Abolition du service militaire obligatoire : Sous le casque à boulon, la plage ?

Le 22 septembre, premier jour de l'année (1er Vendémiaire) dans le calendrier républicain, sera-t-il le jour de l'abolition de la conscription en Suisse ? Ce jour-là, en effet, l'initiative du Groupe pour une Suisse sans Armée recevra le verdict qu'elle sollicite du peuple. On la votera, cette initiative. Sans enthousiasme, en considérant qu'elle procède d'un faux calcul (élargir le cercle des adversaires de l'armée actuelle, mais au prix de la démobilisation d'une partie des antimilitaristes) mais convaincus par la mobilisation contre elle, à l'appel d'Ueli Maurer, de tout ce que notre beau pays compte de casques à boulons. Pesant aussi sur des têtes féminines : si l'initiative du GSsA pour l'abolition de la conscription devait être acceptée, la Suisse se retrouverait "avec une armée de délinquants commandée par des abrutis", a prophétisé l'udéciste genevoise Céline Amaudruz. Prophétisé, c'est peut-être vite dit : après tout, le commandant en chef, ministre de la Défense de ce pays est le collègue de parti d'Amaudruz, Ueli der Soldat...

"On ne fait pas l'armée dont on a envie, mais celle dont on a besoin".

On a eu l'occasion ici d'exprimer nos doutes sur la pertinence de la proposition du GSsA : pour ceux qui, comme nous, sont partisans de l'abolition de l'armée, et non seulement du service militaire obligatoire, l'abolition de la conscription et la création d'une armée de volontaires n'est, au mieux, qu'une demie-mesure, au pire le risque de voir se construire une armée de métier. "Si notre initiative débouchait sur le remplacement de l'obligation de servir par une armée de volontaires, notre objectif de supprimer l'armée devient encore plus utopique", admet l'un des fondateurs du GSsA, Josef Lang. Mais la campagne des adversaires de l'initiative, à elle seule, nous convainc finalement de la soutenir (l'initiative, donc, pas la campagne), et d'appeler à la soutenir. Parce que dans le genre Ligne Maginot idéologique, on a pas fait mieux depuis 1940 que le discours des casques à boulons et de leurs porte-voix politiques.
Face à l'initiative, le Conseil fédéral (on espère tout de même que les deux socialistes qui y siègent n'adhèrent pas à cette ânerie...) affirme qu'une armée de milice formée uniquement de volontaires, comme celle que propose le GSsA, est impossible, ou aboutirait fatalement à une armée professionnelle.  Etre "formée de volontaires", c'est pourtant la définition même de l'armée de milice, par opposition à celle de conscription : la milice est volontaire, la conscription obligatoire.  Le Conseil fédéral ajoute que sans armée de conscription, la Suisse serait indéfendable. Et pourquoi diable ? La France est-elle-devenue indéfendable en abolissant la conscription ? Et contre quoi, et contre qui, l'armée est-elle indispensable, assure-t-elle une tâche qu'aucune autre institution publique ne pourrait assumer ?
L'armée suisse est déjà, en grande partie, une armée de volontaires :  la conscription que l'initiative du GSSA veut abolir ne frappe déjà plus qu'une minorité de la minorité de la population, le recrutement épargne l'école de recrue à un tiers des hommes en âge de la subir, l'école de recrue renvoie à la maison 10 % des recrues, les départs à l'étranger, le service civil, les problèmes de santé écrèment encore le reste du cheptel, et au final moins de la moitié des personnes qui y sont tenues par leur âge ou leur sexe "font l'armée" -et de plus en plus rares sont, d'entre elles, celles qui y voient autre chose qu'une corvée, à l'instar de ce "comité de soldats contre l'obligation de servir", qui s'empresse de protester de son opposition à l'abolition de l'armée, mais qui résume ainsi le service militaire obligatoire : le temps d'"un seul combat : celui contre l'ennui".
Le Conseil fédéral et la droite (politique et économique) clament qu'une armée de 20'000 volontaires est inconcevable en Suisse, qu'on ne trouverait jamais assez de volontaires et que ceux que l'on trouverait serait, selon Ueli Maurer, "en majorité ceux qui n'ont pas de travail, ceux qui sont passionnés par les armes et la violence"... mais l'armée suisse compte déjà 18'000 officiers et 30'000 sous-officiers volontaires pour un engagement supplémentaire à leurs obligations militaires  (et quelques milliers de femmes elles aussi volontaires, par définition): sont ils (et elles) "en majorité" chômeurs, maniaques des armes et de la violence ?
"Il faut changer l'image dépassée de l'armée" déclare Ueli Maurer, Conseiller fédéral moderniste, ("Le Temps" du  24 août)... Et  pourquoi diable ? Est-ce qu'à Genève on a changé l'image dépassée de la Compagnie 1602, hein ? Et les Vieux Grenadiers ? Faut pas moderniser les pièces de musée, elles perdent de la valeur... Et on aime beaucoup ce résumé, par le colonel brigadier Denis Froidevaux, président de la société suisse des officiers, des deux raisons de vouloir une Suisse sans armée, dans "Le Temps" du 27 août: "On ne fait pas l'armée dont on a envie, mais celle dont on a besoin". q
Et comme on n'en a pas plus envie q
ue la Suisse n'en a pas besoin...

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