Initiative « Halte à la surpopulation » (Ecopop) : Le visage vert de la xénophobie ordinaire

L'association « Ecologie et Population » (Ecopop) a déposé la semaine dernière à Berne son initiative « Halte à la surpopulation », munie de 120'000 signatures. L'initiative demande que l'accroissement de la population étrangère soit limité à 2 pour mille par an, et qu'un dixième de l'aide au développement soit consacré à la contraception des métèques dans leurs pays de métèques. Elle implique, évidemment, l'abolition de la libre-circulation et la dénonciation des traités internationaux contraires à ce qu'elle propose. Une initiative de l'UDC « contre l'immigration de masse » va dans le même sens (et l'UDC s'apprête d'ailleurs à soutenir l'initiative d'Ecopop) Ces deux textes sortent du même tonneau national-conservateur, et nous annoncent l'arrivée sur le marché politique d'un nouveau produit : l'éco-xénophobie, visage vert de la xénophobie ordinaire, et concurrente de la social-xénophobie façon MCG.

«  Soyons xénophobes à la place des xénophobes sinon les xénophobes seront encore plus xénophobes »


Défendant l'initiative éco-xénophobe « Halte à la surpopulation », qui veut limiter à 0,2 % par an, soit environ 16'000 personnes actuellement, c'est-à-dire cinq fois moins que la balance migratoire positive, la croissance démographique due à l'immigration, l'ancien directeur du WWF et de l'Office fédéral de l'environnement nous sort cet argument massue : « cette initiative est une provocation nécessaire, sinon un jour, ce seront des extrémistes racistes qui s'empareront du sujet ». Comme si ce n'était pas déjà le cas et que ces « extrémistes » ne s'étaient pas déjà « emparés du sujet » ? Et le mot d'ordre de Roch et Franz Weber, « soyons xénophobes à la place des xénophobes sinon les xénophobes seront encore plus xénophobes » fait-il d'eux autre chose que de simples idiots utiles de l'UDC ?

La dégradation de l'environnement dont les éco-xénophobes attribuent la responsabilité à la « surpopulation » humaine n'est pas affaire de quantité mais de qualité. Et pas de qualité de la population, mais de qualité de ses comportements, c'est-à-dire de leur empreinte écologique. Or un occidental dans notre genre est dix fois plus nuisible à l'écosystème qu'un pouilleux du tiers-monde, et plutôt que limiter la population, il conviendrait de limiter son emprise négative sur l'environnement. De limiter par exemple l'emprise de l'habitat individuel, celle de la voiture, celle des déplacements en avion plutôt qu'en train, celle du consumérisme et de la chasse aux dernières nouveautés technologiques, celle de la course au profit et à l'accroissement continu des revenus bien au-delà de la limite de l'utile, pour ne pas évoquer celle du nécessaire.  Mais une action de ce type serait, au sens propre, révolutionnaire : elle impliquerait un changement radical des comportements individuels, y compris de ceux des initiants d'Ecopop, et des choix collectifs -un changement du type de celui que proposent les partisans de la décroissance. Et si l'on veut s'en tenir à des choix plus réformistes, en se souvenant que la Suisse a une densité de population bien inférieure à celle des Pays-Bas, et que la population « optimale » est moins fonction de son nombre que des infrastructures à sa disposition, le choix politique se faisant précisément sur la mise à disposition de ces infrastructures, sur la construction de logements, d'hôpitaux, d'EMS, d'écoles, sur le développement des services publics, des transports publics, des lieux culturels... La surpopulation d'un territoire comme celui de la Suisse est toujours relative aux ressources à disposition, et la Suisse de ce point de vue,a toujours été surpeuplée, même avec les 500'000 habitants de l'an 1000 (sur le territoire de la Suisse actuelle), le million du début du XVIIe siècle, les deux millions de la moitié du XIXe, les 3,3 millions de 1900...

Si la Suisse avait fermé hermétiquement ses frontières en 1980, elle compterait toujours six millions d'habitants, et si elle les fermait aujourd'hui, elle en compterait encore huit millions dans vingt ans.  La croissance de la population suisse ne peut provenir que de l'immigration, compte tenu du faible taux de natalité des indigènes, et du faible accroissement naturel de la population résidente, d'autant que cet accroissement naturel est lui-même dû à la natalité des immigrants déjà installés. Dès lors, les initiatives du genre « ecopop » qui se donnent pour objectif proclamé la réduction de la croissance démographique ne peuvent se donner pour objectif réel que celui de la réduction de l'immigration.
 C'est cela, l'éco-xénophobie : proclamer que les atteintes à l'environnement sont dues à la surpopulation de l'espace disponible, pour ensuite s'en prendre à la part immigrante de cette population. C'est ignorer volontairement que les restrictions légales à l'immigration ne produisent que de l'immigration illégale -autrement dit, qu'elles ne réduisent pas l'immigration, mais transforment des immigrants qui auraient pu être légaux en sans-papiers. Pas un étranger de moins, mais un clandestin de plus. Et une «  gestion » de la population humaine selon les mêmes critères et les mêmes méthodes que celle de la population des renards, des blaireaux ou des sangliers.
Les garde-faune armés en moins, du moins pour l'instant.  

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