Fonds de tiroir

Y'a pas que Naxoo (le téléréseau dont la Ville de Genève est encore actionnaire majoritaire) qui pose problème : y'a aussi la télé locale, Léman Bleu, diffusée par ce téléréseau. La Ville est d'ailleurs également actionnaire (mais minoritaire, à 18 %, de cette télé locale). Bon, évidemment, une télé qui diffuse en direct les séances du Grand Conseil et du Conseil Municipal de Genève ne peut pas ne pas subir une sorte d'effet de contagion du bordel ambiant : entre l'arrivée en août 2012 d'un nouveau directeur, Stéphane Santini, aux méthode... disons très directoriales (« s'il faut virer tout le monde, je le ferai...») et une nouvelle grille des programmes qui burnoute le personnel, entre un quart et un tiers du personnel a démissionné (de son plein gré ou poussé à le faire), les conditions de travail se sont détériorées, les journalistes font désormais le boulot des caméramens. En comparant la situation actuelle avec celle qui prévalait il y a dix ans, le président du Conseil d'administration de la chaîne, Philippe Lathion, résume : «l'entreprise était plus politisée. Elle est davantage libéralisée aujourd'hui». On ne saurait mieux dire. Entre Naxoo et Léman Bleu, la Ville n'a décidément pas de pot avec le secteur télé. Si elle veut rester présente dans la communication, elle devrait songer à recréer un réseau de pigeons voyageurs...

Vous vous souvenez du désopilant feuilleton de la Cour des Comptes, de ses juges qui se balancent des seaux d'eau ou s'accusent d'être quasiment à la solde des entités sur lesquels ils enquêtent ? Un rapport d'une commission  d'enquête nommée par le Grand Conseil propose d'en tirer quelques leçons : pour la commission d'enquête, la Cour a mal fonctionné en 2012, mais ce mauvais fonctionnement n'a pas altéré sa capacité à rendre des rapports de qualité, ni son indépendance. Bref, la bête a des soubresauts, mais elle est solide. Si solide, d'ailleurs, qu'il semble qu'elle ait tenté d'entraver l'enquête de la cmmission, de n'y collaborer qu'en traînant les pieds, et qu'elle dénie au Grand Conseil toute compétence de la contrôler (sauf sur sa gestion administrative)... La commission d'enquête pointe donc les dysfonctionnement de la Cour des Comptes, et d'abord les inimitiés, et les incompatibilités de fonctionnement, entre ses membres, en particulier entre l'ex-juge Daniel Devaud et l'ex-juge Stéphane Geiger (l'homme au seau) et entre Daniel Devaud et le juge Stanislas Zuin. Ensuite, l'inégalité de l'investissement personnel des juges dans leur boulot : l'un, Stéphane Geiger, limitait cet investissement au strict minimum (moins que le plein temps pour lequel il était payé), un autre, Stanislas Zuin, s'y investissait totalement, bien plus qu'il était attendu. Et le troisième, Daniel Devaud, faisait son travail, mais de manière «  très formaliste ». « Très », c'est-à-dire «trop» pour ses collègues.  Bon, alors, fin du feuilleton ? Que nenni : Daniel Devaud a pondu un contre-rapport pour défendre sa position. Il avait déjà fait recours au Tribunal fédéral pour contester la levée de son immunité par le Grand Conseil, dans le cadre d'une poursuite pour violation du secret de fonction (ce recours a été rejeté), et déposé plainte contre son collègue Stéphane Geiger pour voie de fait et séquestration (la fameuse affaire du seau d'eau), avant de démissionner de son mandat à la Cour (qu'il n'a finalement exercé qu'un an). Suite au prochain épisode ? sans doute : c'est pas parce qu'on est plus magistrat de la Cour des Comptes qu'on va cesser de les régler, ses comptes...

Bonne et roborative nouvelle : le «Matin Dimanche » annonce que le service genevois des contraventions va devoir restituer à une mendiante rrom les 2588 francs (plus les intérêts à 5 % pendant quatre ans) que la police avait saisis sur elle pour recouvrer des contraventions infligées en 2008. Or toutes les contraventions ont dépassé le délai de prescription. Et la Chambre pénale de recours a qualifié le séquestre de cet argent par le Service des contraventions de « déni de justice », et ordonné sa restitution. C'est la première fois depuis l'entrée en vigueur, en 2008,  de l'imbécile loi genevoise contre la mendicité, que le service des contraventions va devoir rendre directement de l'argent à un (une, en l'ocurrence) mendiant-e. Et toutes les sommes d'argent saisies depuis 2004 vont ainsi devoir être rendues : en juin 2011, le Conseil d'Etat les avait évaluées à un peu plus de 35'000 francs, ce qui ne couvrait même pas les frais de leur confiscation et de leur séquestre. Sans parler de tous les frais qui s'y ajoutent (tentatives de recouvrement, gestion des dossiers, opérations policières, voire détention). En attendant, la décision du tribunal et le remboursement de l'amende mettent quelques politiciens locaux de la droite de la droite, genre Lüscher ou Nydegger, en fureur -et inutile de dire que cette fureur ajoute à notre plaisir... autant d'ailleurs que la fureur des mêmes à l'annonce que des détenus de Champ-Dollon pourraient se voir indemnisés pour leurs mauvaises conditions de détention...

L'égalité entre femmes et hommes est inscrite depuis plus de trente ans dans la constitution fédérale. Et depuis plus de 30 ans, on mesure l'inégalité salariale, dans les faits : les femmes gagnent en moyenne 1800 francs par mois de moins que les hommes, et le tiers de cette différence ne s'explique que par une discrimination fondée uniquement sur le genre (le reste relève des différences de formation, d'ancienneté -mais qui renvoient pour la plupart aux parcours personnels spécifiques des femmes -notamment les ruptures de formation ou d'engagement professionnels, ou plus grande proportion de travail à temps partiel, dus à la maternité et à la prise en charge des enfants. Résultat : les femmes gagnent en moyenne 677 francs par mois de moins que les hommes, uniquement parce qu'elles sont femmes. Au total, pour elles et leurs familles, c'est plus de sept milliards et demi de francs de manque à gagner par an. Et donc de moins à dépenser ou à économiser ou à investir. Et donc de moins à produire de l'impôt. « La femme est l'avenir de l'homme », écrivait Louis pour faire plaisir à Elsa. Ouais. Mais c'est un avenir à prix réduit.


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