Fonds de tiroir

Pour ne pas annoncer que le chômage augmente à Genève (il a atteint 5,5 % en avril, soit 0,2 % de plus en un mois, 0,6 % de plus en un an), l'Office cantonal de l'emploi annonce la « fin de la tendance baissière qui durait depuis février dernier ». En quels euphémismes ces choses là sont dites : concrètement, le taux de chômage n'augmente en Romandie qu'à Genève. Il reste cependant inférieur aux 7 % de 2010, ou aux 8 % de 1994 et 1997, mais les difficultés de branches importantes comme la finance ou le commerce de détail l'ont fait remonter au-dessus de 5 %. Une hausse qui frappe plus les personnes de plus de 50 ans que les jeunes. Salauds de jeunes. De toute façon, c'est la faute aux frontaliers. Forcément. C'est eux qui piquent aux Genevois les boulots que les Genevois rêvent de faire : langer les gniards dans les crèches, torcher les vieux en gériatrie, balayer les rues, brûler les ordures aux Cheneviers, tout ça...

Le Tribunal fédéral a débouté la semaine dernière une adolescente musulmane d'Aarau et ses parents qui s'opposaient à la fréquentation des cours dispensés aux filles par un maître-nageur. Bien que les cours ne soient pas mixtes, ses parents estimaient que leurs convictions chiites n'étaient pas respectées en raison de la présence d'un maître-nageur. Quelqu'un leur a expliqué que pour apprendre à nager, un maître-nageur, c'était quand même plus utile qu'un ayatollah ?

La Ville et le canton de Genève ont décidé d'aider, modestement, les librairies indépendantes genevoises, parce qu'avec le livre, « il ne s'agit pas seulement d'un marché », a résumé Sami Kanaan (alors qu'en commission municipale de la culture, on a entendu les représentants MCG et PLR nous dire précisément que les librairies étant des commerces et le livre un produit commercial, il fallait laisser faire le marché, et que de toute façon le livre était un truc dépassé). Un programme (modeste) de bourses a donc été lancé, avec une enveloppe (modeste) de 80'000 francs pour des subsides de 2000 à 10'000 francs, couvrant des activités «non commerciales» (animations, signatures, débats, lectures), le développement de fonds particuliers et peu rentables, ou de formations aux nouvelles technologies, dans des librairies indépendantes fragilisées par l'évolution du « marché » (et le poids des grands groupes, comme Payot ou la FNAC). 80'000 francs, c'est donc modeste. Mais c'est un début. Et ça peut être augmenté. En tout cas, ça tombe bien : le très libérale « Commission de la concurrence » (Comco) doit rendre une décision sur la diffusion des livres (et leur prix), et, au nom de la concurrence, cette décision pourrait avoir des effets ravageurs, après le refus (grâce au vote alémanique) de l'initiative sur le « prix unique du livre », acceptée en Romandie, et en particulier à Genève. Bon, ben ça c'est fait, reste plus maintenant qu'à convaincre la droite de la droite que le livre n'est pas « un produit comme un autre », qu'il y a une différence entre un livre et un paquet de lessive, et que soutenir les librairies indépendantes (ou les cinémas indépendants), cela relève de la politique culturelle. Ah merde, on a écrit deux gros mots : « politique » et «culturelle»... On s'excuse...

Le Conseil Administratif de la Ville (du moins sa majorité) est opposé à l'installation d'une vingtaine de caméras de surveillance dans un coin des Pâquis, installation projetée par le canton (c'est-à-dire Maudet, en campagne électorale) sans réelle consultation avec la Ville (qui paie chaque année au canton une quinzaine millions de francs en prestations «sécuritaires», rappelle le Maire, Rémy Pagani). De toute façon, rappelle le département de Maudet, le canton «fait ce qu'il veut», et peut s'asseoir sur l'opposition de la Ville. Ah mais c'est qu'on est gouvernés,  à Genève. Par des poseurs de caméras et des bourreurs de prisons, d'accord, mais gouvernés. Quant à savoir vers quelle destination le gouvernail nous amène, on sait pas. Le gouvernail non plus d'ailleurs, ni le barreur.

