« Dysfonctionnements » des Transports Publics genevois : Trois petits pas et une grosse colère

Dans un communiqué de presse conjoint, le Département cantonal de l'Intérieur et de la mobilité (le DIM, département de Michèle Künzler) et les Transports Publics Genevois admettent que depuis l'introduction du nouveau réseau des TPG, « des dysfonctionnements ont été constatés tant par les usagers que par les autorités ». Surtout par les usagers, mais qu'ils l'aient été par les autorités ne saurait que nous réjouir, d'autant que trois mesures ont d'ores et déjà été prises : l'ouverture anticipée d'une voie réservée aux bus sur le Pont du Mont-Blanc (mais il faudra qu'elle leur soit réellement réservée, et ça risque de ne pas être de la tarte), le rétablissement de l'ancien tracé de la ligne 3 et « la prolongation de la présence sur le terrain du personnel d'assistance et d'information aux voyageurs ». Trois pas, certes insuffisants, mais qui, relevant du bon sens, vont forcément dans la bonne direction. D'ailleurs, si on en doutait, la réaction furibarde du TCS ne pourrait que nous en convaincre...

« Chacun est rentré chez son automobile » (Claude Nougaro)

Or donc, nos zautorités ont finalement pris, concrètement, la mesure de la colère des usagers des transports publics genevois, et admis que « les inconvénients de la nouvelle organisation se sont avérés à ce jour plus importants que prévu». On est rassurés de savoir qu'il avait été prévu qu'ils y ait des inconvénients aux choix faits pour le nouveau réseau : sur ce point, au moins, le Département de tutelle et l'entreprise de transports ne se sont trompés que sur l'ampleur des problèmes. Ils n'en démordent cependant pas et restent «convaincus de la pertinence du nouveau réseau articulé autour de lignes de tram indépendantes », nécessitant donc, si l'on veut passer de l'une à l'autre, des transbordements de type « metro », sans les commodités d'un métro. Mais on saluera tout de même le réveil, en ce début d'années, des responsables de la politique genevoise des transports publics, et en particulier le rétablissement de la ligne 3 sur son tracé « historique », et l'ouverture d'une voie réservée aux bus sur le pont du Mont-Blanc, où actuellement, il est totalement illusoire, sauf à cinq heures et demie du matin ou à minuit, et encore, d'espérer qu'un bus puisse passer le pont sans être bloqué par la circulation automobile. Le Département et les TPG annoncent en outre que d'autres mesures vont être étudiées et discutées « prochainement avec les milieux associatifs représentant les intérêts des différents usagers». L'un de ces « milieux associatifs » a d'ailleurs d'ores et déjà donné de la voix : le Touring Club. Qui, comme on s'y attendait, a commencé par affirmer que « les automobilistes ne sont pas responsables (du) chaos des transports publics », par affirmer que « les automobilistes, dans leur très grande majorité, respectent le code de la route et se comportent de manière absolument responsable» (comme si le problème que pose l'encombrement de la voirie publique par la circulation automobile était un problème de respect du code de la route, et comme si un seul automobiliste ne suffisait pas à bloquer une dizaine de trams et de bus...) et par accuser « certains milieux politiques » (en clair : la gauche et les verts) de « récupération dogmatique ». Les problèmes identifiés par le DIM et les TPG ne relèvent pourtant ni de la récupération, ni d'un dogme (ainsi des « manoeuvres illicites (d'automobilistes) pénalisant la progression du tram 14 » à la Jonction et à la rue du Stand...), mais peu semble importer au TCS, qui prétend pourtant s'engager « dans une vision large, apolitique et en soutenant toute initiative visant à améliorer la mobilité de tous les usagers », mais qui, en réalité, persiste à ne soutenir que les mesures favorisant l'usage de l'automobile en ville alors qu'il est évident pour bientôt tout le monde que c'est cet usage qui entrave le développement de tous les autres modes de déplacement, majoritaires en ville : en vingt ans, la proportion de ménages sans voitures est passée de 25 à 40 % en Ville, dans quelques années ces ménages sans voitures seront majoritaires dans la commune centre, entre 2000 et 2005 la part de la bagnole dans le total des déplacements à Genève est passée de 48 % à 39 %, et la part des ménages ne possédant pas de voiture de 20 à 24 %, pour l'ensemble du canton., les habitants de la Ville ne sont plus que 20 % à s'y déplacer en voiture et la part de la marche dans le total des déplacements passe de 29 à 36 % en moyenne cantonale, de 27 à 34 % dans la couronne urbaine... Dans quelques années, se battre pour pouvoir continuer à circuler en bagnole en ville sera à peu près aussi pertinent que le serait de se battre aujourd'hui pour pouvoir continuer à y circuler en char à boeufs, d'autant que la surface occupée par un véhicule particulier en ville pour stationner et circuler correspond à celle qu'occupe un citadin pour se loger, soit de l'ordre de 40 m2/individu en moyenne... Claude Nougaro chantait la désillusion de l'après mai-68 : « chacun est rentré chez son automobile »... Faudrait-il se résigner, comme nous y invite le TCS, à ce que, chacun étant rentré chez son automobile il y a plus de quarante ans, chacun y reste encore aujourd'hui ?

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