Fonds de tiroir

Le Grand Conseil de la Parvulissime République a décidé, à une voix de majorité, sur proposition de l'UDC soutenue par le PLR et le MCG, que pour siéger au Conseil d'administration des Transports Publics Genevois, il fallait non seulement être Suisse, ce qui est déjà en soi absurde, mais en plus résider à Genève. C'est-à-dire dans le canton : la « Grande Genève », avec la France voisine et le district de Nyon, c'est fait pour les discours, pas pour les responsabilités. « Dire que ce vote symbolise une montée du fascisme, c'est une connerie », assène le député PLR Renaud Gautier. Certes, et on ne le dira pas. Mais c'est le vote lui-même qui est une connerie. Surtout quand on l'explique par la volonté de la droite de sanctionner la conseillère d'Etat Michèle Künzler, qui voulait faire nommer le président de Migros-Genève (un Français, imaginez--vous...) à la tête du Conseil d'administration des TPG. Enfin, comme on n'attend plus grand chose du Grand Conseil actuel, autant ricaner de ses âneries...

Les scellés après les seaux d'eau et les bousculades « viriles » : le feuilleton de la Cour des Comptes change de registre. Disons qu'on passe des frères Lumière à un plagiat de Costa Gavras, sans être bien sûrs qu'on gagne quoi que ce soit à cette évolution. Or donc, le procureur général Jornot a ordonné la perquisition et la mise sous scellés du bureau du magistrat de gauche (et démissionnaire) de la Cour des Comptes, Daniel Devaud, soupçonné d'avoir violé son secret de fonction et dont les accès informatiques avaient été supprimés... par ses propres collègues. Devaud quittant son poste aujourd'hui, l'exercice de Jornot s'apparente un peu à de la gesticulation, mais comme on est dans la pantomime depuis des semaines, ça ne changera pas grand chose au spectacle. Et l'autre magistrat démissionnaire, Stéphane Geiger (PDC), l'adversaire de Devaud, a beau tenter de donner une explication hautement politique à son conflit avec Devaud («  L'extrême-gauche genevoise aimerait retrouver le monopole de la prophétie »...), et à se portraiturer lui-même en Winkelried, on a franchement un peu de peine à considérer cette histoire avec tout le sérieux qu'on nous prie de lui accorder. La mise sous scellés vise à « sauvegarder des preuves », assure le Ministère Public. Des preuves de quoi ? de la violation de son « secret de fonction » par Devaud. Mais pas de la véracité ou de la fausseté des accusations portées par Devaud, de blocage d'un rapport déplaisant aux partis représentés au parlement et donc dans une fondation pour la promotion du logement bon marché et de l'habitat coopératif, objet du rapport, portant sur une opération dont Devaud assure qu'elle a abouti à une mauvaise utilisation des deniers publics dans l'achat d'actions à un prix surfait.  En attendant d'en savoir un peu plus, on se demande combien de bulletins blancs et nuls on retrouvera dans les urnes dimanche prochain, jour de l'élection des magistrats titulaires et suppléants de la Cour.

En 2008, à Lucerne, on a garni la gare et la place de la gare de caméras de vidéosurveillance, afin de lutter contre la délinquance, le vandalisme et les incivilités. de permettre à la police d'intervenir plus rapidement et à la justice de disposer de preuves. Quatre plus tard, la municipalité tire un bilan négatif de l'expérience : la situation n'a pas changé, la délinquance et les incivilités n'ont pas reculé, les images ne sont pas utilisables comme preuves. Et tout ça pour un coût de 30'000 balles par an. La Municipalité propose donc de supprimer ces installations inutiles. La droite est contre : elle veut maintenir la vidéosurveillance de la gare et de sa place, mais avec un système plus perfectionné, et en faisant payer une partie de la facture par le canton. Et à Genève ? A Genève, le Conseil municipal a poubellisé une initiative populaire du PDC, transformée en pétition après avoir échoué au stade de la récolte de signatures, qui demandait l'étude de l'installation de la vidéosurveillance de l'espace public. Ben voilà, l'étude a été faite. A Lucerne. Et elle confirme que la vidéosurveillance tient à la fois du placebo (ça rassure le bon peuple) et de la méthode Coué (on se persuade que ça a un effet dissuasif sur les délinquants). On devrait tenir compte plus souvent de l'expérience de nos compatriotes alémaniques : des fois, elle est utile.

