Devoir de vacances : Dessine-moi une alternative...


Au capitalisme réellement existant (et réellement existant aujourd’hui, non à celui ayant existé il y a un siècle), quel socialisme réellement possible la gauche socialiste oppose-t-elle ? La social-démocratie s’arc-boute sur sa volonté de socialiser le capitalisme pour en raboter les aspérités les plus blessantes, ou à défaut les dissimuler sous le vernis de l’Etat social ; ce qu’il reste du mouvement communiste bascule peu à peu dans une nostalgie réactionnaire mâtinée de corporatisme (en direction et à partir de la fonction publique, mais aussi des rentiers) : qu’y a-t-il de socialiste dans tout cela ? Rien, strictement rien.Alors qu'il y a tout du socialisme possible dans les possibilités même du capitalisme. Or que le capitalisme soit la matrice du socialisme, cela fait tout de même plus d'un siècle et demi qu’on le sait : que nous ayons à faire accoucher ce ventre, il est grand temps de l’admettre, et de nous y mettre.

 « Soyez résolus de ne servir plus, et vous voilà libres » (Etienne La Boëtie)

Nous devons cesser de prendre des résistances réactionnaires pour des combats révolutionnaires et des anti-douleurs pour une panacée. Nous n’en sommes plus au temps où les volontés de changement pouvaient hésiter entre une voie réformiste et une voie révolutionnaire, entre la progression et la rupture. Nous en sommes au temps où le choix se fait entre des volontés de conservation de ce qui fut conquis et des volontés de changement de l’ordre social, économique et politique., entre des ressentiments réactionnaires et des volontés révolutionnaires, entre la xénophobie et l’internationalisme. Vouloir qu’il y ait une alternative au capitalisme est un projet révolutionnaire -que ce projet se donne pour moyens ceux du réformisme ou ceux de la révolution. L’opposition se fait entre des socialistes dont le projet n’est plus que de gérer le capitalisme pour en « atténuer les excès », et des socialistes dont le projet reste de dépasser le capitalisme.
Nous devons également nous défaire de l'illusion d'une alternative possible au sein même du capitalisme, sous les formes du « développement durable », ou du «commerce équitable»: ce ne sont là que des marchés dans le Marché, des clientèles dans la clientèle. Le capitalisme ne se trouve que renforcé par cette naissance en son sein de filières qui, certes plus respectueuses que lui de l'environnement et des droits des producteurs, ne tiennent néanmoins que par leur capacité à dégager un profit -moindre que celui que permet le capitalisme sauvage, mais non moins réel.

Au stade qu’il a atteint, le capitalisme génère des rapports de production proprement totalitaires, au sens le plus rigoureux du terme : la totalité de l’existence des femmes et des hommes vivant sous son égide lui est soumise -à moins que, par un acte volontaire et définitif, ils choisissent de s’y soustraire. Plus aucune des contre-sociétés qui subsistaient encore au mitan du XXème siècle, souvenirs d’anciennes sociabilités ou volontés d’en construire de nouvelles, ne s’oppose à ce totalitarisme suave. La dissolution du mouvement ouvrier est aussi celle de la sociabilité ouvrière, et des contre-sociétés que les grandes organisations politiques et syndicales de ce mouvement avaient réussi à opposer à l’officialité. Que ces contre-sociétés ne purent jamais être des alternatives, leur dissolution même l’atteste -mais elles étaient tout de même des refuges. Il n’y a plus de refuge, plus de communauté où se retrouver pour échapper à la marchandise. La réduction de l’espace du politique au profit de l’espace privatif (ou de ce que l’on se plaît à considérer comme tel), et la disparition du projet collectif au profit des individus, bénéficie aux individus les plus forts ou les plus insouciants de leur propre sort. En ce sens, la réduction de l’espace du politique est un accroissement de l’espace du prédateur. Or nul troupeau ne se discipline plus facilement que celui de moutons convaincus d’être des loups, chacun craignant qu’en n’importe quel autre mouton se dissimule le loup en lequel lui-même se rêve.

Quelle alternative, alors ? Il n’est pas impossible que les principes les plus fondamentaux de notre projet aient été, et soient, exprimés par quelques uns des textes par lesquels la bourgeoise a donné les justifications idéologiques de son ordre : les « droits de l’homme », les « droits des femmes », les « droits de l’enfant », les « droits sociaux et politiques », etc. Relisez ces textes : aucun d’entre eux ne dit autre chose que l’impossibilité de le concrétiser autrement que par un bouleversement de l’ordre social et politique, et chacun d’entre eux exprime, pour le moins, une part du vieux projet révolutionnaire de réunification de l’homme réel et de l’homme potentiel, de l’individu et de ses rêves, de la personne et de ses droits. Nous pouvons prendre le capitalisme au piège de son propre discours: on l’abolira plus sûrement en concrétisant les droits qu’il fait mine de proclamer qu’en niant la légitimité de ces droits et en arguant de l’hypocrisie de ceux qui les proclament.

Bonnes vacances, camarades...

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