Licenciements, délocalisations, démantèlements, austérité budgétaire... : Faire face ensemble ou tomber séparément ?

Plus de 2000 personnes ont manifesté samedi dernier à Nyon pour défendre le maintien du site et des emplois de Novartis à Prangins. «Vasella, t'es pas là, les indignés sont tous là», scandait-on dans le cortège. « Tous là », vraiment ? Dans tous les mouvements de résistance aux licenciements, aux délocalisations, aux démantèlement qui se succèdent, ce qui frappe, c'est plutôt l'extrême fragmentation, locale et sectorielle, de ces résistances. Novartis, Bopst, Kudelski, et demain les mobilisations pour le renouvellement des conventions collectives dans la construction, puis la métallurgie, puis La Poste et Swisscom, puis contre les mesures d'austérité budgétaires cantonales et municipales : un clou chasse l'autre, un combat succède à un autre, mais sans mobilisation générale, sans résistance globale, sans mouvement unifiant. Or nous le savons : nous ferons face ensemble, ou nous tomberons séparément.

La casse sociale, ça suffit ! La résistance en ordre dispersé, aussi !

Grève des nettoyeuses et nettoyeurs et des laborantines et laborantins des hôpitaux universitaires genevois, mobilisation des milieux culturels contre les projets de coupes dans le budget de la Ville de Genève, résistance des travailleuses et des travailleurs de Novartis contre le démantèlement du site de Prangins, mobilisation des syndicats de la construction pour le renouvellement de la convention collective, préparation de la mobilisation de la fonction publique genevoise et vaudoise contre les mesures d'austérité budgétaires qui vont les frapper de plein fouet... l'agenda social de ce coin de pays est chargé, les enjeux sont considérables, mais c'est encore en ordre dispersé que se font les mobilisations syndicales (et politiques) contre les décisions prises ou envisagées. Cette dispersion fait le jeu de ceux qui prennent ces décisions : le patronat et les majorités gouvernementales et parlementaires de droite, et leurs alliés de gauche (ou élus sous des étiquettes de gauche). Elle dégrade, pour nous et ceux que nous prétendons défendre, un rapport de forces qui nous est pourtant suffisamment défavorable actuellement pour que nous n'ayions pas besoin de le nous le rendre plus défavorable encore. Nous avons au contraire besoin de le changer, de le renverser, et de nous en donner les moyens. Ces moyens ne sont pas d'abord matériels, mais politiques : Pour passer des résistances sectorielles et locales à une résistance globale et nationale, pour passer de l'illusion de « sauver l'essentiel » par des négociations polies, bien respectueuses, bien dans les clous, à la volonté de gagner l'essentiel par la constitution d'un mouvement rassemblant toutes les forces syndicales et politiques, pour passer d'une succession de mobilisations partielles à une mobilisation générale, et faire en sorte que cette mobilisation ne soit pas seulement défensive, mais porteuse d'un véritable projet de changement social, nous avons d'abord besoin de conjuguer nos forces, et de les conjuguer précisément sur l'essentiel . On nous a annoncé à Genève, avec le début des travaux du CEVA, l'ouverture du « chantier du siècle » -mais c'est un autre chantier qu'il nous fait ouvrir, un autre chantier du siècle : celui de la reconstitution dans ce pays d'un mouvement ouvrier. « Ouvrier », vous dites ? Qu'est-ce que c'est que cet archaïsme ? Nous ne sommes plus en 1918, la Grève Générale, c'est de l'histoire ancienne, y'a plus d'ouvriers, plus que des salariés. plus de classe ouvrière, plus qu'une classe moyenne. Ah Ouais, ? Il nous faut retrouver le sens de mots anciens, et la fierté d'en user. Parler de « travailleurs » et d' « ouvriers », et pourquoi pas de « prolétaires » et de « plèbe », en finir avec les périphrases et les euphémismes, avec les « collaborateurs de l'entreprise », les « classes moyennes », les « il faut tirer à la même corde » et les « nous sommes tous dans le même bateau ». Savoir de quoi on parle pour savoir ce que l'on veut et être capables de le dire. Et surtout, surtout, en finir avec la peur du conflit, avec cette propension à ne l'admettre que quand il est déjà trop tard, qu'il est déjà perdu parce que nous n'avons eu comme priorité que de l'éviter, comme habitude de ne pas y engager nos forces pour le gagner, mais de les disperser à courir d'une manifestation à l'autre, d'un enjeu à l'autre, d'un rendez-vous électoral à l'autre. L'élection du Conseil fédéral ? L'élection du nouveau Procureur Général de Genève ? On s'en fout. On n'en attend rien. Ce qu'on attend, ce sont des dizaines de milliers de personnes dans les rues de nos villes pour beugler que « la casse sociale, ça suffit ! ». Et ne pas se contenter de le beugler : d'agir pour qu'elle cesse, et y opposer un véritable programme de changement, porté par tout ce que ce pays compte de forces, de volontés, de mouvements désireux de ce changement. Nos mots sont archaïques ? Soit ! Mais que nos actes le soient aussi : Prenons-nous, presque un siècle plus tard, même le temps d'une illusion, pour une sorte de nouveau « Comité d'Olten », et rédigeons le cahier de revendication d'un mouvement national de grève. Qu'il vienne ou non. Parce que la casse sociale, ça suffit, mais la résistance en ordre dispersé aussi...

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