Deuxième initiative udéciste pour le renvoi (automatique) des "criminels étrangers" : Le but du tambour, c'est le bruit...

L'UDC avait averti après l'acceptation de son initiative pour le renvoi des « étrangers criminels » que si la « volonté populaire » n'était pas « intégralement respectée », elle lancerait une initiative intégrant directement dans la Constitution les dispositions d'application de l'initiative. Ce qui ne changera d'ailleurs rien au fait que, même inscrites dans la constitution, ces dispositions seront inapplicables, mais de cela, l'UDC s'en fout. Et bien voila, elle le fait, l'UDC : elle a annoncé le lancement de sa deuxième initiative pour le renvoi des « étrangers criminels » ou des « criminels étrangers ». Aussi inapplicable que la première, mais peu importe aux initiants : le but du tambour, c'est le bruit...

Le peuple n'a pas toujours raison. Mais en démocratie, c'est lui qui a le pouvoir d'avoir tort.

Une initiative qui, en instituant la « double peine » (prison+expulsion), proclame qu'un même crime est moins grave lorsqu'il est commis par un Suisse que par un étranger, qu'une victime est moins victime lorsqu'elle l'est d'un Suisse que lorsqu'elle l'est d'un étranger, que la suissitude est une circonstance atténuante du crime et de ses conséquences : c'est ce qu'une majorité de Suisses et de Suisses ont accepté en novembre 2010. Plongeant ainsi nos zautorités dans un abîme de perplexité : que faire d'un texte inapplicable, instituant un mécanisme d'expulsion automatique de délinquants, quelle que soient la gravité de leurs actes et la peine qui leur a été infligée, contraire à la Constitution et à une bonne demi-douzaine de textes internationaux que la Suisses s'est engagée à respecter ? L'application stricte, intégrale, mécanique de l'initiative aurait, si elle avait été possible, entraîné en 2009 la décision d'expulsion de près de 16'500 personnes, dont près de 3200 au bénéfice des accords de libre circulation rendant pratiquement impossible cette expulsion -ou du moins totalement illusoire la prévention d'un retour des expulsés en Suisse. Car la décision d'expulser, ce n'est pas encore une expulsion, et en réalité, si le droit est respecté, même après l'adoption de l'initiative udéciste, le nombre de personnes réellement expulsables n'atteindrait pas le quart de celles que l'UDC prétendait vouloir expulser. De ce foutoir, le parlement fédéral est certes pleinement responsable : c'est lui qui avait décidé de soumettre au peuple une initiative qu'il savait contraire au droit supérieur, contraire au principe de proportionnalité et au principe de l'égalité devant la loi. Mais si le parlement est responsable, le peuple l'est aussi, pusqu'en fin de compte, c'est lui qui a décidé, et qui redécidera. Car le même exercice absurde va se reproduire avec la nouvelle initiative populaire pour le renvoi des « criminels étrangers ». qui prétend fixer directement dans la constitution les modalités inapplicables de l'initiative inapplicable de l'année dernière. Il ne fait guère de doute que l'initiative aboutira. Que le parlement fédéral n'osera pas la déclarer invalide. Et qu'elle sera soumise au peuple. Et que celui.-ci est tout à fait capable de l'accepter, comme il avait accepté la première. Et qu'on se retrouvera avec, dans la constitution, des normes et des obligations inapplicables. Ce qui justifiera sans doute une troisième initiative de l'UDC pour inscrire quelque part (mais où ? dans les pierres sinaïques du Décalogue?) le principe que toute mesure inapplicable doit être appliquée. Le problème, n'est pas que l'UDC prenne les Suisses pour des cons, c'est qu'il arrive qu'elle n'ait pas tort. Mais en démocratie, c'est son droit, au peuple, de faire des conneries. Et si on a coutume, dans notre pays, de sa gargariser du précepte « le peuple a toujours raison », on sait aussi que ce gargarisme tient du placebo et ce précepte de la démagogie. Ce qui définit la démocratie n'est pas que le peuple ait toujours raison, mais que le peuple ait, comme naguère les monarques absolus, et aujourd'hui encore quelques tyrans dûment labellisés comme tels, le pouvoir d'imposer mêmement ses raisons que ses déraisons. Et d'un vote sur les minarets à un vote sur les expulsions automatiques, notre peuple a nous ne s'en est jamais privé, de ce pouvoir, qui est son bon plaisir : le Bon Plaisir du Souverain.

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