« Pour une politique migratoire globale et cohérente » ...Un papier a réécrire. Da capo.



On a lu le projet de « papier de position » du Comité directeur du PSS « pour une politique migratoire globale et cohérente ». On a même préparé une palanquée d'amendements pour tenter de remettre ce texte sur un pied de gauche. On a  eu tort. On n'aurait pas dû. On ne partait pourtant pas forcément d'un préjugé défavorable : que le PSS se dote d'un programme politique dans ce domaine est urgent, tant les débats sur l'immigration sont depuis des années parasités par les mycoses xénophobes. Mais encore faudrait-il qu'un programme socialiste soit, s'agissant des migrations comme de tout le reste, à la fois lisible, cohérent et structuré à partir de principes distinctifs... De principes socialistes... Or celui qui nous est proposé (et qui peut être téléchargé sur : www.fichier-pdf.fr/2012/05/16/120323-sp-migrationspapier-gl-an-sektionen-f/) n'est rien de tout cela... Et il est à réécrire. Complètement.


« Nous avons demandé des bras, ce sont des hommes qui sont venus » (Max Frisch)
Il ne devrait même pas être possible au congrès du PSS, à Lugano, en septembre prochain, d'entrer en matière sur le texte sur l'immigration qui est proposé aujourd'hui à l'examen des sections du parti, et le congrès devrait le renvoyer à l'expéditeur, avec prière de le réécrire, de le traduire correctement, de le restructurer, de l'appuyer sur les principes qui sont ceux du mouvement socialiste plutôt que sur les calculs politiques à court terme. Car ce qui nous est soumis aujourd'hui n'est pas acceptable. Ni sur le fond, ni sur la forme, ni sur la structure. Il confond les priorités, mélange les genres, utilise les mots les uns pour les autres (« immigrés » pour «étrangers», « sans-papier »  pour «clandestin»...), privilégie systématiquement les aspects négatifs de l'immigration à ses aspects positifs, et finit même par admettre l’inacceptable (les « renvois forcée de niveau IV », par exemple...). Le projet du Comité directeur du PSS est celui d'un programme socialiste « Pour une politique migratoire globale et cohérente ». Et il est sous-titré :« Tirer parti des avantages de l'immigration, en prévenir efficacement les risques ». Mais est-il venu à l'idée de ses auteurs qu'avant d'être un problème, avant de porter des risques, l'immigration est à la fois un droit fondamental et un fait immémorial. Un droit fondamental, le nôtre et celui des autres, celui de nous établir ailleurs et donc celui des autres de s'établir chez nous. Un fait immémorial : l'espèce humaine est une espèce en migration depuis qu'elle existe.

Alors que faire du texte qui nous est soumis ? Rien. Ou le réécrire. Complétement. En le faisant commencer par le rappel des principes sur lesquels nous appuyons toute politique, qu'elle traite des migrations ou de quelque autre « problématique »: la liberté, la solidarité, l'égalité... Et ces principes n'ont pas besoin de dizaines de pages pour être exposés clairement -ils le sont depuis que le mouvement socialiste existe : ils sont la liberté de se déplacer et le droit de s'établir, l'égalité de traitement et la non discrimination, le primat du politique sur l'économique. Et pour « une politique migratoire globale et cohérente », il en découle au moins quatre revendications fondamentales, plutôt que 145 propositions de natures différentes, d'importances inégales, mal reliées entre elles et ne reposant au bout du compte que sur un postulat inacceptable, que symbolise clairement le fait que le premier chapitre du texte, celui qui donne le ton, celui qui situe l'enjeu, traite des « risques et problèmes actuels en matière d'immigration », et que ce n'est qu'ensuite que l'on consent à admettre les « opportunités et avantages de l'immigration » -mais toujours d'un point de vue strictement utilitaire, rentier, comptable, oublieux de ce que Max Frisch reprochait déjà à la Suisse il y a bientôt un demi-siècle : d'avoir demandé des bras et d'être terrorisée de ce que des hommes soient venus. On n'attend pas autre chose de la droite, et moins encore de l'extrême-droite. On attend beaucoup plus de la gauche, et de sa principale organisation politique.

Car ce qui légitime un parti politique, ou un mouvement politique, c'est ce qui le distingue des autres : un programme politique socialiste en matière d'immigration qui ne revendiquerait pas clairement, et pour le moins, d'abord la fin de la politique des « deux cercles » et des discriminations entre étrangers (entre les Européens et les autres, et entre les Européens eux-mêmes), ensuite la régularisation collective des sans-papiers, enfin le renoncement aux renvois forcés de requérants entravés et cagoulés vers des pays où ils risquent pire encore -un tel programme ne vaudrait que le prix du papier sur lequel il aurait été imprimé.

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