Le Conseil d'Etat annonce avoir adopté à l’intention du Grand Conseil un projet de modification de la loi sur l'administration des communes (LAC) relative aux sanctions à l'encontre des magistrats communaux. Il explique que « ces dernières années, les quelques procédures disciplinaires diligentées par le Conseil d'Etat en sa qualité d'autorité de surveillance des communes à l'encontre de magistrats communaux pour violation des leurs devoirs de fonctions ont mis au jour un défaut de gradation dans les sanctions disciplinaires prévues par la LAC. En effet, celle-ci ne prévoit que deux sanctions disciplinaires, soit l’avertissement et la révocation. Ces deux mesures se situant aux deux extrémités de l’éventail des sanctions disciplinaires, les situations de gravité moyenne ne trouvent pas de réponse adéquate dans la législation actuelle ». Le Conseil d’Etat a donc décidé d'ajouter au catalogue des sanctions prévues par la LAC, outre l'admonestation par l'autorité de surveillance, l’amende et la suspension à terme des fonctions avec suppression du traitement. « Ainsi, le gouvernement cantonal pourra sanctionner de manière ciblée et proportionnée une violation par un magistrat communal de ses devoirs de fonction », conclut le Conseil d'Etat. Bon. Et si c'est un Conseiller d'Etat qui débloque, à part le pousser gentiment à démissionner, quelle sanction est prévue ? Quelqu'un pourrait-il transmettre la question à Mark Muller ?


 Alors qu'une quinzaine de communes genevoises ont accepté, ou s'apprêtent à le faire,  de contribuer à la mise en place d'un système « Velib » de vélos en libre-service, comme il en existe dans à peu près toutes les villes comparables à Genève, et même à Moscou, le projet du Conseil d'Etat (1500 vélos dans 150 stations, dont une soixantaine en Ville), porté par la Conseillère d'Etat Michèle Künzler, a été refusé en commission des finances (il ne lui manquait qu'une seule voix, il y a eu deux abstentions et une absence PDC -on veut le nom...), au prétexte qu'il devrait être du ressort exclusif des communes. Le canton n'y contribuait pourtant qu'à raison d'un tiers du déficit d'exploitation, soit 700'000 francs, soit un dixième de millième du budget cantonal, les communes et les TPG assumant à parts égales le reste. Michèle Künzler s'interroge : «Toutes les grandes villes du monde offrent des vélos en libre-service, pourquoi pas Genève ?». Ben, parce qu'à Genève, un parti, le PLR, veut ta peau, Michèle... C'est aussi con que ça? Voui, c'est aussi con que ça... 

Voili voilou, on a élu la nouvelle Cour des Comptes et les candidat-e-s de la liste interpartis gouvernementaux ont trusté les trois sièges de magistrats titulaires et les trois sièges de magistrats suppléants, et tout le monde il est content, beau et gentil. Sauf les deux juges démissionnaires, Daniel Devaud et Stéphane Geiger, qui vont maintenant s'expliquer devant la justice, le premier ayant porté plainte contre le second pour voie de fait et séquestration (il l'accuse de l'avoir agressé et empêché de sortir de son bureau, le 23 octobre, ce que nie Geiger). Bon, tout baigne à Piogre, c'est pas parce qu'on a élu de nouveaux magistrats que les anciens doivent quitter le scène, ze chaud meuste gohonne et tout ça... Finalement, c'est peut-être à la Cour des Comptes que Salika aurait dû se présenter.

