A propos de la démission de Frédéric Hainard

Flic ou politique, faudrait choisir

Le Conseiller d'Etat neuchâtelois Frédéric Hainard a annoncé sa démission après des mois de révélations successives sur son étrange conception de son rôle de ministre. Engager sa compagne au sein de son département, mener des interrogatoires, procéder à des perquisitions, en n'étant plus policier mais Conseiller d'Etat ? Hainard n'y voit, a posteriori, aucun problème. Et de se poser en victime en expliquant qu'il a été contraint à la démission par « les rancunes, les hargnes, les ressentiments provoqués par (son) activisme et (sa) rage de réformer ». A Neuchâtel, haut et bas confondus, sa démission semble soulager tout le monde, même son parti (les radicaux-libéraux). Mais quelles conclusions politiques tirer de son bref passage au gouvernement ? Qu'on peut croire avoir élu Lucky Luke et se retrouver avec Averell Dalton ? Sans doute. Mais encore ? Dans sa tête, pour en rester à cette hauteur, Hainard devenu ministre était resté flic. Flic ou politique faudrait choisir, mais flic ET politique, c'est assez tendance : le MCG a farci le parlement genevois de policiers députés, Stauffer se prend pour James Bond et à Neûche sévissent Ivan Perrin et Frédéric Hainard.

Incompatibilités

Le « Sherif » (c'était le surnom de Hainard) démissionne, accompagné d'un « ouf » de soulagement plus tonitruant encore que les déclarations passées et présentes de celui qui avait fait irruption sur la scène politique en se prenant pour Clint Eastwood dans L' Inspecteur Harry et en sort en Louis de Funès dans Le gendarme et les gendarmettes... On n'est pas dans la tragédie politique, on est dans le vaudeville. Mais comme le vaudeville bourgeois du XIXe décrivait avec une infinie cruauté la réalité de la société bourgeoise de son temps, le vaudeville neuchâtelois de ce début de XXIe siècle nous dépeint notre propre société politique sous les traits d'une confusion absolue des rôles. Hainard était devenu Conseiller d'Etat sans cesser de se prendre pour un flic, alors qu'il était en charge de la politique économique d'un canton sinistré par la crise et qu'il avait autre chose à faire que jouer les gros bras... erreur de casting, sans doute, mais qui pose cette question : qu'est-ce qu'un flic a à faire dans un gouvernement, ou un parlement ? Qu'est-ce que quelqu'un dont la fonction implique l'usage de la contrainte, et la possibilité de l'usage de la violence, a à faire dans un législatif ? Lorsque la question a été posée à Genève par un député socialiste aventureux, à peu près tout le petit monde politique (PS compris) s'est empressé de se défausser de toute réponse, ou de la noyer dans un fatras d'arguties et de la dissoudre dans un vaste débat idéologique sur la nature, la légitimité et les limites des incompatibilités. Celle-là, pourtant, devrait être claire, qui exclut que l'on puisse être à la fois la tête pensante et le bras armé de la puissance publique, mais nous vivons en des temps étranges : à la faveur du « sentiment d'insécurité », de son exploitation médiatique et de sa récupération politique, un peu partout, des policiers ont commencé à se prendre pour des politiciens, et des politiciens pour des policiers. Hainard était une sorte de Stauffer neuchâtelois? Sarkozy est une sorte de Hainard français... Nous sommes entrés dans une confusion généralisée des rôles, dont il ne semble pas qu'on soit près de sortir, au point qu'on se demande, lorsqu'il nous arrive d'être victime des séductions de la politique du pire, s'il ne faudrait pas y plonger plus profondément encore, dans cette confusion, pour trouver enfin la force de s'en extirper. « La direction de la police genevoise est incompétente, autiste et sclérosée », assène l'ancien policier (et constituant MCG) Yves Patrick Delachaux ? Eh bien, la voilà bonne pour le service politique.

Commentaires

Articles les plus consultés