Le Jeûne, quoi d'autre ?

Manifestation* ce soir (mercredi) 18 heures, place du Molard

Les jeunes socialistes organisent une vraie-fausse manifestation de droite*, ce soir à 18 heures au Molard sous le slogan de bon aloi : « Marre des pauvres ! Sauvons les riches ! ». Dans une ville gouvernée par la canaille de gauche, envahie par la plèbe et menacée par la racaille voisine, il est effet temps de lever bien haut le parapluie de la révolte, avant que l'abominable Salerno ait municipalisé les banques, que l'ignoble Pagani ait séquestré les Mercedes pour en faire des tire-fesses à cyclistes et que l'infernal Kanaan, revenu de son stage de formation en Chine post-communiste, ait transformé le Grand Théâtre en foyer pour Rroms et le Stade de la Praille en aire d'accueil des gens du voyage. A la veille du Jeûne Genevois, réapprenons-en les vertus aux pauvres, avec l'aide des TPG, des partis de droite et des caisses-maladie, les premiers augmentant leurs tarifs, les seconds diminuant les prestations chômage et les troisième augmentant leurs cotisations. Et qu'on ne nous dise pas que nous sommes sans compassion : les Services Industriels baissent leurs tarifs d'électricité ? Les pauvres ne pouvant plus se payer le bus, ni l'assurance-maladie, et ne touchant plus le chômage, pourront rester plus longtemps à la niche, chez eux, à regarder « La ferme des célébrités » à la télé.

* Venez avec vos vêtures les plus distinguées...

Bons pauvres

La Conseillère nationale PS Ada Marra, membre de la présidence de Caritas, demande dans une motion la création d'un « monitoring national » capable de déterminer l'importance de la pauvreté en Suisse information qui semble actuellement difficile à obtenir puisque ce sont les cantons, et non la Confédération, qui distribuent l'aide sociale. Mesurer l'importance de la pauvreté en Suisse ? c'est un début, une condition nécessaire, mais évidemment insuffisante, à l'engagement de la combattre. L'« extinction du paupérisme », ce vieux rêve de Louis-Napoléon Bonaparte du temps où il était de gauche et ne se rêvait pas encore Napoléon III, reste donc à l'ordre du jour. Parce que la pauvreté y reste aussi. Il n'y a certes plus de « pauvreté absolue » en Suisse, sinon volontaire : personne, chez nous, ne meurt de faim. Il y a cependant près d'un million de personnes qui survivent sous le seuil de pauvreté relative, et qui ne peuvent s'intégrer à la société « normale », en vivant comme des gens « normaux ». L'Hospice Général genevois a aidé financièrement 10'550 personnes en 2009, soit 13 % de plus qu'en 2008 et Caritas estime qu'entre 20 et 50 % des personnes réellement pauvres ne sont pas officiellement reconnues comme telle. Près d'un salarié sur vingt ne gagne pas assez pour vivre de son travail, et doit, ou devrait, recourir à l'aide sociale (selon l'Office fédéral de la statistique, la notion de «travailleurs pauvres » concerne toute personne de 20 à 59 ans vivant dans un ménage dont le temps de travail atteint au moins 90 % d'un temps plein, et dont le revenu mensuel, après déduction des cotisations sociales et des impôts, se situe au-dessous du seuil de pauvreté). En 2009, 26,7 % des familles monoparentales et 24,3 % des couples avec trois enfants ou plus sont pauvres, lors même qu'ils exercent une activité rémunérée. Un million de pauvres en Suisse, et l'ordre règne ? Les pauvres ne se révoltent pas -du moins pas contre les riches; leur colère, ils la tournent contre eux-mêmes ou contre leurs semblables : pauvres suisses contre pauvres étrangers, pauvres étrangers statutaires contre pauvres sans-papiers, hommes pauvres contre leurs compagnes, jeunes pauvres entre eux, pauvres sédentaires contre pauvres nomades... Nos pauvres sont confortables pour l'ordre social puisque les anciennes « classes dangereuses » ne le sont plus : pour une part petitement embourgeoisées et pour une autre part si « larguées » qu'elles ne sont plus une menace que pour elles-mêmes, les voilà prêtes à être utilisées contre encore plus pauvres qu'elles. Nos pauvres sont de bons pauvres, plus vaincus encore que ceux dont Malraux fait dire, dans Les Conquérants, par le révolutionnaire Garine : « Je n'aime pas les hommes. Je n'aime pas même les pauvres gens, le peuple, ceux en somme pour qui je vais combattre. (...) Je les préfère, mais uniquement parce qu'ils sont les vaincus ».

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