Deuxième tour des Municipales françaises : Quelque part entre Trafalgar et la Berezina...

Le second tour des élections municipales n'a pas, pour la gauche en général et le PS en particulier, atténué les résultats du premier : bien plutôt les a-t-il confirmés, voire renforcés, à la faveur d'une abstention considérable (38 %) pour de telles élections dans un tel pays, et le résultat de ce dimamche tient à la fois d'un Trafalgar républicain et d'une Bérézina socialiste. et la gauche perd 150 villes, la plupart perdues par le PS. Le Front National prend notamment Béziers, l'UMP Toulouse et Limoges (à gauche depuis un siècle...), le Modem Pau. Et si le PS gagne Avignon, c'est sans doute moins par adhésion à sa liste que par peur de voir le Festival international de théâtre, et tout ce qu'il génère d'activité dans la ville des Papes, la quitter -électoralement, Olivier Py est plus efficace que François Hollande. Enfin, à Grenoble, une liste de gauche en bat une autre, et les Verts alliés au Parti de gauche supplantent les socialistes alliés aux communistes. Certes, le PS garde Paris, Lyon, Lille et Strasbourg, mais sur l'ensemble des municipalités soumises à un second tour, la gauche, toute la gauche, ne pèse plus de 42 % contre 49 % pour la droite démocratique, et 9 % pour le Front National.

Cette leçon vaut bien un fromage, sans doute...

Après la baffe reçue au premier tour des élections municipales, le PS français, rejoint dans cette démarche par les Verts et les communistes, avait lancé à la droite démocratique un appel au « front républicain » qu'elle avait repoussé. Le Front National, qui avait prévenu qu'il se maintiendrait au deuxième tour partout où il le pourrait, avait de quoi se réjouir de ce refus, qui aurait condamné sa victoire du premier tour à ne porter que fort peu de fruits au second. « Partout où le maintien de la liste PS peut provoquer la victoire du FN, nous nous désisterons », avaient annoncé les socialistes -ils tinrent parole, non sans quelques grincements de dents et quelques refus locaux (comme à Béziers, où le maintien du candidat de gauche a favorisé l'élection de celui du Front National). L'UMP, elle, trouvait plus judicieux de renvoyer Front National et Parti socialiste dos à dos, en donnant comme prétexte de cette posture les alliance entre le PS et le Front de Gauche, comme si Front National et Front de Gauche s'équivalaient. Electoralement, le calcul s'est révélé pertinent: l'UMP est la grande gagnante de ces élections.Cependant, ces Municipales soit moins une victoire de la droite qu'une défaite du PS, et moins une victoire de l'UMP qu'un désaveu du gouvernement -les Français ont voté contre Hollande et pour qui (même de gauche, comme à Grebnoble) se présentait contre le PS, comme ils avaient voté pour Hollande parce qu'il se présentait contre Sarkozy. L'exercice n'est pas nouveau : il avait permis à la droite de remporter les Municipales sous Mitterrand, et à la gauche sous Chirac et Sarkozy. La nouveauté, c'est l'ancrage du Front National : cet ancrage va lui procurer les cadres qui lui manquent, les équipes qui lui font défaut, l'électorat stable à la recherche duquel il court depuis sa fondation il y a quarante ans, sur les débris de l'extrême-droite historique.

Contrairement à ce qu'on a pu lire et entendre, y compris de sa part,  la montée du Front National ne signifie pas la «fin de la bipolarisation gauche-droite» : le Front National est, sans autre doute que celui qu'il peut tenter de cultiver pour parfaire sa « dédiabiolisation », un parti à droite de la droite (pour ne pas écrire d'extrême-droite). Ce parti a renforcé son implantation locale et est devenu le troisième parti français, devant les Verts (et le Front de Gauche, qui n'est pas un parti mais une alliance de partis et d'organisations), mais ce troisième larron n'a pas pour projet de s'ajouter aux deux autres, il a pour projet  d'en remplacer l'un des deux : la droite dite encore (plus par nostalgie que par objectivité) « répuplicaine ». Quoi qu'en proclame Marine Le Pen, son parti  n'est pas une alternative à ce qui structure le champ politique depuis deux siècles (la bipolarisation gauche-droite, précisément), mais une ambition de prendre politiquement la place de la droite traditionnelle, en s'appuyant sur les couches sociales et les espaces géographiques délaissés par les partis de gouvernement et leurs alliés. C'est ce projet que le FN est en train de réaliser et que tant la droite que la gauche gouvernementales l'aident à réaliser, et c'est ce piège que l'extrême-droite leur tend à tous les deux -à la gauche en reprenant quelques uns de ses discours, à la droite en s'affirmant mieux qu'elle capable de combattre la gauche.

Quand on laisse des espaces en friche, il ne faut pas s'étonner qu'y poussent de mauvaises herbes. La gauche française, et le PS tout particulièrement, paie lourdement l'abandon de ces espaces qui furent les siens, mais cet abandon, elle, et il, en sont pleinement responsables et coupables. Cette leçon des Municipales française vaut pour les Municipales genevoises, dans un an.
C'est court, un an.

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