Maghreb : Pas de « printemps » social

Pour le droit d'avoir des droits

En 2011, les peuples « arabes » (et berbères...) se soulevaient contre les régimes qu'ils subissaient depuis des décennies. En Afrique du nord, plusieurs de ces régimes sont tombés : le Tunisien, l'Egyptien, le Lybien. D'autres sont toujours en place : le Marocain, l'Algérien, le Mauritanien. Mais dans les pays dont les régimes se sont maintenus comme dans ceux dont les régimes sont tombés et ont été remplacés, une fois les révolutions populaires du printemps confisquées, la misère, le chômage, la précarité sont restées -et les politiques d'« ajustement structurel » imposées par les coupoles financières internationales n'ont rien fait pour améliorer les choses : le chômage a crû de manière constante, la majorité des jeunes arrivant sur le « marché de l'emploi » sont condamnés à travailler dans le secteur « informel » pour des salaires de misère et sans aucune protection sociale. Des régimes sont tombés, reste une revendication : celle du droit d'avoir des droits.

« Instaurer la justice sociale pour un peuple sans frontière »

Le 20 février dernier, la police algérienne arrêtait, détenait pendant trois jours puis expulsait onze personnes venant de Mauratinie, du Maroc et de Tunisie pour participer au « Forum maghrébin pour la lutte contre le chômage » . Les participants algériens au forum ont de leur côté été maintenus aux arrêts toute la journée au siège du syndicat autonome SNAPAP. But de l'opération policière : empêcher la tenue du forum, entraver la création d'une union maghrébine contre le chômage et le travail précaire, et bloquer les mobilisations syndicales en Algérie même.
Le Forum devait réunir des syndicats et des comités de chômeurs de Mauritanie, de Tunisie, d'Algérie et du Maroc, avec pour objectif la mise en réseau nationale, régionale et internationale de ces comités. Le groupe préparatoire du Forum annonçait clairement la couleur : « Nous voulons construire ensemble un système économique solidaire, afin de garantir la redistribution des richesses et d'instaurer la justice sociale pour un peuple sans frontière ». Un projet politique à l'exact inverse de la pratique des régimes en place au Maghreb. Le pouvoir algérien, confronté à la contestation des syndicats autonomes et des organisations de base a donc fait échouer cette première tentative. Et une semaine après l'avoir sabotée, la police s'en prenait violemment à une manifestation des chômeurs à Laghouat : les manifestants ont été arrêtés, maltraités, contraints sous la menace de mauvais traitements encore pire de signer des procès-verbaux mensongers qui pèsseront sur eux comme une épée de Damoclès s'ils s'avisaient de récidiver dans la défense de leurs droits.
En Tunisie, les groupes et partis fondamentalistes (musulmans) s'attaquent aux syndicats et aux comités de chômeurs, pour les réduire au silence : les revendications sociales ne sont pas solubles dans la charia. Les bureaux de l'ancien syndicat unique, devenu indépendant, l'UGTT, ont été attaqués et incendiés, les militants des comités de chômeurs sont agressés par des groupes armés, et le syndicaliste, militant politique et avocat Chokri Baleïd a été assassiné. Pendant ce temps, la majorité de droite du parlement suisse reconduisait, sans y intégrer les exigences de tenir compte des droits humains, politiques, économiques et sociaux, ni même des intérêts économiques de la Tunisie, un « accord de protection des investissements »  suisse en Tunisie qui, comme son nom de « legs de l'époque coloniale »  l'indique (l'expression est d'«Alliance Sud»), ne tient compte que des intérêts (au sens le plus matériel du terme) des investisseurs suisses.
En Mauritanie, où 85 % de la population travaille dans le « secteur informel », le pouvoir militaire recourt à la violence contre la protestation sociale.

La Confédération syndicale internationale, l'Internationale des services publics, des syndicats français et espagnols, le Solifonds suisse sont condamné le sabotage du «Forum maghrébin pour la lutte contre le chômage», et le Solifonds entend poursuivre le soutien financier qu'il apporte aux comités de chômeurs et aux syndicats indépendants du Maghreb, dans leur lutte pour «  une économie qui créée des emplois, place l'être humain au centre des préoccupations et permet ainsi aux gens de vivre dans la dignité», chez eux, sans être condamnés à l'exil et à grossir les rangs des immigrants illégaux en Europe. Pour apporter ce soutien, le Solifonds a besoin du nôtre : apportons-le lui.

SOLIFONDS, www.solifonds.ch,
CP 80-7761-7

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