Ecole le mercredi matin : rePourquoi ? reParce que ! (il faut !)

Il y avait sans doute de meilleures manières de célébrer l'« Année Rousseau » que proposer d'envoyer Emile à l'école une demie-journée de plus. Pour la votation populaire cantonale du 11 mars prochain, le mot d'ordre du parti socialiste sera donc le « Oui » au « mercredi scolaire ». L'enjeu n'a d'ailleurs pas mobilisé les militant-e-s socialistes (la proposition de Charles Beer et du Comité directeur a été approuvée par vingt voix et combattue par six), pas même les enseignants socialistes (aucun préavis n'a été donné par la commission « Enseignement » du parti), et l'assemblée générale n'a été précédée d'aucun réel débat interne. A la question « pourquoi l'école le mercredi matin ? », la réponse n'a donc pas changé : « parce que ! ». Elle a seulement été complétée d'un « il faut ! » tout aussi péremptoire. Et donc tout aussi convaincant.

Problèmes d'arithmétique : Baignoire qui se vide, trains qui se croisent et programmes qui enflent

Donc : « Oui » socialiste au mercredi matin d'école... L'école d'antan connaissait les bons vieux problèmes de baignoires qui se vident et de trains qui se croisent, l'école d'aujourd'hui les problèmes de programmes qui enflent, et on se livre, avec la proposition d'allonger l'horaire scolaire d'une demie journée, à un exercice relevant non de la pédagogie, mais de la mécanique (ou de la physique) : soit une quantité, donnée par le programme scolaire (une quantité, croissante, de matières à enseigner), et un espace qui est aussi une quantité (de temps), celui de l'horaire scolaire... Comment faire tenir la quantité dans le temps ? En réduisant la matière ou en allongeant le temps...Trois solutions : réduire la quantité de matières (ou la quantité de l'une de ces matières) sans toucher au temps disponible, ce qui permettrait de maintenir le mercredi de congé pour les écoliers; ou alors, bourrer le temps disponible de la totalité des matières à enseigner, ce qui accroîtrait la pression sur les élèves; ou enfin, allonger le temps disponible pour y faire tenir le programme exigé. On a choisi la troisième solution -pas la meilleure, mais la plus aisée, et la plus confortable, apparemment, pour les parents (c'est en tout cas ce que la majorité d'entre eux semblent avoir perçu). Et encore avait-on là le choix, à nouveau, entre trois solutions : celle de l'école le mercredi matin, celle d'une heure en plus les lundis, mardis, jeudis et vendredis, et celle de la réintroduction de l'école le samedi matin. On a donc choisi, toujours pour des raisons de commodité (si des critères ont été absents du débat jusqu'à présent, ce sont bien les critères pédagogiques), la solution de confort, celle du mercredi matin. Et c'est ainsi qu'un débat sur le rôle, la fonction, les moyens et les méthodes de l'école a été réduit à un calcul de quantité A à faire tenir dans un volume B. Cette réduction avait un préalable : tenir les programmes pour intangibles, intouchables, pour quelque chose se situant dans la hiérarchie des concepts quelque part entre le Décalogue et la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme. Si on ne peut plus toucher aux programmes, il ne reste en effet qu'une solution pour les faire entrer dans les horaires : allonger les horaires... en expliquant qu'il n'est pas possible, ou qu'on se refuse, à réduire le temps d'enseignement de telle ou telle matière, ou d'en rabattre des exigences nouvelles d'enseignement de l'allemand ou de l'anglais à l'école primaire (en attendant le chinois, patience, ça viendra...). Plus d'heures de cours, ce serait, aussi simple que cela, plus d'école ? L'école se résumerait, se réduirait aux heures de cours, et les activités autres ne seraient plus scolaires, lors même qu'elles s'organiseraient dans le cadre scolaire ? Les opposants au « mercredi scolaire » en conviennent : il faut plus d'école, mais « plus d'école», ce n'est pas, mécaniquement, plus de temps d'enseignement au sens restrictif du terme. Peut-on réellement mesurer la force et la qualité d'un service public par le temps passé à le dispenser, et mesurer son renforcement par l'allongement de ce temps ? -en ce cas, les TPG seraient en ce moment un modèle de service public et les internats religieux du siècle passé un modèle pour l'école républicaine... La rupture de mi-semaine était jugée bénéfique par autant d'experts qu'il y en a désormais pour vouloir l'abolir ? Peu importe... Qu'est-ce qui a changé entre le moment où les « experts » assuraient que la rupture du mercredi (ou du jeudi) de congé dans la semaine scolaire était bénéfique, et le moment où ils assurent qu'elle est néfaste ? Le mode de vie des parents, des familles, des enfants (qui, sortis de cours, se précipitent sur leur playstation en oubliant leurs cours)... mais « Personne ne peut suivre une heure de cours; des études ont montré qu'après 20 minutes, les enfants sont au stade 2 de l'endormissement », observe le neuropsychiatre Boris Cyrulnik... Allonger le temps d'école pour les élèves qui sont déjà en rupture scolaire avec le rythme actuel relève de l'absurdité stakhanoviste ? Oui, et alors ? il faut « tenir les normes du plan » (romand d'enseignement, en l’occurrence). Et si possible les défoncer, comme on le fit croire de cet imbécile de Stakhanov. Alors on veut les faire tenir, les normes du plan. en allongeant l'horaire. Mais qui parle, dans ce débat et par ce projet ? Les fabricants de pointeuses ? Les producteurs de Ritaline ? Les parents ? La déesse Performance ? Le demi-dieu Harmos ? la muse PISA ?

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