La dhimmitude et l'apartheid

Christianophobie orientale, islamophobie occidentale : épurations croisées

Le 31 décembre au soir, à Alexandrie, un attentat-suicide commis à la sortie d'une église copte a tué 23 personnes et en a blessé des dizaines d'autres, chrétiens et musulmans mêlés. En Irak, deux mois auparavant, un attentat du même genre avait lui aussi frappé la minorité chrétienne. Les chrétiens d'Orient font l'objet, depuis des années, en particulier en Egypte et en Irak, d'actes de violences et d'agressions, sur fonds général de « purification religieuse » : violence physique et terrorisme en Orient, violence symbolique et invective en Occident, et un peu partout refus du pluralisme religieux -et irreligieux. Nous devrions être plus nombreux à dire aux Croisés et aux Djihadistes : massacrez-vous les uns les autres tant que vous voulez, imposez-vous les uns aux autres toutes les servitudes dont vous rêvez, mais foutez-nous la paix ! Nous ne voulons ni de la dhimmitude en Orient, ni de l'apartheid religieux en Occident.

Tuez les tous, Dieu reconnaîtra les siens !

Islamophobie ici, christianophobie là-bas : ces délires se répondent, comme la peste au choléra. A Alexandrie, les djihadistes sunnites ont retrouvé le mot d'ordre exterminateur des croisés anti-cathares : tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens ! Et pour seule réponse, le gouvernement égyptien accuse la « main de l'étranger » d'avoir commis l'attentat. Elle est commode, la « main de l'étranger » : la désigner comme coupable permet de jeter un voile pudique sur les racines nationales des entreprises de purification religieuse dont l'attentat d'Alexandrie n'est que la manifestation sanglante la plus récente. Le Pape copte Chenouda III a proclamé (pouvait-il dire autre chose ?), après le massacre d'Alexandrie sa foi en son pays : « L'Egypte n'est pas la patrie où nous vivons, mais la patrie qui vit en nous... C'est beau, mais cela ne dit pas quelle Egypte chrétiens et musulmans égyptiens porteraient mêmement en eux ? Celle de Moubarak, vraiment ? Les actes de violence commis contre les chrétiens d'Orient le sont par des minorités intégristes manipulées par les pouvoirs en place -les tentatives, plus politiques, d'ostraciser les musulmans d'Europe étant elles aussi le fait de minorités intégristes, que cet intégrisme soit religieux (chrétien, en l'ocurrence) ou « ethnique », pour ne pas dire tribal. Ces épurations ce croisent, ces épurateurs se conjuguent. Ainsi, il ne devrait plus y avoir de chrétiens en «Orient» et plus de musulmans en « Occident » ? L'épuration, ici, tient à la fois du fantasme et de l'amnésie : Les chrétiens orientaux ont dans tous les pays où ils vivent, précédé l'islam d'au moins mille ans, et il y a en « Occident » des musulmans depuis les premières années de l'expansion de l'islam, il y a plus de 1400 ans. Islam et chrétienté se sont non seulement ajoutés l'un à l'autre, mais se sont surtout inspirés l'un de l'autre et l'autre de l'un, au point qu'on ne comprend rien à l'islam si on nie sa filiation avec le christianisme, et rien non plus aux sociétés « chrétiennes » (ou qui le furent) si on refuse d'y voir l'apport de l'islam. Les sociétés occidentales ne sont plus des sociétés chrétiennes et les musulmans (mais aussi les athées et les agnostiques) y seront, de plus en plus nombreux, les sociétés orientales (où est né le christianisme...) ne seront bientôt plus des sociétés musulmanes, même si les chrétiens devaient en être exclus par la force. Mais peu importent ces évidences aux épurateurs : la réalité est hors du champ de compréhension des Croisés et des Djihadistes. Elle est surtout sans intérêt pour leurs parrains : cela arrange bien du monde, bien des intérêts, bien des forces politiques et économiques, que les colères qu'ils suscitent s'accrochent à l'illusion d'une société déterminée par des préceptes religieux. Cela permet en tout cas de laisser piétiner avec une absolue bonne conscience, et au nom de Dieu, ou de la foi, ou de l'église, ou de la tradition, les droits et les libertés qui fondent des sociétés vivables, et qui sont précisément devenues vivables parce qu'elles ne sont plus des communautés religieuses. La sécularisation fait peur, et la laïcité plus encore -si peur qu'en son nom, dans nos pays, naissent d'étranges chimères rouges-brunes, à l'image de la française « Riposte Laïque » où, injuriant la laïcité, barbotent dans le même vivier xénophobe, réactionnaire, autoritaire et tribal, d'anciens gauchistes reconvertis en Croisés et de nouveaux fascistes déguisés en laïcards, tous rêvant d'instaurer ici ce qu'ils dénoncent là-bas : une dhimmitude, mais chrétienne. Eclairée au pétrole saoudien. Et financée depuis Abu Dhabi. Barakat !

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