Genève : le canton fait les poches des démunis (et de leur commune)


Bonne année, les pauvres !

      Le 22 septembre dernier, c'était le Nouvel-An. Le premier Vendémiaire, premier jour de l'année dans le calendrier républicain. Et pour ce jour de l'an, le canton de Genève a offert deux cadeaux à sa population la moins riche, ou la plus pauvre, comme on voudra. Premier cadeau : un projet de budget qui, pour produire un excédent d'un million, ratiboise des prestations sociales à hauteur de 30 millions (le supplément d'intégration serait réduit de moitié, le subside pour l'assurance-maladie carrément supprimé, le soutien financier individuel aux personnes âgées et aux handicapés réduit). Deuxième cadeau :  une modification de la loi sur le « revenu déterminant unifié » pour permettre, en intégrant les prestations sociales municipales à ce revenu, de réduire les prestations sociales cantonales. Bonne année républicaine, les pauvres !


«  Des mesures courageuses, notamment dans le domaine social »


Le projet de budget cantonal présenté par le Conseil d'Etat, qui prévoit de réduire de moitié l'allocation («  supplément d'intégration») versée aux personnes recevant une aide sociale, de supprimer carrément le subside sur les cotisations d'assurance-maladie et de couper dans l'aide aux aînés et aux handicapés, témoigne clairement de la manière donc le gouvernement cantonal le plus à droite depuis le glorieux gouvernement «monocolore» des années nonante du siècle passé entend équilibrer le budget de la République. Grâce à ce que le député PLR Cuendet désigne comme « des mesures courageuses, notamment dans le domaine social » : faire les poches des plus démunis. Courageux, on vous dit. On a le courage qu'on peut, mais du moins ce projet de budget peut-il encore être modifié, ou refusé. Ce qui n'est plus le cas de l'autre cadeau fait aux pauvres par ce gouvernement en juin déjà : la modification la loi sur le revenu déterminant unifié pour pouvoir réduire les aides sociales cantonales au prétexte des aides sociales municipales (entre autres).
Votée en juin dernier, cette modification de la loi sur le revenu déterminant unique est entgrée en vigueur début septembre, après expiration du délai référendaire. Ce revenu définit « la hiérarchie des prestations sociales sous conditions de ressources », c'est-à-dire les prestations sociales auxquelles on a droit si on ne dispose que d'un revenu inférieur à une limite posée par la loi ou un règlement. Donc, quand on veut attaquer ce droit et qu'on n'ose pas le faire franchement, on n'a que deux solutions : premier solution, abaisser la limite au-dessus de laquelle on n'a plus droit aux prestations, mais c'est politiquement périlleux, parce que ça se voit. Deuxième solution, intégrer dans le calcul du revenu déterminant des revenus qu'on y intégrait pas auparavant, ce qui réduit toutes les prestations versées pour combler la différence avec le revenu nécessaire pour vivre décemment. C'est ce qui a été fait par la modification de la loi  :  le « socle du revenu déterminant unifié » comprend désormais toutes les prestations sociales dont la loi elle-même ne dresse pas la liste. Donc toutes les personnes qui reçoivent par exemple de la Ville de Genève une allocation de rentrée scolaire, ou une aide complémentaire à l'aide complémentaire cantonale, verront leur droit à une aide sociale cantonale se réduire. C'est assez malin comme truc. Sournois, mesquin, mais malin. : quand une commune fait un effort d'aide sociale en faveur de sa population la plus précarisée, cette aide sera déduite de l'aide sociale accordée par le canton. La situation des bénéficiaires d'une aide municipale continuera à stagner, mais le canton pourra faire des économies sur le dos des démunis, le budget communal servant ainsi à boucher les trous du budget cantonal.  C'est d'autant plus malin que cette modification de la loi est passée inaperçue, et qu'il fallu qu'un Conseiller municipal socialiste interroge, dans l'indifférence générale du Conseil Municipal, la Conseillère administrative en charge de la politique sociale de la Ville pour que l'information lui soit donnée sur une mesure cantonale qui annule tous les effets positifs des décisions municipales. 
Alors on s'interroge : qu'est-ce qu'elles et ils ont foutu, les députées et députés de gauche au Grand Conseil, lorsque le projet de loi leur est arrivé entre les mains, et où étaient-ils et elles, quand il a été traité et voté en séance ? Que la droite et l'extrême-droite l'aient soutenu,  nul n'en sera surpris : c'est dans la droite ligne de leur conception de la politique sociale... mais la gauche ?

Il y a certes encore quelques moyens utilisables pour revenir sur la petite et assez sordide manœuvre du Conseil d'Etat pour économiser quelques deniers sur le dos des plus pauvres et celui de la Ville, mais pour cela, un minimum de mobilisation s'impose. On va essayer de s'y employer. Un peu tard, certes, nostra culpa, mais que la gauche parlementaire cantonale n'ait pas vu passer le puck (les media locaux non plus, d'ailleurs) n'est pas une raison pour accepter sans réagir de le voir arriver dans la gueule de celles et ceux que nous sommes supposés défendre.

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