1er juin : la droite suisse débarque au Port Noir, la gauche genevoise débarque au Palladium

Aujourd'hui 1er juin, 13 Prairial (jour des pois), la droite genevoise
tient comme chaque année l'une de ses deux cérémonies identitaires
annuelles (l'autre se tiendra le 31 décembre sur la Treille), et
commémore le «débarquement» des Suisses venus prendre après la défaite
de Napoléon la place des Français, puis des troupes de la
Sainte-Alliance, comme « protecteurs » de Genève. Et le même jour,
pensant à autre chose -pensant à aujourd'hui et non à 1814, la gauche se
retrouvera dans une salle de la Ville pour faire la fête avant une
élection qu'elle peut, si elle sait se rassembler et faire acte de vote,
largement remporter. Ce qui ne dépend que d'elle.


Les semeurs d'inégalités et les glaneurs de colères


En matière de sondages, la Tribune de Genève innove : elle s'est sondée

elle-même, en demandant à 153 des 350 membres d'un improbable « cercle »
de ses lecteurs (une annexe des Vieux Grenadiers ?) ce qu'ils pensaient
de la candidate et des candidats au Conseil d'Etat. C'est-à-dire ce
qu'ils pensaient de leur candidat (Pierre Maudet) et de ses qualités
(innombrables, incomparables, immarcescibles). Résultat : l'édito de la
« Julie » de mercredi peut claironner, sur la base d'un sondage qu'on
n'aura même pas besoin de faire mentir tant il se ment à lui-même : «
Pierre Maudet est au top de la cote ». Qu'il le soit surtout au top de
celles de ses partisans relève de l'évidence -mais, coincé comme il
l'est entre la force tranquille de la gauche et la force vitupérante de
l'extrême-droite, ce petit baume au coeur politique n'était sans doute
pas de trop... même s'il reste insuffisant, puisque, faute de pouvoir
accrocher des casseroles aux basques de la candidature socialiste, on a
ensuite sorti la batterie de cuisine pour en affubler le candidat MCG,
c'est toujours ça de pris sur la concurrence.

Apparemment, donc, Eric Stauffer n'est pas le candidat d'Edipresse au

Conseil d'Etat genevois : les affichettes de la Tribune et du Matin,
hier, clamaient toutes la même information bouleversifiante : le
candidat du MCG, Eric Stauffer, « n'a pas dit la vérité » lorsqu'il a
déclaré ne faire l'objet d'aucune procédure judiciaire (il est prévenu
dans deux procédures, pour des broutilles) et d'aucune poursuite (il a
43 actes de défaut de bien aux fesses). Et alors ? Vous allez voir
qu'ils finiront par nous le rendre sympathique, le Conducator du MCG, à
force de faire les poubelles pour lui coller ses poursuites et ses
procès sur le râble... Alors soyons clairs : que Gominator soit au
Poursuites, en défaut de biens et même inculpé, on s'en fout. S'il n'est
pas, et c'est le moins que l'on puisse écrire, notre candidat, ce n'est
pas parce qu'il fait, comme des dizaines de milliers de Genevoises et de
Genevois (dont nous), l'objet de commandements de payer, de saisies ou
d'actes de défauts de bien, ni parce qu'il est embringué dans des
procédures judiciaires, mais parce que nous sommes irréductiblement
allergiques à la politique qu'il prône, aux mesures qu'il propose, aux
discours qu'il tient, à la réduction qu'il pratique assidûment de
l'action politique à un mouvement brownien qui ne convient qu'à des
particules élémentaires, et du discours politique à quelque chose qui
tient à la fois d'une baudruche, du vent contenu dans une vessie se
prenant pour une lanterne, et du tambour, quelque chose qui ne fait de
bruit que parce que c'est creux.

Et tout cela, les chausse-trappes tendus par l'un et les vitupérations

de l'autre, confirme l'évidence de la question posée ici depuis quelques
semaines : La gauche, sinon quoi? Anne, sinon qui ? Le candidat des
semeurs d'inégalités ou le candidat des glâneurs de colères ? Le
candidat des forces politiques qui ont défini pour Genève un type de
développement social et économique qui, semant les inégalités, récolte
la colère, ou le candidat de la force politique qui, n'ayant strictement
rien de crédible à proposer sur rien, récolte les fruits électoraux de
cette colère ? Poser la question, c'est y répondre. mais c'est au moins
y répondre franchement, politiquement, en faisant un choix à la fois
rationnel et de conviction, sans avoir besoin ni de se faire bricoler un
sondage bidon sur le coin d'une table rédactionnelle complaisante, ni de
tenter de faire passer son concurrent de droite pour le fils caché du
banquier Law et de la Brinvilliers.

La gauche, sinon quoi ? rien qui vaille. Anne, sinon qui ? personne qui  tienne.

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