Consensus sécuritaire à Genève ? Gesticulations de droite, appendice de gauche

« Tous les partis misent sur l'ordre et la sécurité », titre « La Tribune de Genève » du 5 mars, avant que de commenter les résultats de l'analyse « Smartvote » des positions des candidates et candidats au Conseil Municipal de la Ville : plus de 96 % d'entre eux plebiscitent la proposition d'augmenter les effectifs de la police municipale. On est bien contents d'être dans les moins de 4 % de réfractaires. Même si la « Tribune » ajoute que « tout candidat doit aborder (les thèmes de l'ordre et de la sécurité s'il eut avoir une chance d'être élu » (à supposer qu'il cherche à tout prix à l'être). Mais « aborder les thèmes de l'ordre et de la sécurité » ne préjuge en rien de la méthode de l'abordage. Celle dont use abondamment la droite municipale relève en tout cas de la pure gesticulation, quand elle exige le renforcement des effectifs, des moyens et de l'équipement de la police municipale, mais refuse de voter le budget qui permettrait ce renforcement, l'engagement de policiers supplémentaires et l'amélioration des conditions salariales et sociales des policiers déjà en fonction.

Appendicectomie

Comme il y a deux ans, lors des élections cantonales, l'extrême-droite, et la droite traditionnelle à sa suite (initiative radelibe pour 25 policiers supplémentaires, proposition PDC d'armer la police municipale, et initiative pour la vidéosurveillance) nous fait une campagne obsessionnelle sur le thème de la « sécurité » (le MCG en profitant pour amalgamer, sur son affiche, délinquanmts, chômeurs et frontaliers). L'exercice paranoïaque n'est pas nouveau, venant de là où il vient. La nouveauté, c'est qu'une partie de la gauche s'y est laissé prendre. Mollement, avec réticences, en mettant des gants, mais tout de même : dans le « profil Smartvote » du Parti socialiste, une curieuse protubérance, vers le bas et vers la droite (vers le thème de l' « ordre et la sécurité » dépare la belle ordonnance du profil collectif du parti. Le commentaire de La Tribune de Genève y voit l'indice que les socialistes (et le reste de la gauche) se sont ralliés à la préoccupation sécuritaire qui est supposée dominer la campagne des Municipales, hypothèse d'ailleurs en soit contestable, et contestée (samedi, les deux affichettes des caisses à journaux de la Tribune et du Courrier annonçaient deux estimations contradictoires de cette pregnance du débat sécuritaire, la première l'affirmant, le second la contestant). Il y a à la fois du vrai et du faux dans cette conclusion : devenus «sécuritaires , les socialistes ? Plus qu'auparavant, sans doute. Mais, outre que les « profils Smartvote » sont établis à partir de questions dont les réponses sont parfois assez curieusement analysées (être en faveur d'une répression accrue des chauffards, c'est être « sécuritaire » et donc de droite, par exemple... encore heureux que « Stmartvote » n'ait pas eu vent de notre proposition d'équiper la police municipale de Morgenstern), c'est aller un peu vite en besogne que d'en tirer la conclusion que la gauche en général, et le PS en particulier, ont été gagnés par le prurit sécuritaire entretenu par l'extrême-droite et qui fait se gratter la droite traditionnelle depuis des plombes. Cela étant, comme le constate la Tribune de Genève, le thème de la sécurité a bel et bien « gagné du terrain » même à gauche, et « le renforcement des effectifs de la police municipale fait pratiquement l'unanimité ». D'où la concurrence particulièrement stupide à laquelle la gauche et la droite se sont livrées lors du débat sur le budget de la Ville, à propos de la création de postes de policiers, « A Gauche Toute », pas encore devenue « A Gauche Ensemble », surenchérissant sur les demandes faites par la droite -mais, il est vrai, avec un peu plus de cohérence que celle-ci, qui proposait certes d'augmenter les effectifs policiers municipaux, mais refusait le budget permettant de les financer. Il y a actuellement une centaine de policiers municipaux en Ville de Genève. Ils s'ajoutent, mais à titre supplétif, à la police et à la gendarmerie cantonale. Et pour une ville de la (petite) taille de Genève, c'est amplement suffisant -pour autant que leur mission soit clairement définie et que les tâches soient clairement réparties entre polices cantonale et municipales. Et il n'est au surplus pas inutile de rappeler, et on le fera sans barguigner, que la rue et l'espace publics ne sont pas les lieux où la sécurité des personnes est la plus menacée; que lieu le plus insécure, le plus dangereux, c'est la famille; que c'est au sein du cercle familial que se produisent le plus d'actes de violences, d'homicides, de tentatives d'homicides, de blessures volontaires et de viols. Et que les braves gens risquent bien moins de se faire agresser dans la rue que de se faire écrabouiller sur la route ou blesser au travail. La protubérance sécuritaire qui prolonge sur la droite le profil « Smartvote » du PS pourrait bien n'y être -c'est en tout cas l'espoir que nous formulerons ici- que ce qu'est l'appendice vermiforme dans nos tripailles personnelles : inutile et superfétatoire. On peut vivre avec, tant que ça ne s'enflamme pas. Et si ça s'enflamme, on coupe.

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