Ouverture de la « législature » municipale

Bon, ben puisqu'on a voulu y aller...

Voilà, c'est fait, les magistrats communaux revêtus de leur écharpe d'or et de gueules (sauf ceux de la Ville : problèmes de budget pour acheter du tissu, humilité foncière, souci de ne pas vexer le canton en lui rappelant que les couleurs genevoises sont celles de la ville depuis au moins sept siècles ?) ont prêté serment devant les baillis cantonaux de respecter les lois, la constitution et tout et tout... Et le lundi suivant, ce fut le tour des conseillers municipaux. En levant la main droite, trois doigts dressés comme au Grütli pour quelques uns, poing levé pour deux gauchistes, paume ouverte pour les autres. Et c'est reparti pour une « législature » municipale. Une « législature » qui n'en est pas une puisqu'on n'y fait pas de lois, mais qui, pour cette raison même, est la seule à vrai dire qui nous importe, puisqu'elle ne gouverne pas les hommes et les femmes, mais administre les choses, produit des droits, et en fournit les moyens concrets.

Et vogue la galère

Les groupes du Conseil Municipal se sont répartis les commissions du Conseil, en ont répartis les sièges entre leurs membres, et ont désigné leurs « chefs », puisqu'il paraît qu'il leur faut des chefs et qu'il y a des volontaires pour l'être -mais ce sont d'étranges chefs, à l'abnégation masochiste de portefaix en charge du sale boulot, des chefs que d'autres qu'eux rêvent en marionnettes dont on tirerait les ficelles et qui seraient voués à prendre les baffes à la place du marionnettiste, des chefs à la ressemblance de ceux qu'étudiait Pierre Clastres au Paraguay : privés de toute liberté de parole et d'action, soumis à l'obligation de dire ce que les membres de leur groupe ont décidé qu'ils devaient dire, empêchés de dire ce qu'ils voudraient dire, empêchés de voter comme ils voudraient le faire, contraints à surveiller leurs paroles, leurs actes, leurs fréquentation, épuisés de réunions, gavés de négociations, lassés de parlottes avec des gens qu'en temps normaux ils n'auraient pas plus envie de rencontrer qu'ils n'auraient quoi que ce soit à leur dire... Bref, la routine politique s'installe dans les communes. Et le Conseiller municipal de base de se reposer, mais un peu tard, la question : Que diable vais-je faire en cette galère, quand je n'a ni l'envie de ramer, ni la vocation de battre du tambour, ni le fantasme de fouetter ? Certes, le lecteur sagace serait fondé à nous rétorquer que personne ne nous a forcé à être candidat, ni à faire campagne, quelque ironie qu'on ait pu mettre en cette campagne, ni à accepter d'être élu. Mais bon, on a ses faiblesses, ses moments d'absence, et puis la fonction a quelques petits avantages, ouvre à quelques petites prébendes, quelques menus privilèges et quelques milliers de francs annuels de jetons de présence. Et si la majorité des membres de ce parlement (un Conseil municipal en est un, s'il n'est pas un législatif) nous sont parfaitement indifférents, et quelques uns franchement insupportables, on aurait tout de même regretté de ne plus siéger avec quelques autres, dont l'avis, les prises de position, le travail nous importent, et dont parfois la personne même nous est devenue chère... Mais enfin ce parlement n'est tout de même pas qu'un club de rencontre, ni le dernier salon où l'on cause (on y cause d'ailleurs assez mal), c'est un lieu de débat et de décisions politiques... qui valent ce qu'elles valent, qui sont prises au terme de débats qui eux aussi valent ce qu'ils valent (ou plutot ce que valent celles et ceux qui y prennent part, et ce que valent leurs discours), mais qui engagent des moyens considérables (la Ville de Genève à un budget de plus de 1,1 milliard de francs), portent sur des choix importants (la politique culturelle, l'aménagement, l'action sociale, le soutien à la mobilité douce...), et ont des conséquences non négligeables sur les habitantes et les habitants de la Ville et même, s'agissant de Genève, sur ceux de tout le canton et de la région... Alors, le Conseil Municipal, qu'y faire ? Mais de la politique ! Et de la seule qui vaille : non celle qui pond des lois, mais celle qui concrétise des droits - et c'est précisément ce qui légitime la Commune face à l'Etat, surtout lorsque la première est de gauche et le second colonisé par la droite. Et c'est aussi ce qu'on se donnera comme prétexte, sinon comme raison, de jouer pendant (peut-être) quatre ans au Conseiller Municipal socialiste.

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