Conférence « créationniste » à Genève et Lausanne : L'insulte faite aux singes

Fin mai dernier, à Genève, un certain Harun Yahia, de son vrai nom Adnan Oktar, créationniste turc de la sous-espèce musulmane comme il y en a par ailleurs une évangélique, une catholique, et sans doute aussi une orthodoxe et une juive, donne (par vidéoconférence, puisqu'il est sous le coup d'une procédure judiciaire qui lui interdit de sortir de Turquie) une « conférence scientifique sur l'origine de la vie » . C'est-à-dire un grand moment de délire sur le thème « la matière est une illusion provoquée par Dieu, l'évolution est un mensonge, l'Homme et le singe ne descendent pas d'un ancêtre commun, Darwin est un salaud, Dieu à créé le monde en six jours, l'homme le sixième jour, la femme par inadvertance et Harun Yahia dans un moment d'exaltation ». Une conférence tout ce qu'il y a de plus scientifique, donc. D'ailleurs, les compétences scientifiques de Harun Yahia sont largement attestées par son propre cursus : trois ans de prison pour création d'une organisation illégale et enrichissement personnel illicite, un séjour en hôpital psychiatrique, des propos antisémites et négationnistes et des accointances avec l'extrême-droite turque. Tout cela n'empêchant pas le gourou frapadingue d'être, au moins, millionnaire. On comprendrait fort bien que devant les lieux de la « conférence scientifique » de Harun Yahia, une manifestation de grands singes en colère démente tout lien de famille avec un tel cousin. Faut pas déconner : pour Darwin, l'évolution allait vers l'amélioration des espèces, pas leur dégradation. Faute de grands singes reniant un cousinage aussi humiliant que celui de Harun Yahia, c'est un rassemblement d'homo sapiens sapiens qui se tiendra à 20 heures, à l'appel de La Gauche-Genève, devant le Centre International de Conférence de Genève (CICG), à Varembé, pour dire notre refus d'un fondamentalisme religieux érigeant l'ignorance en vertu -sans oublier qu'à gauche aussi, le refus de l'évidence peut fleurir, les imposteurs prêcher, et qu'un Claude Allègre peut affirmer que « rien ne prouve que l'homme influence le climat » ...

Retropithecus deconensis

Qu'un créationniste tienne prêche à Genève ne renouvelle certes pas la liste déjà longue des remugles obscurantistes que nous sommes conviés à humer; et que ce taborniau soit musulman et turc n'est qu'anecdotique : il en sévit assez de chrétiens dans les salles de prières évangéliques pour que l'on puisse accepter que leur cohorte soit agrémentée d'un soupçon d'exotisme. Que tous ces illuminés, de quelque obédience religieuse qu'ils soient, aient au moins des accointances avec la droite de la droite est plus intéressant. Ce n'est pas d'aujourd'hui que dans le terreau religieux s'enracine le refus réactionnaire des évidences : la « contre-évolution » nous vient directement et sans chaïnon manquant de la contre-révolution. Et qu'elle soit à masque religieux n'est pas nouveau. La religion, ce vieux cerbère de tous les ordres imposés, ne nous fera pas cadeau de sa disparition, même si, à défaut d’être déjà mort, Dieu paraît subclaquant. Mais ce cancer a ses métastases, ce cadavre ses parasites : les églises traditionnelles s’endorment doucement, d’autres, souvent pires, naissent de leur soue. La religion ne s’éteint pas comme un incendie, elle s’embourbe comme une inondation : la moitié des demandes de dispenses à des cours de l'enseignement obligatoire émanent de fondamentalistes chrétiens, signale la « Tribune de Genève » du 15 mai, en s'appuyant sur les exemples zurichois et fribougeois, qu'on n'a aucune raison de ne pas considérer précisément comme exemplaires. D'entre ces demandes, une bonne partie émanent de créationnistes (chrétiens ou non) qu'insupporte l'enseignement, évolutionniste des sciences naturelles, et qui exigent pour le moins que l'on mette sur le même pied que cet enseignement celui du mythe biblicoranique de la création. Sur un autre front, les intégristes de toutes obédiences religieuses, se ressemblant s'assemblent pour condamner l'homosexualité : c'est ainsi qu'un « Réseau évangélique suisse » a adopté un « papier de position » (du missionnaire) qui, certes, invite à « accueillir le pécheur » (l'homosexuel, au masculin exclusif -l'homosexualité féminine devant se situer bien au-delà de la perception dudit réseau), mais à ne l' « accueillir » que pour le « guérir » de sa « maladie » (l'homosexualité) en le conduisant «pas à pas vers la guérison » (c'est-à-dire l'hétérosexualité conjugale et procréative, puisque telle est « l'intention créatrice » posée une fois pour toute dans la Bible) en lui permettant de « retrouver sa masculinité », la masculinité étant donc posée, elle aussi une fois pour toute, comme le fin du fin des fins divines. Ce n'est pas la burqa qu'il faudrait interdire, ce sont les œillères...

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