Incapable d'envisager de cesser de bourrer la prison, Maudet semble prêt à tout pour repousser (après les élections ?) l'échéance de l'explosion de la cocotte-minute de Champ-Dollon : l'Office cantonal de la détention envisage désormais de rappeler des gardiens retraités de moins de 65 en renfort. Pour le président du syndicat des gardiens, Eric Schmid, c'est la preuve que le département de Maudet est « complètement dépassé par les évènements ». Ah bon, il fallait encore une preuve ? La prochaine idée géniale, c'est quoi ? Reconvertir Saint-Antoine en la prison que c'était ? Ressusciter Etienne Voldet ?

Le Conseil d'Etat tient absolument, quoi qu'en dise son président, à « se faire »  le Maire de Genève : il a donc repris la procédure disciplinaire lancée contre Rémy Pagani, coupable de s'être rendu à deux réunions du Conseil d'administration des TPG, auxquelles il avait été convoqué, pour y défendre, comme le Conseil Municipal de la Ville le lui demandait, les positions et les revendications de la commune, après que le parlement cantonal ait adopté une disposition imbécile et discriminatoire l'excluant  du Conseil d'administration des transports publics genevois. Il convient en effet de rappeler, y compris au président du Conseil d'Etat qui affirme que l'enquête contre Pagani signifie que la Ville de Genève est une commune «comme les autres», que seule la Ville de Genève se voit privée d'être représentée au Conseil d'administration des TPG par un magistrat, puisque les autres communes le seront précisément par un magistrat (au titre de représentant de l'association des communes genevoises), et que même les communes françaises de la couronne genevoise le seront, elles aussi, par un magistrat... « La Ville ne dispose pas d'un statut qui la met au-dessus des lois» , a déclaré Charles Beer... en effet, son statut la met carrément au-dessous des lois qui autorisent à toutes les communes du canton ce qu'elle interdit à la Ville... Enfin, on remerciera quand même le Conseil d'Etat de contribuer à la campagne électorale de Rémy Pagani, candidat... au Conseil d'Etat... D'ailleurs, s'il est élu, on pourra le remplacer par Michèle Künzler au Conseil administratif de la Ville...
Le PS ayant décidé de soutenir la pétition réclamant le retour du tram 13 (en lieu et place du bus 27 hâtivement mis en place pour le remplacer), la Conseillère d'Etat Michèle Künzler, interrogée par la « Tribune de Genève » du 8 mai, assure que « le retour du tram 13 péjorerait les transports ». Mais quel est l'abruti d'expert qui lui a soufflé cette déclaration à la noix ? ça fait bien vingt ans qu'à Genève on s'échine à réparer la connerie consistant à remplacer des trams par des bus, et qu'on réintroduit précisément des trams là où on les avait supprimés, et voilà que la ministre en charge du dossier nous proclame que c'est le retour d'un tram qui «péjorerait les transports publics», alors que ça fait soixante ans qu'ils sont péjorés par le contraire -le retrait des trams ? Et Michou d'ajouter, comme argument en défaveur du retour du tram 13, que le rétablir « impliquerait de supprimer la circulation routière sur le boulevard Geoprges-Favon et le pont de la Coulouvrenière »... et alors ?  c'est pas pour réduire la circulation automobile en ville qu'on avait élu une conseillère d'Etat verte ?

