Fonds de tiroir

La Fédération des églises protestantes de Suisse (FEPS), qui avait accepté de concourir aux expulsions forcées de requérants d'asile déboutés en y désignant des « observateurs », a décidé d'y renoncer, et c'est une bonne nouvelle, tant le rôle de ces «observateurs» apparaissait comme douteux -comme une légitimation de pratiques inacceptables, au prétexte de les rendre compatibles avec le respect des droits humains. Le choix de la FEPS d'y participer, fût-ce passivement, en «observant» avait créé de gros remous au sein des églises protestantes suisses, et avait été vertement contestée par les aumôniers, présents sur le terrain, dans les lieux d'enregistrement et les centres d'accueil ou de rétention des requérants. Les observateurs protestants auront finalement accompagné une quinzaine de «vols spéciaux» pendant six mois. Dès le 1er janvier, les cinq «observateurs» des « vols spéciaux » arrivant tous la fin de leur mandat, la surveillance de ces vols ne sera plus assurée, au moins jusqu'en mars 2012, mais l'Office fédéral des migrations n'entend pas y renoncer pour autant. Pourtant, une directive liée à l'« espace Schengen » rend obligatoire la présence d'observateurs « neutres ». Neutres, et surtout impuissants, et tenus à la discrétion (ah, les beautés du secret de fonction...) C'est donc la Commission nationale de prévention de la torture qui tentera de pallier à l'absence des « observateurs ». Il est vrai que vu les méthodes employées pour expulser les récalcitrants (bâillon, casque, menottes, entraves diverses et variées), et les dommages collatéraux de l'exercice (expulsés de Suisse foutus en prison à leur arrivée « chez eux », décès d'expulsés etc...), on n'est pas bien loin de l'exigence de « prévention de la torture ». De prévention, pas d'observation .

L'interdiction du mariage (et du partenariat enregistré) pour les sans-papiers, depuis le 1er janvier, a fait baisser le nombre d'unions concernant des clandestin-e-s à Genève, constate-t-on (« Le Courrier » du 9 novembre). De quoi ils se plaignent ? il leur reste encore le concubinage, les putes et la branlette. Pour l'instant.

Le Conseil administratif de la Ville de Genève, qui prévoyait un petit boni de 2 millions au budget 2012, a dû réviser ses prévisions, du fait de la baisse des rentrées fiscales : il prévoit maintenant un déficit de 13 millions. Hauts cris de la droite et soupirs des Verts (qui se disent « favorables à la rigueur budgétaire » : cause à Hiler, mon budget est malade ?). On rappellera donc aux uns et aux autres que la rigueur budgétaire en période de crise est une connerie, parce qu'elle est aggrave les effets de la crise sur les couches sociales les plus fragiles. Et que 13 millions de déficit, c'est à peine plus d'un centième du budget, ou à peu près l'équivalent de la seule subvention d'exploitation du Grand Théâtre, ou juste un peu plus que ce coûtera l'engagement d'une centaine de policiers municipaux, ou moins du rendement d'un seul centime additionnel d'impôts. Alors on se calme: y'a pas d'élections à l'horizon. Quant à ce qu'en dira la commission des Finances du Conseil municipal, on s'en fout : c'est pas elle qui décide.

L'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers, la FINMA, a annoncé avoir découvert que quatre banques suisses, dont elle ne donne pas les noms, ont enfreint la réglementation sur le blanchiment des avoirs suspects, et accepté après le « printemps arabe » des avoirs de potentats nord-africains, dont elle ne donne pas non plus les noms, mais dont on suppose qu'il s'agit de Ben Ali, de Moubarak et de Kadhafi. Ce qui n'exclut pas qu'il puisse s'agit aussi, par exemple, de Bouteflika. Mais la FINMA ne tape pas sur les banques pour autant : « la plupart des banques observées connaissent leurs obligations dans la lutte contre le blanchiment et les remplissent de façon correcte et efficace ». Les autres les connaissent, ces obligations, mais ne les remplissent pas. Ce qui en touche une aux banquiers sans remuer l'autre : l'Association suisse des banquiers assure que « la place financière suisse dispose d'une solide réputation en matière de lutte contre le blanchiment d'argent et continuera à la protéger ». La réputation, donc, pas le blanchiment. Mais Transparency International et la Déclaration de Berne jugent, elles, que les efforts de la Suisse contre l'argent sale restent insuffisants. Jamais contents ces tiers-mondistes. On voit bien que c'est pas eux qui ont de l'argent à planquer. Rien que des jaloux, on vous dit...

Le Conseil d'Etat nous informe dans son communiqué du 9 novembre avoir répondu à une résolution du Grand Conseil demandant, à l'unanimité (y'avait du monde à la buvette ou une épidémie d'encéphalite avait-elle frappé le parlement ?) un soutien du gouvernement à la candidature genevoise à la Fête fédérale de lutte suisse et des jeux alpestres en 2016, en accordant son « plein soutien » à la candidature et mettant l'accent sur la « nécessité d'un appui de l'ensemble des collectivités publiques du canton ». Ben voyons : on se disait aussi que le canton n'allait pas louper l'occasion de faire casquer les communes en général, et la Ville en particulier. Bon, ben va falloir d'abord soutenir hardiment n'importe quelle autre candidature que celle de Genève, ensuite, si ça suffit pas, s'opposer dans nos conseils municipaux à toute dépense en faveur de ce machin. Voire, si ça peut se faire et que ça ne coûte pas plus cher que la dépense projetée, lancer un chti référendum municipal. Parce que franchement, en période de crise et de budgets déficitaires, claquer du pognon pour la lutte au caleçon, c'est pas l'usage le plus intelligent qu'on puisse proposer des moyens qu'on a encore.

On se demandait pourquoi le taux officiel de chômage était systématiquement plus élevé d'un côté de la Sarine que de l'autre. Et ben maintenant, on sait. Au moins en partie: parce que les cantons alémaniques ne comptabilisent pas comme chômeuses et chômeurs celles et ceux qui, en fin de droits, ont été basculés dans l'aide sociale quand celle-ci est principalement du ressort des communes, comme c'est très souvent le cas. Résultat : aucun chômeur en fin de droit n'est comptabilisé à Appenzell, Unterwald, Uri, Glaris, Schwytz, Bâle-Ville et Berne, et un-e seule (qui doit se planquer pour éviter qu'on lui crache à la gueule ?) en Thurgovie, à Bâle-campagne et à Saint.Gall. Et seulement 22 à Zurich, soit 0,1 % des chômeuses et chômeurs du canton. Alors qu'à Genève et Vaud, qui considèrent les « fin de droits » comme ce qu'ils et elles sont, des chômeuses et des chômeurs, ils représentent plus de 10 % (à Genève) et de 16 % (dans le canton de Vaud) de l'ensemble des chômeuses et chômeurs. C'est assez génial, comme truc, cette petite manip' statistique : on peut vous concoter comme ça de jolies statistiques bien proprettes et bien optimistes sur tout, suffit de sortir du champ de la statistique une partie de ce qu'on devrait y mettre. Tiens, par exemple, les morts sur les routes : on pourrait ne pas comptabiliser ceux qui ne sont pas morts sur le coup, mais ensuite, à l'hôpital...

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