Fonds de tiroir

Vernier, terre de contrastes : le Conseiller administratif Thierry Cerutti a dénoncé auprès du Procureur général Zapelli neuf conseillers municipaux, qu'il accuse de ce dont lui-même se rend systématiquement coupable depuis qu'il a été élu : la violation du secret de fonction. Cerutti avait demandé une augmentation (un triplement, en fait) de son enveloppe pour « subventions extraordinaires », histoire de pouvoir arroser un peu les copains avant les élections. Cette demande lui a été refusée, d'abord en commission du Conseil municipal, puis par le Conseil municipal lui-même. Du coup, Cerutti a envoyé une lettre aux associations dont les demandes, d'ailleurs suscitées par le frapadingue lui-même, ne pouvaient être satisfaites par des subventions « extraordinaires». Dans sa lettre, il se pare des plumes du paon en écrivant que « la majorité des conseillers municipaux socialistes, Verts, libéraux, PDC et UDC » (en gros tout le monde sauf le MCG) « se sont opposés (à) votre demande, qui a été défendue par votre serviteur», lequel « serviteur » (qui n'est jamais si bien servi que par lui-même) « ne cautionne pas pareille décision ». On vous passe les péripéties suivantes (nouvelles demandes de crédit, de plus de 100'000 balles cette fois, nouveaux refus, et dépôt d'une interpellation par neuf conseillers municipaux, qui demandent au Conseil administratif de s'assurer que les correspondances officielles ne soient pas l'occasion de commentaires « partisans » etc...). Copie de la lettre de Cerutti aux associations ayant été obtenues par les socialistes en s'appuyant sur la loi sur l'information du public et l'accès aux documents (puisque Cerutti ne voulait pas donner copie de sa lettre), Cerutti pique un fard et accuse les neuf conseillers municipaux signataires de l'interpellation de « violation du secret de fonction ». Réponse des neuf : cette histoire montre « le vrai visage (...) d'un homme qui agit comme chef de clan et non comme magistrat communal ». « Chef de clan », c'est peut-être trop dire pour Cerutti, Stauffer va se sentir vexé, « sous-chef » suffirait, mais quoi qu'il en soit, Cerutti est encore foutu de porter plainte. Ce qui nous rappelle cette vieille histoire soviétique : un type est arrêté et envoyé au goulag pour avoir crié dans la rue « Staline est fou ! »... Motif de l'arrestation : injure au Petit Père des Peuples ? Non: divulgation de secret d'Etat.

Le Conseil d'Etat propose donc d'abolir la limite d'âge, actuellement fixée à 80 ans, pour exercer la médecine à Genève, et d'autoriser les médecins à pratiquer jusqu'à leur propre mort (celle des patients n'étant donc pas prise en compte). Au sein du corps médical, nous dit la «Tribune», cette perspective fait « grincer des dents »... On se demande bien pourquoi : faire soigner des grabataires par des cacochymes, c'est le bon truc pour lutter contre le vieillissement de la population, non ?

Trois employés du centre funéraire de Saint-Georges ont été licenciés après que l'un ait, sous les yeux du second, photographié le troisième à poil dans un congélateur du centre funéraire, son sexe dans la main. Cinq autres employés se sont vu infliger une sanction financière, et un autre s'est pris un blâme. Selon Manuel Tornare, les employés fautifs ont pris conscience de la gravité de leur acte, certains somatisent et plusieurs sont en arrêt maladie. Bref, c'est la débandade.

Ainsi, les Genevois et voises (de la Ville) ont accepté à deux contre un le projet de nouveau musée d'ethnographie. Et accepté pour cela de couper une trentaine d'arbres. Patrice Mugny a remercié les référendaires qui, pour une fois, ont permis à un projet dans le champ culturel d'être gratifié de l'onction populaire. Et en effet, l'acceptation du projet de nouveau MEG, quoi qu'il en soit des critiques que l'on peut porter à ce projet, et des regrets de sa prudence, rompt avec une triste tradition locale, celle du refus en votation de tout projet culturel dès lors qu'il risque de se voir, de coûter quelque chose, de supprimer des places de parking ou des arbres. On aime bien les arbres. Tout le monde aime les arbres. Mais il faudrait qu'on admette une bonne fois pour toute qu'en ville, il n'y a plus d'opposition entre nature et culture, parce qu'il n'y a plus, depuis des siècles de nature. Il n'y a plus que de la verdure. Des arbres, mais taillés. Des espaces verts, mais engazonnés. Des parcs, mais ni plus ni moins construits que des bâtiments. Et que lorsque nous parlons de nos racines, nous usons d'une métaphore, pas d'une identification.

Le 13 septembre dernier, le Conseil National, après le Conseil des Etats, a adopté une loi sur la restitution des avoirs illicites, dite « Loi Duvalier », censée parmettre la confiscation, le blocage et la restitution des fortunes planquées en Suisse par des dictateurs rapaces. Une loi surtout destinée à nous donner bonne conscience : « sa portée concrète sera quasi nulle », commente Bernard Bertossa, qui observe que les conditions posées pour l'application de cette loi empêcheront cette application. D'abord, pour que les fonds concernés puissent être saisis, il faudra une demande d'entraide judiciaire de l'Etat concerné. Comme les Etats concernés et leur système judiciaire sont le plus souvent totalement défaillants en la matière, cette première condition ne sera qu'exceptionnellement remplie. Et ne le sera même jamais lorsque les dictateurs visés sont encore au pouvoir. Ensuite, l'initiative du blocage des fonds revient au Conseil fédéral. Et va donc dépendre de critères où la raison d'Etat, les intérêts économiques et les rapports de force internationaux, seront bien plus déterminants que les critères éthiques ou juridiques. Et même si la loi, finalement, s'appliquait, et que des fonds étaient rendus aux Etats demandeurs, on risque d'avoir des surprises, telle celle qu'évoque Bertossa : la Suisse a rendu au Kazakhstan 80 millions que son président avait planqués chez nous. Sur quoi, la fille du président a acheté une somptueuse maison à Genève pour 74 millions. C'est ce qu'on appelle un mouvement de capital. Avec du pognon qui voyage sur un air de Gainsbourg : « je vais et je viens...» . Et je te baise.

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