Mercredi matin scolaire : Pourquoi ? Parce que !

« Acceptez-vous la loi modifiant la loi sur l'instruction publique (Horaire scolaire) (C 1 10 - 10744), du 26 mai 2011 ? » : c'est l'une des sept questions, cantonales et fédérales, qui seront posées à Genève aux citoyennes et citoyens dans deux mois, le 11 mars. Le référendum contre la réintroduction de l'école le mercredi matin à l'école primaire a été lancé par la Société Pédagogique Genevoise, qui dénonce une réforme « bricolée » et bien plus quantitative que qualitative. Pour les enseignants, qui n'ont de toute façon pas congé le mercredi (ils y travaillent à leurs cours où y remplissent des tâches administratives dont la charge est de plus en plus envahissante), cette réforme ne représente sans doute pas une charge de travail supplémentaire : ils continueront à travailler 40 heures par semaine 47 semaines par année. Pour les écoliers, en revanche, on aimerait bien qu'on nous convainque qu'elle se justifie, et qu'on ne se contente pas, quand on demande « pourquoi l'école le mercredi matin » , de nous répondre « parce que » !

Des têtes bien pleines ou des têtes bien faites ?

Le Département de l'Instruction Publique l'a martelé : « Il faut » réintroduire l'école le mercredi matin parce qu'« il faut » augmenter le temps d'enseignement. Pourquoi faut-il ? parce qu'il faut. Pour s'adapter au plan d'étude romand et à l'« harmonisation scolaire » fédérale (Harmos) qui non seulement relève le niveau d'exigences en langues nationales, mais introduit en 7ème et 8ème primaire (les anciennes 5ème et 6ème) deux heures d'enseignement de l'anglais (ou de ce qui en tient lieu, c'est-à-dire plutôt de l'américain basique, celui qu'on n'a précisément pas besoin d'enseigner puisqu'il submerge, hors de l'école et par les media, les élèves). On a donc préféré renoncer à la pause en milieu de semaine plutôt qu'allonger d'une heure le temps journalier d'école, alors que cette pause est bienvenue pour les élèves, à qui elles donne l'occasion de faire autre chose que remplir les exigences du programme. Résultat: avec le mercredi matin d'école, les élèves du primaire auront une charge horaire hebdomadaire aussi lourde que ceux du Cycle d'Orientation. On a aussi renoncé à réintroduire le samedi matin d'école, plutôt que le mercredi matin, sans doute pour s'attirer les bonnes grâces des parents d'élèves. Après tout, ce sont eux qui votent -pas leurs enfants. Mais qu'attend-on de l'école ? Qu'en sortent des têtes bien pleines ou des têtes bien faites ? Et de quoi les écoliers ont-ils besoin pour mieux réussir leur scolarité ? d'un allongement du temps passé à recevoir un enseignement, lui-même alourdi (on n'en a jamais tant demandé à des élèves du cycle primaire) ou d'un meilleur encadrement ? Le «mercredi scolaire» aura pour conséquence une réduction des temps d'accueil des élèves, une réduction du temps utilisable pour les activités parascolaires, une réduction du temps disponible pour la préparation de leurs cours par les enseignants, et une plus grande rigidité des horaires. On enseignera davantage, certes, mais dans de plus mauvaises conditions. Les besoins en postes nouveaux, et en postes d'enseignement, sont bien plus importants que les effectifs supplémentaires accordés par le Grand Conseil : rien que pour retrouver les conditions d'encadrement d'il y a vingt ans (14 élèves pour un poste d'enseignant à plein temps), il faudrait 300 postes supplémentaires à l'école primaire -or en vingt ans, 180 postes d'enseignants chargés de soutien et de maîtres spécialistes sont passés à la trappe et les postes créés à la faveur de la réintroduction du mercredi matin d'école ne compenseront donc que la charge d'enseignement supplémentaire que cette réintroduction implique. Et encore : une centaine des nouveaux postes prévus sont compensés par la réduction du « co-enseignement » par les maîtres spécialistes en arts visuels ou en éducation physique, co-enseignement favorisant les élèves en difficulté. Le Parti Socialiste appellera à voter « oui » à la proposition d'une demie-journée d'école en plus, le mercredi matin. Parce qu'il est convaincu de sa nécessité ou parce que l'un des siens est à la tête du Département de l'Instruction Publique ? Plaidant pour le mercredi matin scolaire dans Le Courrier, Bilal Ramadam Michael Paparou et Gérard Deshusses, cassant quelques morceaux de sucre sur la SPG accusée de corporatisme, concluent : «Souhaitons que l'esprit corporatiste ne l'emporte pas sur le projet pédagogique»... Mais quel « projet pédagogique » peut-on bien trouver dans la réforme des horaires scolaires proposée par le Conseil d'Etat ? De projet pédagogique, on n'y voit pas la queue d'un. On ne voit en réalité qu'un plaidoyer technocratique pour l'adaptation du rythme scolaire aux exigences, non moins technocratiques, du demi-dieu Harmos, qui du haut de son plan d'étude romand, enjoint à l'alignement des horaires genevois sur ceux des écoliers des autres cantons. Comme projet pédagogique, c'est tout de même un peu maigre...

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