Le 13 mai, comme tous les quatre ans, étudiants et collaborateurs de l'Université de Genève élisaient leurs représentants dans trois organes «participatifs» de l'institution : l'Assemblée, les conseils de facultés et la commission du personnel. D'habitude, la représentation des étudiants est portée par une liste unique, concoctée par la Conférence universitaire des associations d'étudiants (CUAE), mais cette année, une liste de droite a vu le jour, qui conteste l'« opposition systématique aux autorités universitaires » que manifesterait le CUAE, sa « posture agressive » et son « militantisme anticapitaliste exacerbé ». Exacerbé, vraiment ? Parce qu'elle conteste l'augmentation des taxes universitaires ? On a dû louper un épisode... cela dit, comme ces élections ne mobilisent généralement pas les foules (3,1 % de participation il y a quatre ans...), peut-être que le choc historique de l'anticapitalisme exacerbé des uns et du procapitalisme pulsionnel des autres aura poussé un peu plus d'étudiant-e-s à voter pour désigner leurs représentant-e-s que les 400 gulus (sur 16'000 électeurs et trices potentiel-les) qui s'étaient prononcés la dernière fois. Peut-être. Mais bon, c'est des jeunes...

L'Organisation internationale du Travail annonce que près de 200 millions de personnes en âge et en état de travailler étaient au chômage dans le monde fin 2012, soit 3 millions de plus en un an, qu'on en attend cinq millions de plus en 2013, et une nouvelle augmentation en 2014. Plus du tiers des chômeurs dans le monde ont moins de 25 ans. Dans certains pays, la majorité des jeunes sont chômeurs (comme 60 % des moins de 25 ans en Espagne...), et le taux de chômage de longue durée des jeunes dépasse celui des autres classes d'âge.  Le Directeur général de l'OIT, Guy Ryder, rend responsable de cette situation « les politiques d'austérité, du moins telles qu'elles sont appliquées actuellement », et l'imposition « de façon brutale »  de ces politiques. Parce que si on les imposait de façon moins brutales, elles seraient plus acceptables ?

En février 2011, deux députés au parlement genevois, le Vert Roberto Broggini et le Conducator du MCG Eric Stauffer, se fritaient à la buvette du Grand Conseil. Injures, crachats du MCG sur le Vert, jets croisée de verres d'eau, coups de pied du Vert au èmecégiste, le tout conclu par deux plaintes réciproques : le Ministère public n'a pas apprécié et déclare, dans l'ordonnance de classement de l'affaire, deux ans plus tard, ne pas pouvoir « s'empêcher de regretter que des élus se soient comportés de façon aussi critiquable alors qu'ils devraient de par leur fonction être un exemple pour leurs concitoyens »... Ah ben si on peut plus rigoler, alors...

Donc, solidaritéS a (surprise...) désigné Rémy Pagani comme son candidat au Conseil d'Etat, parmi les sept présentés par « Ensemble à gauche ». Mais comme solidaritéS a des pudeurs, Rémy se retrouvera en septième position des sept candidats. Pour bien marquer qu'en fait, le Conseil d'Etat, il n'en a rien à cirer, et solidaritéS non plus. Et qu'il n'est là, septième sur sept (avec apparemment Christian Grobet en tête de liste) que pour « tirer la liste ». Et qu'il a bien l'intention de continuer à combattre la politique du Conseil d'Etat en restant au Conseil administratif. D'ailleurs ça tombe bien, le Conseil d'Etat auquel il est candidat a rouvert la procédure disciplinaire à son encontre, pour s'être pointé à une réunion du Conseil d'administration des TPG, à laquelle il avait été convoqué mais à laquelle il n'était plus le bienvenu (on résume, là...). Finalement, les élections au Conseil d'Etat genevois, c'est assez rigolo : rien qu'à gauche, on a déjà 13 candidat-e-s pour sept sièges. Et sur ces 13 candidat-e-s, sept de « gauche de gauche » qui ne veulent pas (ou disent de pas vouloir) être élus, une sortante verte qui a du plomb dans l'aile et au moins un-e socialiste qui va rester sur le carreau... on aurait du être candidat, aussi, tiens, plus on est de... oui, bon, d'accord...



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