Le droit à l'avortement en votation, le 9 février : Une initiative hypocrite

« Une affaire privée », le remboursement des IVG ?

L'initiative populaire des milieux intégristes (catholiques et protestants, l'oecuménisme ne posant aucun problème aux intégriste pour autant qu'il se fasse sur le corps des femmes) s'avance masquée, jusque dans son titre : « Financer l'avortement est une affaire privée ». But de l'opération : dénier à l'interruption de grossesse le statut d'un droit, pour en refaire ce qu'elle était avant sa dépénalisation, c'est-à-dire un privilège. Un privilège qui se paie, par la prise d'une assurance complémentaire, facultative, dès lors que l'IVG ne serait plus remboursée par l'assurance de base, obligatoire. Cette méthode, parfaitement hypocrite, les milieux religieux fondamentalistes qui sont à l'origine de l'initiative, ne l'ont pas inventée : c'est la même qui est utilisée partout où les conquêtes des femmes sont remises en cause (même par des femmes. Au nom de la «responsabilité individuelle», on prétend faire ddu droit à l'avortement une « affaire privée », en laquelle la société n'aurait pas à intervenir autrement qu'en posant des limites, et surtout pas en garantissant matériellement ce qu'on proclame rhétoriquement comme un droit : celui d'interrompre une grossesse par un acte médical accompli dans les conditions d'une société développée.


« Une affaire privée », le « financement de l'avortement» ? Pas plus que le « financement » par la même assurance-maladie de base d'interventions médicales rendues nécessaires par les conséquences decomportements personnels. Les opposants au droit à l'avortement refusent que leurs cotisations d'assurance-maladie soient fixées en fonction d'un calcul qui intègre le coût (d'ailleurs très marginal) des interruptions de grossesse ? « Je ne veux tout de même pas cofinancer des avortements », proclament en «une» du journal des initiants « une mère et son bébé de trois mois » ? Les non-fumeurs pourraient adopter la même attitude s'agissant du traitement des cancers provoqués par le tabagisme, les abstinents à l'égard du traitement des cirrhoses du foie des alcooliques, les piétons à l'égard de la réparation des accidents d'automobile et les antisportifs à l'égard des accidents du sport. Sans parler des antimilitaristes qui ne voient pas pourquoi ils devraient continuer à financer par leurs impôts l'achat d'avions de combat ou les opposants à la vidéosurveillance qui pourraient objecter à toute contribution fiscale contribuant au financement de la pose de caméras aux Pâquis...

Poursuivant dans une argumentation soigneusement calibrée pour dissimuler leurs intentions fondamentales (fondamentalistes), les initiants affirment que le «déremboursement» des IVG réduira les coûts de la santé et les cotisations d'assurance-maladie, supposées être fixées en fonction de ce coût. Or les IVG ne représentent que trois dixièmes de pour mille des primes d'assurance-maladie. Leur « déremboursement » par l'assurance de base ne changerait donc rien aux cotisations perçues auprès des assurés. D'ailleurs, il n'y a pas réellement en Suisse d'«explosion» des coûts de la santé mais une augmentation continue, car  la population vieillit, a donc besoin de plus en plus de soins, que les exigences individuelles et sociales de bien-être s'accroissent, et qu'on utilise et consomme des appareils et des médicaments de plus en plus sophistiqués et donc de plus en plus coûteux). Il y a en revanche une «explosion» des primes d'assurance : en 2010, quand les coûts de la santé augmentaient de 1,8 %, les primes d'assurance augmentaient cinq fois plus, de 8,7 %. Mais les IVG n'y sont pour rien.
Nous sommes donc, avec l'initiative pour le déremboursement des IVG, face à une offensive qui ne dit pas son nom, lancée pour revenir sur un droit conquis de haute lutte par les femmes, et ratifié à une écrasante majorité par le peuple il y a onze ans. Cette offensive ne se présente pas pour ce qu'elle est, parce que ses initiants savent pertinemment qu'exposer sincèrement leur objectif les conduirait immanquablement à l'échec. Ils commencent donc par réduire les possibilités matérielles des femmes socialement les plus modestes d'exercer leur droit à choisir d'être mères ou de ne pas l'être.
Sous-jacente, il y a cette idée que l'avortement est une faute, et que cette faute doit se payer. Comme on ne peut plus la faire payer de la prison, ou du charcutage à l'aiguille à tricoter sur la table de cuisine d'une « faiseuse d'ange », on la fait payer par le déremboursement de l'acte médical qu'est, quand elle légale, une IVG. Les seuls gagnants d'un tel retour en arrière seront les assureurs-maladie, vendeurs d'assurances complémentaires -il n'y aurait pas un avortement de moins, seulement des contrats d'assurance de plus.

Une « affaire privée », le remboursement des IVG ? Une affaire tout court, pour les assureurs, leur déremboursement.

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