Passant son examen devant la Commission des Droits de l'Homme de l'ONU, la Suisse a accepté 50 recommandations présentées par d'autres Etats, en étudiera d'ici mars prochain 96 autres, et en a carrément refusé quatre : celle de ratifier la convention de l'ONU sur les droits des travailleurs migrants (évidemment, ça irait à l'encontre de la xénophobie d'Etat régnant), celle d'interdire toute organisation incitant au racisme (ça serait difficile, l'une d'entre elle, l'UDC, étant un parti gouvernemental), celle de lever l'interdiction des minarets (là, c'est le peuple qui a voté une connerie et on ne pourra pas sans défaire avant qu'il revienne sur sa décision, le peuple) et celle de rendre réellement justiciables les droits économiques, sociaux et culturels (ah bon, ils ne le sont pas réellement ? On avait pourtant assuré qu'ils l'étaient, lors du vote sur la nouvelle constitution genevoise)... Pour le reste, c'est promis, la Suisse ratifiera les conventions de l'ONU sur les droits des handicapés (sauf s'ils sont migrants ?) et contre les disparitions forcées (même celles des requérants déboutés expulsés de force ?), d'intensifier ses efforts dans la lutte contre le racisme et la xénophobie (y'a du boulot, là) et pour l'intégration des étrangers (même les musulmans ?) pour réduire les inégalités salariales entre femmes et hommes, pour combattre la traite des êtres humains, l'exploitation sexuelle et les violences domestiques. On progresse, on progresse. A petits pas comptés.

On votera sur la fusion des caisses de pension de la fonction publique genevoise CIA et CEH : le référendum lancé par le SSP a largement abouti, avec le soutien de l'Avivo, du Parti du Travail, de solidaritéS... et de l'UDC. Le syndicat et ses alliés contestent le plan de renflouement et de fusion présenté, qui coûtera près de neuf milliards à l'Etat et aux assurés, lesquels devront cotiser plus pour obtenir des prestations moindres qu'actuellement.  En cas d'échec de la fusion devant le peuple, le Conseil d'Etat et le parlement auront encore dix mois pour présenter un nouveau projet : la CIA et la CEH sont tenues de se recapitaliser et d'atteindre un taux de couverture de 80 % des prestations par les réserves, d'ici 2052, et un plan financier doit être adopté en 2013, faute de quoi les caisses pourraient être purement et simplement liquidées par l'autorité fédérale. De son côté, la droite parlementaire prépare, en cas d'échec du plan contesté par le référendum, un plan encore plus dur pour les fonctionnaires, durcissant leurs conditions de retraite (l'âge pivot serait amené au niveau de l'âge légal, soit 65 ans, la cotisation patronale -celle de l'Etat- serait ramenée au minimum légal, et celle des salariés au maximum, les possibilités de prise de retraite anticipée seraient suspendues...). Puisque le référendum a abouti, il faudra que les partis de gauche se prononcent. Si on sait déjà que les Verts soutiendront avec la droite parlementaire le plan combattu par le SSP, et que la gauche de la gauche le combattra, la position du PS reste incertaine (il avait combattu le plan au parlement, mais était opposé au référendum pour ne pas risquer d'avoir à faire à un plan encore pire). Dans tous les cas, le débat avant la votation sera intéressant, si on est capable d'en faire un débat sur le système même du «2ème pilier» et des alternatives qu'on pourrait lui opposer. Des initiatives sont en préparation, à solidaritéS et à l'Union Syndicale, pour basculer une partie des fonds de la prévoyance professionnelle dans l'AVS, et en revenir ainsi à un système de retraite fondé sur la répartition et la solidarité, et pas sur la capitalisation individuelle. Si le référendum du SSP devait permettre à ce débat d'être lancé, il aura été utile à quelque chose. Comme le référendum contre le durcissement du droit d'asile, en somme ? Ben oui...



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