« Renvoi des criminels étrangers » : La droite bourgeoise, toute honte bue...

Prête à tout pour obtenir de l'UDC qu'elle retire sa deuxième initiative populaire sur le renvoi des délinquants et criminels étrangers, qui exige l'application intégrale de la première, acceptée par la majorité du peup,le et des cantons, le PLR et PDC se sont rangés derrière l'UDC pour imposer au Conseil National, par 104 voix contre 71 un durcissement délirant des possibilité de renvoi dans le pays dont ils sont ressortissants, même s'îls n'y ont jamais vécu et sont nés en Suisse, des délinquants et criminels étrangers frappés de la double peine de prison puis d'expulsion. Le projet adopté par la Chambre basse du Parlement fédéral (la Chambre haute, le Conseil des Etats, peut encore « rattraper » le mauvais coup -mais le fera-t-elle ?) a été qualifié de « totalitaire et liberticide » par la socialiste Ada Marra. De fait, ces qualificatifs s'imposent -mais on cherche encore celui qui qualifierait la veulerie de la droite bourgeoise, se mettant elle-même, toute honte bue, à la remorque de l'UDC...

En Suisse, aujourd'hui, quand on touche le fond, on ne remonte pas, on creuse...

La commission des affaires juridiques du Conseil national avait proposé, aux grands cris de l'UDC, d'invalider partiellement l'initiative pour la « mise en oeuvre » du renvoi automatique des criminels étrangers, accepté par le peuple et les cantons en 2012. L'initiative proclame fièrement (mais illusoirement, puisqu'il faudrait que le droit international lui-même l'admette pour que cela soit possible) que son contenu prime sur les normes du droit international, sauf si elles sont reconnues comme impératives (interdiction de la torture, du génocide, de la guerre d'agression, de l'esclavage,...). La commission de la Chambre basse avait donc recommandé que le texte soit soumis au peuple amputé des passages incompatibles avec le droit international tel qu'il est, et non tel que le définit abusivement l'UDC. Elle est revenue de cette audace. Tout au plus a-t-elle amputé le texte de l'initiative de « mise en oeuvre » d'une restriction indéfendable au principe de non-refoulement vers un Etat où la personne refoulée risque la mort ou la torture. Toutefois, même cette correction faite, le texte produit par le Conseil national s'apparente à un refus du parlement d'assumer sa responsabilité de législateur, et à l'exercice assez piteux consistant à refiler le bébé difforme aux tribunaux -et qui plus est, finalement, à une cour « étrangère »... puisque ce sont en effet, et c'est un paradoxe auquel on commence à être habitués avec les initiatives de l'UDC, des juges « étrangers » qui auraient, après ceux du Tribunal fédéral, le dernier mot sur l'application, ou plus vraisemblablement, l'inapplication d'un texte totalement indéfendable, dont la mise en oeuvre de entraînerait une charge de travail supplémentaire considérable pour les services pénaux, les services chargés des migrations, les polices et les justices cantonales... avec la garantie que ce travail serait au bout du compte parfaitement inutile, puisqu'il est impossible d'expulser quelqu'un vers un pays qui n'en veut pas, même si c'est celui de sa nationalité, et avec la certitude que toutes les voies de recours contre une expulsion seront utilisées par les expulsables.

L'expulsion des délinquants et criminels étrangers serait automatiquement prononcée (cette automaticité étant en elle-même contraire aux droits fondamentaux et aux accords internationaux, qui imposent des examens au cas par cas) non seulement pour des crimes de sang, mais également pour des délits n'ayant fait aucune victime réelle, comme celui, inventé pour la circonstance, d'escroquerie à l'aide sociale, pour laquelle des étrangers seraient donc punis plus lourdement que des Suisses, puisque punis d'une double peine, cette discrimination valant d'ailleurs pour tous les délits et crimes dont l'UDC et ses alliés du moment veulent faire le motif d'une expulsion. En cas de récidive, même des infractions moins graves (rixes, lésions corporelles simples) pourraient entraîner l'expulsion automatique. Un tel texte, s'il devait être adopté, heurterait de front des textes internationaux ratifiés par la Suisse, et l'application des dispositions votées par le Conseil National serait très rapidement contestée par des juridictions (la Cour Européenne des droits de l'Homme, par exemple, dont les décisions s'imposent à la Suisse comme à tous les Etats membres du Conseil de l'Europe, signataires de la Convention européenne des droits de l'homme). Or c'est précisément au nom du respect du droit international (et au surplus de quelques principes constitutionnels helvétiques) que le PLR et le PDC avaient combattu la première initiative de l'UDC -avant que leurs groupes parlementaires au Conseil national ne se couchent devant la deuxième initiative, celle de « mise en oeuvre » mécanique de la première, tétanisés qu'ils sont par le risque qu'elle soit approuvée par le peuple et les cantons, à quelques mois des élections fédérales.

«  On touche le fond », a résumé, consterné, le socialiste Carlo Sommaruga. Oui, on touche le fond. Mais dans ce pays, en ce moment, quand on touche le fond, ce n'est pas pour remonter ensuite, c'est pour creuser plus profond encore.

Commentaires

Articles les plus consultés