Débâcle électorale des socialistes espagnols

Le (juste) prix des renoncements

Les élections municipales et régionales espagnoles ont vu les socialistes (mais l'étaient-ils encore?) subir leur plus lourde défaite depuis le rétablissement de la démocratie, il y a bientôt quarante ans. Le PSOE a perdu les mairies de Barcelone (au profit des catalanistes), de Séville, de Saint-Jacques de Compostelle, de La Corogne, de Leon, et presque toutes les régions qu'ils dirigaient : les Asturies, la Manche, l'Aragon, les Baléares, etc... Pour l'opposition de droite, c'est une victoire, mais une victoire par défaut : on a moins voté pour eux que contre le PSOE. Les deux grands partis espagnols totalisent désormais moins des deux tiers des votes, à peine plus du tiers en Catalogne, à peine plus du quart au Pays Basque, et le vainqueur des élections de dimanche ne doit sa victoire qu'à la démobilisation massive de l'électorat de gauche. Un électorat qui s'est sans doute plus retrouvé dans les campeurs « indignés » de la Puerta del Sol que dans les candidats aux élections, pour une défaite socialiste qui n'est finalement que le prix des renoncements socialistes.

Coup-de-pied-au-cul-thérapie

Le « Mouvement du 15 mai », celui des « Indignés » (la référence à la brochure de Stéphane Hessel était explicite), qui campent sur la Puerta del Sol madrilène à l'appel d'un collectif dont le nom même dit l'ambition (Democracia Real Ya), n'a ni accentué ni freiné la déroute électorale du PSOE : il l'a accompagné, et il en dit les raisons -ou plutôt, LA raison (et elle ne vaut pas que pour les socialistes espagnols) : à quoi bon voter pour des socialistes s'ils mènent une politique plus droitière encore que celle du gouvernement de droite qui précédait le leur ? Quand le taux de chômage atteint 21 % (et même 45 % chez les jeunes), qu'aucune politique économique n'est proposée comme alternative à celle qui avait laissé la croissance se construire sur le tourisme et la spéculation immobilière, que la gauche institutionnelle n'offre aucune résistance à l'application des plans imposés par l'Europe et le FMI, non pas tant pour sortir l'Espagne de la crise que pour permettre à ses créanciers de toucher les intérêts de leurs prêts, un résultat comme celui que vient de subir le PSOE est logique. Logique, et mérité. Le bilan du gouvernement Zapatero, avant qu'il ne sombre dans l'atonie et la résignation à se transformer en exécutant docile des ukazes des grands argentiers européens et mondiaux, n'était pourtant pas insignifiant (moins cependant sur le terrain économique et social que sur le terrain culturel et sociétal : adoption du mariage homosexuel, libéralisation de l'avortement, rupture avec le silence officiel sur les crimes du franquisme...) -mais à un gouvernement socialiste, on est en droit de demander plus. On est surtout en droit de lui demander, d'abord, de se refuser à faire ce que le gouvernement socialiste espagnol a fait, pour complaire à ses « partenaires » internationaux : réduction de salaires, suppression de prestations et de protections sociales, éloignement de l'âge de la retraite... Résultat ? L'électorat de gauche a, quand il l'a pu, voté pour des formations d'opposition régionale à la politique nationale -et de ce point de vue la victoire de la coalition de la gauche nationaliste basque Bildu, que le gouvernement voulait interdire sur la suspicion de proximité avec ETA, alors qu'elle avait appelé ETA à renoncer définitivement à la lutte armée, est exemplaire. Bref, l'électorat espagnol a balancé un solide coup de pied au cul d'un PSOE incapable de choisir entre les Indignés de la Puerta del Sol et les indignités d'une cure d'austérité payée par celles et ceux qui sont déjà les victimes de la crise. Le PSOE a dès lors le choix : rejoindre (mais avec quelle crédibilité, après avoir finalement fait l'absolu contraire de ce qu'il avait promis de faire ?) un mouvement de refus de l'injustice sociale, ou terminer le sale boulot d'une politique de droite que la droite, rigolarde, n'a même pas besoin d'assumer, puisque la gauche le fait à sa place et le fait payer à la base sociale de la gauche. Elle ne serait pas morale, finalement, la défaite du PSOE ?

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