sur les rentiers AI comme sur les rentiers AVS, les rentiers IIème pilier et les indemnisés chômeurs s'abat la logique comptable qui tient lieu de projet politique à tant de nos élues et élus.

Y'a du référendum dans l'air
Passons sur le moralisme qui justifie, au nom de la «réinsertion », cette remise au travail d'hommes et de femmes dont on avait reconnu l'incapacité totale ou partielle d'en supporter la charge : il ne s'agit guère que d'un prétexte. L'essentiel, c'est de « faire des économies ». Sur le dos des invalides, comme sur celui des personnes âgées et des chômeurs. Qu'une bonne partie des invalidités donnant droit à des rentes soient le fait, précisément, du travail, de ses conditions et de leurs conséquences, que d'anciennes et de nouvelles formes de travail soient invalidantes et expliquent la plus grande part de la croissance du nombre de rentiers AI, peu importe : c'est au « travail » qu'il faut les remettre... Ce retour à la case départ de l'invalidité est absurde ? Sans doute. Mais il doit permettre d'éponger une partie du déficit de l'AI -mais en le reportant sur l'assurance-chômage, ou sur l'aide sociale. On veut économiser d'un côté, en refusant d'admettre qu'on n'économisera ici qu'en dépensant là. Le mécanisme mis en oeuvre a été lancé en 2008, lorsque toute une série d'affections invalidantes ont été considérées comme « surmontables par un effort de volonté raisonnablement exigible » des invalides. Vous souffrez de fibromyalgie ? Allez, un peu de volonté, et ça passera, et au boulot, fissa ! ... Malheureusement pour les sympathiques bureaucrates qui avaient concocté cette décision, le Tribunal fédéral avait jugé qu'elle ne pouvait s'appliquer rétroactivement, et aboutir à la suppression ou à la réduction de rentes déjà accordées. Il faut donc modifier la loi pour donner aux comptables de l'AI le pouvoir d'appliquer les nouvelles normes aux rentes versées selon les anciennes. Joli tour de passe-passe, qui aboutit à un véritable équarrissage de l'assurance-invalidité, d'autant qu'on y ajoute sereinement une réduction des possibilités de participer financièrement à l'achat de « moyens auxiliaires » tels que les chaises roulantes ou les appareils auditifs. Vous ne pouvez pas marcher, vous n'entendez rien ? Au boulot ! On veut donc remettre au travail 12'500 personnes. Mais à quel travail va-t-on les remettre, quand on n'arrive déjà pas à résorber le chômage structurel, et qu'on peine à contenir le chômage conjoncturel (si on arrive par contre très bien, notamment à Genève, à en lisser les statistiques). Pour le charismatique Conseiller fédéral en charge du dossier, Didier Burkhalter, la rente AI doit être « autant que possible une passerelle vers la réinsertion ». Ou plutôt un siège éjectable vers l'aide sociale ?

Commentaires

  1. Une fois de plus... excellente analyse et propos pertinents. Vous visez juste et je partage votre point de vue.

    Un ex-Spécialiste et Conseiller en réadaptation professionnelle de l'AI.

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