Elections italiennes : Entre le pire et le médiocre ?


Mardi, l'Italie aura choisi à quelle majorité, ou quelle absence de majorité, confier son parlement, et son gouvernement. Et on annonce le retour possible du bouffon éternellement résurgent qui avait réduit, en deux décennies, la politique italienne (de la droite à la gauche, à quelques îlots de résistance près...) à ne plus être qu'une transposition dans le champ politique des pires émissions télévisées produites dans un pays développés -celles des télévisions de Berlusconi lui-même... L'Italie semble s'être abîmée elle-même dans un gouffre d'amnésie, d'analphabétisme, de bêtise autosatisfaite, et d'une démagogie d'autant plus efficace qu'elle produit elle-même le peuple qu'elle prétend représenter... L'Italie, seulement ?

« Quotidiano, rovente, distruttivo, soprattutto disarmante... »

Qu'est-ce qui est arrivé à l'Italie, et à la gauche italienne ? Il lui est arrivé, à l'une et à l'autre ce qui dans toute l'Europe menace toutes les gauches «nationales» (la nôtre comprise, bien sûr) : il lui est arrivé qu'elle a perdu mémoire et culture politiques, et donc, par là-même, ambition politique au sens où cette ambition, collective, celle d'un projet, ne peut se résoudre dans l'addition d'ambitions inviduelles. Il lui est arrivé qu'elle a, délibérément, abandonné toute ambition d'inventivité politique et culturelle.

« Quotidien, brûlant, destructeur, mais surtout désarmant », tel est le spectacle des divisions de la gauche italienne, selon le commentaire qu'en fit le 3 février dernier, Il Manifesto. Et c'est le moins que l'on puisse, en effet, en dire. La seule alternative possible, arithmétiquement parlant, à un retour de Berlusconi au pouvoir, seul ou en alliance avec d'autres, est un «  centre-gauche » à côté duquel le PS français (ou suisse...) fait figure d'organisation révolutionnaire, et une coalition dont le leader fait aisément passer François Hollande pour un boutefeu gauchiste. Et les différentes composantes de cette gauche, et leurs leaders (Vendola, Ingroia, Bersani) de passer plus de temps à se combattre les uns les autres, à appeler chacun de son côté à un « vote utile » contre l'autre, qu'à se coaliser sur l'essentiel: en finir avec le berlusconisme, et rompre, aussi, avec une politique d'«austérité» sans aucune compensation sociale ni aucune avancée démocratique. Une politique de comptables à oeillères, succédant à des mafieux. Face au cynisme absolu d'un Berlusconi, proposant n'importe quoi sans aucune intention de tenir la moindre de ces promesses, ne proposant d'ailleurs finalement que lui-même et sa propre impunité face à la justice, que trouve-t-on ? la division, et  l'ennui.

L'Italie a toujours été un laboratoire politique. Pour le meilleur et pour le pire (le fascisme), mais toujours avec une avance considérable sur ses voisins, lors même qu'elle n'existait pas encore comme Etat et qu'elle était cette mosaïque de républiques, de principautés, de municipalités où s'inventait la politique au sens moderne du terme, et avec Machiavel la « science » l'analysant. Mais de quoi l'Italie est-elle, depuis vingt ou trente ans, le laboratoire ? De la fin de la politique, de sa submersion par le spectacle et les affaires (dans tous les sens du terme, mais d'abord en son sens le plus sonnant et trébuchant, et le plus crapuleux), ou au mieux de sa rétraction dans une gestion à courte-vue, l'oeil rivé sur les « indicateurs » économiques, et sans plus de projet collectif que celui de rester le plus longtemps possible au pouvoir.
Et qu'on ne nous dise pas que ce mal est italien, spécifiquement italien, seulement italien, qu'il ne pourrait y avoir eu de berlusconisme qu'en Italie, ni ailleurs de fascisme ou de qualunquisme...
Parce qu'on peut bien ricaner devant le spectacle politique italien, le réduire aux lieux communs que toute l'Europe cultive depuis la Renaissance sur une culture politique dont elle n'admet pas cette évidence qu'elle en est, toute l'Europe, toute nourrie. On peut bien  ricaner devant Berlusconi et devant Beppe Grillo. On peut. Mais le laboratoire italien est aussi un miroir, et c'est aussi ce que nous sommes, ici, en train de faire du débat politique, que l'on voit dans ce que le débat politique italien offre aux Italiens...
Ove tratta quelli che tradirono coloro che in loro tutto si fidavano...  quelli ? anche noi...

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