Elections municipales : Des raisons de se battre...


On prépare les élections municipales du printemps prochain, on débat des alliances, on choisit (ou on a déjà choisi) les candidates et candidats, on peaufine les programmes... Bref, on fait notre travail politique. On le fait dans un contexte, dans un rapport de forces, avec un objectif : celui d'être majoritaire. Les majorités politiques, gouvernementale et parlementaire, dont le canton est affublé rendent d'ailleurs d'autant plus essentielle la capacité des communes en général, des communes de gauche en particulier, et tout spécialement de la plus importante d'entre elles, de jouer un rôle de contre-pouvoir. Mais cette raison, pragmatique, circonstancielle, ne suffit pas à jauger l'importance du choix électoral du printemps prochain : il y a aussi, pour justifier de l'importance que nous lui accordons, des raisons de programme, de projet, de principe. Causons-en donc un peu, pendant qu'on en a le temps...

Il faut remplacer le « il était une fois » par « il y aura une fois » (André Breton)

A Genève la ville est première : elle fut avant la République, elle fit la République, et ce fut la contre-révolution qui tenta de défaire la Commune avant qu’une autre révolution ne la rétablisse. Il fallait alors construire la démocratie moderne, et pour cela casser les résistances d’anciennes institutions, à défaut de faire du passé table rase. Ce qui a été fait alors reste certes, pour l’essentiel, à défendre, mais non comme on entretient pieusement une relique, en quoi quelques uns tentent de réduire : comme un réinvente un projet. La démocratie est encore partielle, amputée, exclue du domaine économique, étrangère aux pauvres, fermée aux étrangères et étrangers (sauf au niveau municipal, précisément, ce qui implique que toute réduction de l’espace politique municipal –et à plus forte raison son abolition- soit aussi une réduction des droits démocratiques).

C’est aujourd’hui la ville elle-même qui se retrouve au cœur de la démocratie qui naguère s’y inventa. Cela vaut pour Genève, cela vaut pour la Suisse, cela vaut même pour l’Europe, dont la construction s’est faite jusqu’à présent (comme d’ailleurs celle de la Suisse) en agrégeant des Etats les uns aux autres. Dans l’invention d’une nouvelle démocratie, la ville a à jouer un rôle déterminant, parce qu'elle est le lieu de confrontation de tous les problèmes et de mise en débat de tous les projets. Concentre-t-elle les potentialités de désordre ? Elle concentre surtout celles de création ; est-elle un lieu d’incertitude ? Elle est d’abord une exigence d’inventer. Est-elle concurrente de l’Etat ? C’est parce qu’elle est le lieu de la démocratie, et dans une société où la démocratie est réduite à des programmes de jeux télévisés (ou de télé-achat…), olu des jeux sur internet, elle est le lieu même d’où le débat démocratique pourra reconquérir l’opinion publique, le lieu où il porte sur ce qui importe et donc sur ce qui fait problème. Il n’y a pas de sociétés sans villes -sans ville, il n’y a que des communautés sans autre projet que celui de leur propre conservation.

Qu’attend-t-on de la Commune ? Nous en attendons la concrétisation des principes mêmes de la démocratie, nous en attendons ce qu’elle seule peut offrir sans appareil de contrainte, et que les vieux socialistes résumaient en une formule : « passer du gouvernement des hommes à l’administration des choses ». En d’autres termes : passer de l’ordre public au service public, la Commune, sans capacité normative réelle, étant l’exemple même, et le seul en tant qu’institution politique, d’une collectivité définie par les services qu’elle rend à sa population (des bibliothèques à la voirie, du Grand Théâtre au Service d’incendie et de secours). Par définition, la commune est le service public en actes. N’étant pas fauteuse de lois, sa réalité politique est celle de la mise à disposition de services, de la concrétisation de droits fondamentaux, de la matérialisation des discours politiques. La commune est le service public, parce qu’elle ne peut rien valoir d’autre –sauf à se nier en tant que commune.

Alain Touraine observe que « la grande ligne de coupure traverse désormais la gauche comme la droite, puisqu’elle sépare ceux qui croient aux acteurs et ceux qui croient aux systèmes ». Cette «grande ligne de coupure» est présente dès l’origine même du mouvement socialiste, opposant en son sein libertaires et autoritaires, démocrates et technocrates) : Nous croyons aux acteurs et aux actrices, non aux systèmes. Parce que les systèmes, les pouvoirs, les Etats, les partis politiques même, n'ont jamais d'autre ambition que leur propre survie, et que la nôtre, d'ambition, reste celle d'André Breton assignait à la révolution surréaliste : remplacer le « il était une fois » par « il y aura une fois ».

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