Autour de quelques petites angoisses post-électorales : Le MCG, qu'en faire ? ben... rien...

A un débat organisé par la « Tribune de Genève », la question fut posée : le MCG est-il parti pour durer ? Et nous y avons répondu ainsi : Que le MCG en tant que tel, en tant que formation politique, soit ou non parti pour durer n'a pas grande importance. Toutes les formations politiques existantes sont la manifestation contingente, vouée tôt ou tard à disparaître (le Parti du Travail a été pendant dix ans le premier parti de la République...), de courants politiques qui, eux, sont durables, sur le long terme, et de cultures politiques qui, elles, sont séculaires. Le MCG est la manifestation, aujourd'hui, d'un courant politique qui, à Genève, a presque un siècle d'existence presque permanente : c'est l'Union de Défense Economique des années vingt, l'Union Nationale des années trente, Vigilance dès les années soixante, deuxième parti de la République dans les années quatre-vingt. Ce courant n'a eu qu'une éclipse d'une vingtaine d'année, après la deuxième guerre mondiale, parce que ses accointances avec les vaincus de la guerre -le fascisme, le nazisme- l'avaient délégitimé.

Populisme du dessus de table, populisme du dessous

Le MCG en tant que tel n'est donc pas plus que toute autre formation politique (laquelle peut se dire certaine d'assouvir son dur désir de durer ?) fait pour durer. Mais le courant politique dont il est l'expression est une permanence du paysage politique genevois. Ce courant, que par commodité de langage on appellera le « populisme de droite » (puisqu'il en est un, aussi, de gauche), a toujours été présent à Genève depuis la révolution radicale, pour ne pas remonter plus avant encore dans l'histoire : au milieu du XVIe siècle, on manifestait à Genève contre le trop grand nombre de pasteurs français... Ce populisme de droite a eu des expressions partisanes, différentes, successives; il a pu aussi, pendant quelque temps, n'en avoir aucune et s'être réfugié dans les partis de la droite traditionnelle, mais il a toujours été là -comme les autres grands courants qui structurent notre paysage politique : le libéralisme, le radicalisme, le catholicisme politique, le socialisme. La manière dont ces courants se traduisent en partis politiques change, mais sur le fond, ou s'agissant du MCG le bas-fond, ils sont une permanence. Et le populisme de droite est l'un d'eux : xénophobe, sécuritaire, disciplinaire, socialement et culturellement conformiste, réactionnaire, machiste et adorateur de chefs et d'hommes forts. De ce point de vue, il n'y a de différence entre un Stauffer aujourd'hui et un Oltramare hier que celle du contexte historique, mais quand vous entendez le MCG vous dire que sa priorité, en Ville de Genève, est de fermer aux Rroms l'abri des Vollandes, vous devez bien vous résigner à ce que le contexte historique change, pas le fonctionnement du cerveau reptilien. C'est ce qui justifie d'ailleurs que l'on puisse qualifier, sans l'y réduire, le MCG de parti d'extrême-droite, ce qui n'est ni synonyme de fasciste, ou nazi, ou franquiste, ou maurrassien, ni contradictoire du populisme de droite... D'un parti d'extrême-droite, le MCG a cette caractéristique de désigner un bouc émissaire, en l'occurrence, les frontaliers, ou les Rroms. Et d'un parti populiste de droite, cette caractéristique d'être capable d'attirer à lui un électorat populaire, pour lui faire avaler une politique de droite. Le MCG n'est pas un parti anti-establishment, c'est un parti qui rêve de faire partie de l'establishment, et au moment des choix, c'est toujours pour la droite d'argent qu'il roule, et c'est toujours son propre électorat populaire qu'il roule. Car aux côtés de qui est le MCG ? Quand il soutient l'ouverture prolongée des magasins, il est aux côtés du patronat des grands magasins contre les petits commerçants, et contre les vendeuses et les vendeurs. Quand il soutient l'amnistie fiscale, il est aux côtés des fraudeurs fiscaux contre les bons cons de contribuables honnêtes. Quand il soutient les propriétaires de villas, il est aux côtés de ceux qui ne veulent pas laisser place au logement des autres, et contre ceux qui sont en manque de logement. Et quand il est contre les frontaliers, il est contre tous ceux qui à Genève bénéficient du travail des frontaliers -c'est-à-dire tous ceux qui ont besoin de services publics (ils ne fonctionneraient tout simplement plus sans les frontaliers) parce qu'ils n'ont pas les moyens de se payer des services privés. C'est cela, le populisme de droite : monter sur la table pour faire un grand discours au nom du peuple, et se mettre ensuite sous la table pour faire une pipe à un banquier...

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