Boni municipal, déficit cantonal : Budgets communiquants ?

Le projet de budget communal de Genève est équilibré, le projet de budget cantonal de Genève est déficitaire, les deux déplaisent à la droite et le gouvernement lorgne sur les caisses municipales : devant l'assemblée générale de l'association des communes genevoises, leur baillie cantonale, Michèle Künzler, a rappelé que si le budget cantonal 2012 allait être largement déficitaire (la faute à la conjoncture, à la Confédération, aux baisses d'impôts) « certaines communes ont des trésoreries florissantes ». Et elle a averti : « si nous voulons éviter que le frein à l'endettement ne (sic) soit activé, nous avons tous intérêt à travailler de concert ». Pour faire payer le déficit cantonal aux communes en général et à la Ville en particulier ? ça sent la ponction, le racket et le transfert de charges sans transfert de compétences, tout ça...

Une pompière pyromane : la droite genevoise

Le Conseil administratif de la Ville a présenté son projet de budget 2012 : avec un petit boni de 2,8 millions (mais il est basé sur des estimations datant du mois de juin, et la situation économique générale s'est dégradée depuis), il assume les augmentations de charges statutaires, celles auxquelles la Ville ne peut pas échapper parce qu'elles lui sont imposées par la loi ou par le statut du personnel, maintient les prestations sociales, culturelles et salariales de la municipalité et assume en outre des choix de priorités spécifiques (la solidarité internationale, l'entretien du patrimoine). La droite municipale couine : faut réduire les impôts, supprimer la taxe professionnelle, supprimer l'imposition au lieu de travail, et avec tout cela priver la Ville de quelques centaines de millions de francs. Et produire pendant des dizaines d'années des budgets déficitaires. Et cesser de rembourser la dette, et en alourdir le service. Quant au budget cantonal, il s'établit à un déficit de 429 millions, dont au moins 150 dont dus aux cadeaux fiscaux accordés par la droite à sa clientèle électoral. La droite, qui a creusé les trous n'en proclame pas moins que ce déficit est inacceptable et exige de couper dans les dépenses -et surtout de ne pas augmenter les recettes. Faudrait savoir : c'est pas la même droite, celle qui dénonce au Grand Conseil les déficits budgétaires cantonaux et veut faire produire par le Conseil municipal des déficits budgétaires municipaux ? Ben oui, c'est la même. Celle qui à coups de cadeaux fiscaux (dont un bouclier fiscal pour les super-riches) a privé le canton d'un milliard de recettes en dix ans (et les communes de plusieurs dizaine de millions par ricochet), et de l'équivalent du déficit structurel prévu au budget cantonal 2012. Ce qu'elle nous fait là, la droite genevoise, c'est le coup du pompier pyromane, celui qui fout le feu pour pouvoir ensuite se présenter en héros pour l'éteindre. Quant au Conseil d'Etat, en présentant son budget cantonal déficitaire, il a assuré qu'il ne proposait pas « l'austérité, si on (le) compare à ce qui attend les Grecs » (la comparaison avec le Sud Soudan n'était pas opportune ?) mais a admis qu'on pouvait « parler de rigueur » . Mais de quelle rigueur, pour qui ? De la rigueur qui consiste à réduire les recettes pour pouvoir ensuite exiger de réduire les dépenses, sauf celles qui sont politiquement rentables (la construction de nouvelles prisons) ou de celle qui va consister à proposer de réduire aussi les recettes des communes pour ensuite leur transférer des charges actuellement cantonales, que le canton ne veut plus payer mais qu'il exigera des communes qu'elles les paie à sa place, tout en les privant des moyens de les payer puisque chaque cadeau fiscal fait par la canton pèse aussi sur les finances des communes ? Au Conseil Municipal de la Ville, la droite a enclenché son moulin à prière et ressert déjà le même discours qu'elle sert depuis quatre ans, en le garnissant de quelques pitreries supplémentaires (ainsi de son refus d'accepter les comptes de l'année 2010 au prétexte que la responsable des finances ne pouvait pas être présente lors de la séance consacrée à leur examen -trois autres magistrats présents, dont le Maire, étaient pourtant parfaitement capables d'y suppléer). On s'amuse comme on peut, mais à voir gigoter ce qu'il reste en Ville de l'Entente genevoise, dont on rappellera au passage qu'elle est (encore) majoritaire au parlement et au gouvernement cantonal, on ne peut s'empêcher d'être, malgré soi, saisi d'une sorte de compassion un peu perverse.

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