Avril 1915 - avril 2011 : nier l'évidence du génocide arménien ?

Il y a 96 ans, en avril 1915, était déclenché dans ce qui était encore l'Empire Ottoman, le premier génocide du XXe siècle, que l'on s'en tienne à la chronologie calendaire qui fait commencer ce siècle le 1er janvier 1901, ou que l'on adhère à la retrospection historique, qui le fait commencer au déclenchement de la Grande Guerre, en 1914. La Ville de Genève a décidé, sur mandat de son Conseil Municipal unanime, d'ériger sur la Promenade Saint-Antoine une installation commémorative, non seulement du génocide des Arméniens, mais aussi des relations séculaires de Genève avec l'Arménie -Genève ayant notamment été le lieu où se sont créées ou structurés deux des principaux mouvements politique d'émancipation de l'Arménie, le Dashnak et le Hintchak. Ce geste de la Ville n'a pas été du goût d'une association négationnisted turque, qui tempête depuis des semaines et tire toutes les sonnettes (y compris celles qui se trouvent à l'extrême-droite de la porte, sublime ou non) pour que la Ville renonce à son travail de mémoire. Et d'en appeler au Conseil fédéral, et à Micheline Calmy-Rey, pour que la Confédération sermonne la Commune.

Le négationnisme contre la réconciliation des peuples


On commencera donc, pédagogiquement, par rappeler aux négationnistes du génocide arménien, que si le Conseil fédéral est le gouvernement de la Suisse, Micheline Calmy-Rey la présidente de la Suisse et sa ministre des affaires étrangères, et que ce gouvernement, cette présidente, cette ministre, sont en charge de la raison d'Etat, le Conseil adm,inistratif de la Ville de Genève, la Maire de Genève, le Conseiller administratif chargé de la culture ne sont, eux, pas en charge de la raison d'Etat, mais peuvent l'être, et le sont sur demande du Conseil Municipal, du travail de mémoire, et de solidarité. Genève commémore le génocide des Arméniens, comme elle commémore le génocide des Juifs, comme elle commémore ou devrait commémorer celui des Tziganes, celui des Tutsis rwandais, celui des Cambodgiens... c'est un acte de mémoire, pas un acte diplomatique. Et cet acte de mémoire, c'est le Conseil Municipal de la Ville, à la quasi unanimité, qui a demandé qu'il soit fait. Que la Confédération soit en charge de la raison d'Etat n'empêche nullement la Commune de prendre en charge la raison solidaire et nos Ottomans devraient s'y résigner : la Suisse est, encore, un Etat démocratique, la Commune peut, encore, y faire ce que la Confédération s'interdit de faire pour des raisons diplomatiques, la Maire socialiste de Genève peut faire ce que la présidente socialiste de la Confédération s'interdit de faire : un travail de mémoire, pas un travail de diplomatie. D'ailleurs, il s'agit moins pour la Suisse, pour le Conseil fédéral, pour Micheline Calmy-Rey, d'aider à la réconciliation des peuples turc et arménien, mais d'aider à l'établissement de relations normales entre les Etats de Turquie et d'Arménie. La "réconciliation" entre les peuples, c'est l'affaire des peuples. C'est aussi l'affaire des historiens, des organisations culturelles et politiques, et même religieuses, et cela suppose la reconnaissance de ce qui entrave cette réconciliation. Et ce qui entrave cette réconciliation, c'est le refus de voir la réalité passée en face, le refus d'admettre le crime passé, la négation du génocide. Ce ne sont pas les Turcs d'aujourd'hui qui sont coupables du génocide de 1915. Ce n'est pas le gouvernement turc de 2011 qui a commis le crime de 1915. Mais ce sont des groupes négationnistes turcs qui parasitent le travail de réconciliation. La réconciliation entre les peuples d'Arménie et de Turquie se fera. Elle se fera malgré les négationnistes, mais elle se fera. Elle se fait déjà. Les Kurdes de Turquie, et les Alévis, et de plus en plus d'intellectuels et d'artistes turcs montrent l'exemple. Le combat des négationnistes n'est pas seulement un combat odieux, c'est aussi est un combat absurde, parce que c'est un combat pour l'amnésie ou pour le mensonge. Ce que les Kurdes, les Alévis, les démocrates turcs ont déjà reconnu, la Turquie officielle le reconnaîtra aussi, malgré les cadavres politiques réunis autour du catafalque d'Ataturk pour nier à la fois la justice et l'évidence.
Pour conclure un dialogue de sourds (forcément) avec un négationniste (sur http://www.rsr.ch/#/la-1ere/programmes/forum/?date=24-04-2011), un chant
http://www.youtube.com/watch?v=Ayx2raO-_Ic

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